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La trilogie berlinoise, tome 1 : L'été de cristal

Par Jessetseslivres
La trilogie berlinoise, tome 1 : L'été de cristalCette lecture de la trilogie intégrale se fait dans le cadre du prix des lecteurs du Livre de Poche 2010 - "Polar". Afin de ne pas me lasser de cette œuvre magistrale de Philip Kerr qui compte au total 1015 pages, j'ai décidé de la lire en 3 fois, soit un tome à la fois !
Mes impressions tout de suite sur le premier tome : L'été de cristal.
Quatrième de couverture.
Vétéran du front turc, ancien de la police, Bernie Gunther, trente-huit ans, est devenu détective privé, spécialisé dans la recherche des personnes disparues. Berme ne se plaint pas. Les disparitions sont monnaie courante à Berlin, en 1936, et il ne manque pas de clients... Mais aujourd'hui, Hermann Six, le puissant industriel qui engage Bernie, ne cherche pas à trouver sa fille : celle-ci a été assassinée chez elle, ainsi que son mari. Non, ce qui intéresse Herr Six, ce sont les bijoux qui ont disparu du coffre-fort... A la veille des Jeux Olympiques, tandis que les S.A. se chargent de rendre la ville « accueillante » aux touristes attendus, Bernie se met en chasse. Et cet été-là, l'ordre nouveau qui règne sur l'Allemagne va se charger de faire voler en éclats le peu d'illusions qui lui reste...
Mon avis.
Comme annoncé en introduction, je lis ce livre dans le cadre du Prix des Lecteurs du Livre de Poche 2010. Pour une entrée en matière, il faut admettre que le titre a été parfaitement choisi, je sens que la trilogie risque bien de devenir un coup de cœur si les deux autres tomes sont aussi bons que ce premier volet, appelé "L'été de cristal".
Vous l'aurez compris, j'ai beaucoup aimé ce livre, surtout ce mélange équilibré entre le côté "polar" du roman et le côté "historique" de l'Allemagne nazie des années 30.
J'aime beaucoup lire des fictions sur fond de réalité comme ce fut le cas ici et me plonger dans le monde nazi fut pour moi très difficile surtout dans les 100 dernières pages du livre. J'avais déjà connu ce sentiment quand j'avais lu, il y a quelques années, "Si j'étais un homme" de Primo Levi. Lire des livres sur cette période de l'histoire allemande me plaît énormément : quand on n'a pas connu la guerre, rien de tel que de lire un livre qui raconte les horreurs de cette période pour s'y plonger véritablement et ressentir les choses comme elles se sont produites. C'est assez dur psychologiquement mais tellement intéressant et instructif historiquement parlant.
Ici, le narrateur est Bernhard Gunther, un détective privé, engagé par Herr Six afin que celui-ci trouve l'assassin de sa fille, Grete, et de son beau-fils, Paul Pfarr mais également pour qu'il retrouve un collier de diamant qui leur a été dérobée.
De là, notre Bernie, en avançant dans son enquête, va comprendre que cette dernière est bien plus complexe que prévu sans laquelle va même intervenir le premier ministre, Goering lui-même !
L'enquête avance pas à pas amenant le lecteur à réfléchir avec Bernie, à se poser des tas de questions sur le motif du double meurtre et du vol... Et visiblement, je me suis posée les bonnes, car avant la fin, je connaissais déjà la réponse à une moitié du puzzle ! Drôlement forte, moi !
Côté historique, je remarque ici une montée en puissance tout au long du livre sur les informations qui sont distillées : on commence soft avec les lois interdisant aux femmes de travailler, lors seul rôle étant de faire des enfants et de les élever dans la tradition aryenne pure pour en terminer avec l'horreur du camp de Dachau (premier camp de concentration créé en Allemagne en mars 1933 peu après l'accession de Hitler au pouvoir) : ces pages m'ont vraiment bouleversées... on ne peut pas se rendre compte de l'horreur de ces camps et le vivre à travers un livre peut nous donner un vague aperçu de cette atrocité.
"On nous aida à descendre des wagons à coups de pied et de crosse, puis on nous conduisit à l'entrée orientale du camp, dont la grille portait la formule : "Le travail libère l'homme". La phrase provoqua quelques ricanements méprisants de la part des prisonniers mais personne n'osa faire de commentaires à voix haute de peur d'être battu.
Il existe beaucoup de choses qui peuvent libérer l'homme, mais le travail n'en fait certainement pas partie.
À vrai dire, au bout de cinq minutes à Dachau, la mort vous paraissait un moyen beaucoup plus sûr que le travail pour gagner votre liberté." (pages 299 - 300)
"Comment d'écrire l'indescriptible ? Comment parler de ce qui rend muet d'effroi ? Beaucoup de mes compagnons d'infortune, quoique plus cultivés que moi, étaient incapables de trouver les mots adéquats. C'était un silence né de la honte, la honte de voir des innocents eux-mêmes devenir coupables. Car privé du moindre de ses droits, l'homme redevient une bête. Les affamés chapardent la nourriture d'autres affamés. La survie devient l'unique objectif de chacun, et cette préoccupation prime, et même occulte, l'expérience vécue. Détruire l'esprit humain par le travail forcé était le but de Dachau, la mort n'étant que la conséquence non recherchée de l'esclavage. La survie passait par une acceptation d'un surcroît de souffrance pour les autres : tant qu'un autre détenu se faisait battre ou lyncher, vous étiez sauf. Si l'occupant du grabat voisin mourait dans son sommeil, vous pouviez manger sa ration pendant quelques jours." (page 302)
Le récit met également l'accent sur le fait qu'au moment des Jeux Olympiques (1936) qu'accueillait l'Allemagne, Hitler a pris des mesures pour vouloir conserver une certaine "image" vis-à-vis de l'extérieur : réapparition des livres interdits en librairie, retrait de certains journaux jugés trop fascistes,...
De plus, Kerr met en avant les "Violettes de Mars" (d'ailleurs, le titre VO du livre s'appelle "March Violets") pour montrer l'attitude de certains allemands qui sont subitement changer leur fusil d'épaule lorsqu'Hitler a obtenu les pleins pouvoirs en mars 1933.
J'ai vraiment trouvé le livre très instructif sur un plan historique.
Niveau personnages, j'ai bien aimé le principal, le narrateur, Bernie. Un allemand qui explique avec une certaine ironie la montée au pouvoir de Hitler. J'ai beaucoup aimé la façon dont il parlait du führer, toujours avec cette pointe d'ironie dans la voix, sans jamais oser en dire trop de peur d'être emprisonné par les SS.
J'ai moins aimé son côté coureur de jupons, car croyez-moi, c'est en un ! Quoique j'ai bien aimé sa relation avec Inge, un personnage qui a du caractère que j'ai beaucoup apprécié.
La présence du premier ministre Goering apporte également du piquant au récit, s"'invitant ainsi dans la vie de notre détective privé.
Niveau de l'écriture, ici encore, je n'ai rien à redire par rapport à la plume de l'auteur qui est sublime. Des descriptions franches et directes qui touchent le lecteur au plus profond de lui, ni trop longs, ni trop courts, juste ce qu'il faut. Pour tout dire, on ne se rend pas compte de la vitesse à laquelle on tourne les pages tellement l'écriture est rythmée entre descriptions et dialogues et dynamique.
Un seul petit bémol qui n'en est pas vraiment un : le fait d'avoir gardé les noms des grades avec führer en allemand, car c'était vraiment pénible à lire (surtout que je ne comprenais pas toujours le grade de la personne en question) mais qui permettait une immersion encore plus profonde dans le contexte de l'histoire.
Bref, vous l'aurez tous compris, j'ai vraiment adoré découvrir ce premier tome de la trilogie berlinoise et il me tarde d'y replonger tellement l'ambiance qui y règne est si noire... Je pense que la trame historique y est pour beaucoup et j'imagine que le récit ne serait vraiment pas le même sans elle.
Un récit qui se lit rapidement, qui est poignant et divertissant à la fois, bref un incontournable !
Un dernier extrait (page 83)
"- Je ne savais pas que vous vous intéressiez à la politique, dis-je.
- Je ne m'en mêle pas, précisa-t-elle. Mais n'est-ce pas exactement comme ça que Hitler a été élu ? À cause de tous ces gens qui se fichaient de savoir par qui serait dirigé le pays ?"

Note finale : 9.5/10
  • Trame/Histoire : 10/10 (rien à redire, j'ai aimé le côté polar sur fond de l'allemagne nazie des années 30)
  • Personnages : 9/10 (un détective privé qui n'a pas la langue de sa poche et très ironique dans ses propos face à la montée du nazisme dans son pays)
  • Écriture : 9.5/10 (Parfait ! Sauf pour les termes allemands, où une petite note en bas de page aurait pu m'éclairer plus sur les fonctions de chacun)

Je remercie le Livre de Poche pour la confiance qu'ils m'ont accordé dans le cadre de ce Prix des Lecteurs 2010 "polar" !
Pour d'autres avis : El Jc
La trilogie berlinoise, tome 1 : l'été de cristal (Titre VO : March Violets)
Publié en 2004 par les Éditions du Masque, puis en intégrale auprès du même éditeur en 2008. Sortie au Livre de Poche en janvier 2010.
1015 pages pour la trilogie intégrale au format poche

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