« Meurtre à l’italienne » (1959) de et avec Pietro Germi
Claudia Cardinale , Franco Fabrizi
Sortie le 24 février 2010
Ces italiens sont terribles, qui au cinéma, ne font jamais rien comme les autres. Réinventant même un jour, le western, c’est dire ! Ici , sans bousculer les codes du polar, ils lui donnent malgré tout une autre allure, un parfum délicat qui nous enivre , au point de nous faire perdre parfois le fil du récit. Ce dont Pietro Germi se contrefiche, lui qui derrière et devant la caméra , possède toutes les données du problème pour résoudre en un quart de seconde, un petit vol qui aurait pu être classé sans suite .
L'acteur-réalisateur avec la jeune et belle Claudia
Mais non , dans l’esprit Agatha Christie ( le scénario s’inspire de Simenon, et l’enquête est menée façon Maigret ) il nous traîne dans une enquête policière , où les inspecteurs plus souvent drôles que perspicaces , se prennent les pieds dans le tapis .
Pour un dénouement final avec son renversement de situation prévisible, qui ne bouscule guère notre impatience cinématographique.
Malgré cette écriture paresseuse , je n’ai pas quitté un instant mon fauteuil , car Germi a ici d’autres ambitions que de nous donner à voir un film policier de plus . Il y a d’abord des portraits d’italiens, examinés à la loupe ,et parfaitement dirigés.Claudio Gora, Nino Castelnuovo… Tous les personnages de « Meurtre à l’italienne » sont marqués par leurs origines, ce que rappelle au passage très bien en préface Jean A.Gili . Un inspecteur de police originaire de Sicile, n’a rien à voir avec son collègue romain , et pourtant ils travaillent main dans la main , pour le bien-être social .
C’est l’autre regard de Pietro Germi qui ne fait de cadeau à personne ,toutes les couches de la société romaine de la fin des années 50 étant passées au crible . Avec la bourgeoisie, le plus évident et cela demeure une constante du cinéma transalpin étant une fois encore le poids moral et financier de l’Eglise . Il y a maintenant un meurtre dit Germi, et l’assassin court toujours , à l’image de ce prélat qui fait peut-être autant de mal , mais avec la bénédiction du Seigneur .
Et voir alors la jeune Claudia Cardinale, rouler ses yeux de biche devant tant d’hommes vertueux et respectueux nous donne une raison supplémentaire pour s’accrocher à l’intrigue qui accumule détails et indices , afin de mieux nous perdre dans la contemplation d’un noir et blanc aujourd’hui révolu.
C’est ainsi que je vois ce Pietro Germi, qui pirouette sublime dans sa direction d’acteurs sans reproche se sert le premier . Rôle principal, inspecteur en chef, qu’il joue avec cigare et lunettes de soleil, le regard sombre, le feutre impeccablement vissé . Rien que d’y penser il me fait encore sourire . Il a dû beaucoup se retenir pour ne pas forcer la dose . Mais de parodie, ici point .
MAIS AUSSI
SIGNORE & SIGNORI (1965)
Avec Gastone Moschin, Virna Lisi, Alberto Lionello
De façon beaucoup plus légère, mais avec insistance suspecte dans le jeu d’acteurs , Pietro Germi dénonce cette fois toute une tradition de la bourgeoisie vénitienne auto-satisfaite et décadente. À Cannes, la Palme d’Or fut décernée ex-aequo à « Signore & signori » et « Un Homme et une femme» . Ce dernier me semble avoir mieux vieilli. Par contre, le portrait » Le bon, le beau et le méchant » consacré pendant près d’une heure au réalisateur est passionnant .
On apprend beaucoup sur » ce grand solitaire, heureux de l’être » qui pour communiquer ne connaissait » que le cinéma et la colère« . Mais quand on l’interroge sur le sujet , sa réponse est savoureuse » Polémiquer, mais contre qui ? je ne me souviens déjà plus à qui je m’en suis pris. » Toute sa filmographie est retracée dans ce portait avec moults extraits , documentaires et des interviews télévisées de l’époque . Pour » Divorce à l’Italienne » avec Marcello Mastroianni ( 1961 ) on a même le droit à un making of qui ne disait pas son nom .
::
De nombreux amis évoquent aussi le souvenir du maître, dont Pupi Avati ( réalisateur de merveilleux films dont « Histoire de garcons et de filles » ) qui relève chez Germi « le premier réalisateur acteur qui arrive à se regarder et à se filmer comme interprète et narrateur à la première personne. A l’époque c’était très innovant. » Dustin Hoffman a été le dernier grand acteur a tourner sous sa direction pour » Alfredo, Alfredo » en 1972. C’est aussi le titre d’un excellent restaurant à Venise avec un Tiramisu , grand comme ma main . Mais existe-t-il encore ?
IL FERROVIERE (1955)
Avec Pietro Germi, Lucia Della Noce, Sylva Koscina…
Ce film, le préféré de Pietro Germi , est une bouleversante chronique sociale, portrait d’une famille en détresse gravitant autour d’un père tutélaire et imparfait. Le cinéaste raconte son histoire du point de vue de son jeune héros, et développe avec nostalgie le thème de l’enfance . On a dit de » Il Ferroviere » qu’il était l’égal des grands drames sociaux de Luchino Visconti ou des chefs-d’oeuvre néoréalistes de Vittorio De Sica.
Inclus une préface inédite et la bande-annonce d’époque