La nouvelle a surpris agréablement ses supporters à travers le monde et
rendu furieux ceux qui croyaient l’avoir brisé comme une statue de sel.
Barak Obama a été choisi comme le nouveau prix Nobel de la paix ! Et
pourtant une rengaine conservatrice lourdement amplifiée par certains
réseaux d’information célébrait déjà à longueur de colonnes la chute
d’un météore.
Et l’on parlait même, dans certains cercles
conservateurs, d’un Waterloo postmoderne, le salaire mérité, pour
certains, de tant d’audace de la part d’un homme qui initia dans les
mentalités une révolution qu’on pensait relever de l’esprit « brumeux »
des philosophes. La vérité est que toute réussite de l’administration
Obama dans les grandes lignes de la politique définie pendant sa
campagne changerait pour de bon la face du monde et mettrait plus
d’humilité dans les relations entre grandes et petites nations ; une
diplomatie revisitée remplacerait celle qui veut que « le tigre n’ait
pas à discuter de sa tigritude mais à foncer sur sa proie ». La vieille
et sanglante diplomatie de la canonnière que certains faucons
considèrent comme un horizon indépassable se verrait reléguée, le temps
d’un mandat, au musée des horreurs de l’Histoire.
Plus qu’une œuvre
achevée, c’est un parcours qui a été récompensé par cette haute
distinction. Quoi que l’on puisse penser par ailleurs des grands prix
internationaux…celui-là est carrément subversif. En ce sens qu’il vient
récompenser un homme d’État qui a osé déclarer travailler pour une
planète dénucléarisée et œuvrer pour un dialogue des civilisations,
alors que le monde avait pris l’habitude de croire au pire et
s’enfonçait douillettement dans une conflagration inévitable.
La
décision du jury Nobel vise surtout ce qu’incarne Barak Obama dans ses
discours et dans ses actes, à savoir la convergence des civilisations.
Dans son discours du Caire le 4 juin 2008, le président de la plus
grande puissance du monde s’est présenté dans un Moyen-Orient bouillant
de haine et de fanatisme avec une sagesse et une humilité que l’on ne
prêtait qu’au dalai lama. Ce jour-là, il s’adressa directement aux
peuples de la région dans une sorte de diplomatie directe qui
bouleversa les consciences et ébranla les certitudes : « Le Coran nous
dit de toujours garder Dieu à l’esprit et de dire la vérité. C’est ce
que je m’efforce de faire aujourd’hui…dire la vérité du mieux que je
peux, humble face à la tâche qui m’incombe et toujours convaincu que
les intérêts que nous partageons en tant qu’êtres humains sont plus
puissants que les forces qui nous divisent ».
À l’époque, un
éditorialiste de la presse arabe écrivit que, sous Bush, il était plus
facile de choisir son camp ! Les détestations contre l’Amérique ayant
été exacerbées par une politique qui prenait parti trop ouvertement
pour Israël, et qui faisait le jeu des extrémismes de tous bords. Le
nouveau président américain changeait la musique en affirmant que
d’autres façons de penser étaient possibles, si l’on faisait évoluer
les mentalités. Ce même jour, il affirma que l’Amérique comprenait la
nature profonde de l’Holocauste comme pour continuer une réflexion
faite il y a quelques années par Simone Veil dans la préface d’un des
romans de la Martiniquaise Michelle Maillet ,qui relate la sombre
histoire d’une déportée juive et noire puisant dans le destin de ses
ancêtres la force pour survivre au régime des camps : « L’expérience de
la souffrance rapproche bien plus qu’elle n’éloigne ceux qui en sont
les victimes ».
Barak Obama a ensuite pris des engagements fermes
concernant la lutte contre le réchauffement climatique, volant la
vedette à une Europe étonnée de ce virage à 180 degrés d’une Amérique
qui incarnait pour des militants écologistes, le « grand Satan ».
Il
a ensuite ramené son pays dans le concert des nations en défendant le
multilatéralisme et une organisation des Nations unies à réformer avec
toutes les nations et non pas sous le commandement unilatéral d’un
quelconque Empire. Sa décision de ne pas déployer des missiles en
Pologne et en Hongrie a désamorcé les enchères nucléaires d’une Russie
nostalgique des « neiges »d’antan. Toute chose qui donne à l’extrême
droite une envie folle de dégainer…
Celui qui prétend apporter la
paix aux hommes de bonne volonté semble maîtriser le meilleur de toutes
les religions et incarner une conscience responsable avec un rare sens
de l’équilibre. On comprend pourquoi il focalise contre lui des
faisceaux de haine de ceux qui croient dans la séparation des races,
ceux qui veulent que leur pays soit une nation debout sur les ruines du
monde, ceux qui ne veulent pas que l’Amérique change pour pourvoir
poursuivre leur croisade sanglante au nom d’une cause dont la
résolution troublerait leur sombre dessein, ceux qui croient que la
paix est une valeur peu virile. Et enfin et surtout ceux qui croient
que le réchauffement climatique n’est que fantasme de quelques
hurluberlus qui « broient du vert ».
Barak Obama est un homme qui
dérange les prêt-à-penser idéologiques et sa désarmante humilité énerve
tous ceux qui adorent savourer les attributs de la toute puissance et
les pompes de l’ostentation.
Les lézardes de sa politique en Irak
et en Afghanistan, exploitées par ses adversaires, proviennent des
lignes de faille de la politique étrangère triomphante et solitaire de
l’Administration qui l’a précédée.
Ceux qui croient que ce prix
vient trop tôt, devront comprendre que ce chef d’État atypique a
besoin, pour ne pas échouer ou se « métamorphoser » en loup, du support
de la société civile internationale à un moment où il est encerclé par
une meute haineuse et réactionnaire.
Auteur: Roody Edmé