L'autre jour j'étais chez Gibert-Joseph à Lyon, dans les bacs au sous-sol (ça fait très underground) afin de revendre quelques CDs pour en racheter d'autres. En demandant conseil au vendeur, un bon connaisseur cela va de soi et bien sympa, il me montre le dernier Souls Of Mischief et le Diamond District, un trio formé du rappeur/forgeron du beat Oddisee. Mmmh, dilemme. Je tranche rapidement et opte pour le Souls of Mischief en import. Le lendemain, poussé par ma curiosité, j'ai tapé par hasard 'Diamond District' sur Spotify et bingo, il y était ! Je l'écoute et là, la fessée déculottée. Le Montezuma's Revenge prend un coup de vieux tout d'un coup. Pas envie d'y aller par quatre chemins : Diamond District in the ruff est une putain de tuerie hip-hop !
Cette sortie hip-hop underground éditée par Mello Music Group et distribuée par Groove Attack est à n'en point douter une des trois meilleures sorties de 2009. Puisque l'info n'a été que trop peu relayée, je perpétue le bouche-à-oreille avec cette chronique. Diamond District est un groupe originaire de Washington DC formé autour d'Oddisee donc, complémenté par deux autres MCs, X.O. (révélé par sa mixtape One-Ten-Ten) et Yu. On connaissait déjà les capacités d'Oddisee à la production, un excellent beatmaker fidèlement ancré à l'indépendance du hip-hop et aux méthodes de fabrications des beats. D'entrée, ce qui sort des enceintes avec « Streets Won't Let Me Chill » et « Who I Be » (qui trouve son intitulé dans une rime d'ODB) raviront les hip-hop heads les plus ardus. Les MCs font leur office avec passion et une maîtrise du flow impressionnante et des textes qui transpirent le bitume, et le plus important une solide cohésion.
Oddisee remet au goût du jour la tradition boom-bap, c'en est déconcertant. Si « I Mean Business » est un clin d'oeil aux EPMD et Gangstarr (avec ce son reconnaissable évoquant irrémédiablement « Mass Appeal »), l'idée de qualifier cette oeuvre d'old school ne nous vient pas à l'esprit. Le groupe est jeune, il respecte les préceptes des arcanes hip-hop mais n'est en aucun cas un reliquat des groupes passés. Les thèmes sont d'actualité, Yu, Oddisee et X.O. ont pour voisin l'actuel locataire de la Maison Blanche le Président Barack Obama, qu'ils ne manquent pas de rappeler sur le titre « In the ruff ». Surtout, ils possèdent encore une grosse marge de progression. Les productions d'Oddisee sont incroyables, bluffantes par leur intemporalité. Les samples génèrent des ambiances uniques au fil des track, les beats claquent quand il n'échantillonne pas les rythmiques-même (« Make It Clear »). Ses maîtres peuvent être fiers de lui. Plus remarquable encore est la régularité et le dynamisme des MCs et des instrus, on ne s'ennuie pas une seule seconde d'une scène à une autre. Quand les tempos sont plus calmes, les rappeurs adoptent des flows posés et les samples se font smoothy ou introspectifs (« Off The Late Night », « The First Time »), à l'inverse quand il s'agit de presser le rythme, les phrasés se font plus sportifs (« Get in the Line »). Lyricalement parlant X.O., Odd et yU n'ont rien à prouver (« Let Me Explain », « The First Time »), du talent brut.
Pour l'anecdote, le beat d'intro est repris par trois fois sur les outro de « Back 2 Basics », « The Shining » et « Off the Late Night»), avec à chaque fois un nouveau couplet. A noter aussi l'apparition de Kev Brown sur le jazzy « Something For Y'all ».
Si les District Diamond sont la digne descendance de ce qui se faisait de mieux par les précédentes générations dans le rap, il n'est pas question de ces faux-semblants de nostalgie nous replongeant automatiquement dans les nineties, nous faisant dire que le « hip-hop c'était mieux avant ». Leur hip-hop est excellent aujourd'hui, ils sont une des raisons pour lesquels le Hip Hop est en vie en 2010. Comme quoi de nos jours il est toujours possible de trouver, à force de recherches, un diamant brut dans de le flot incessant de soupes. La probabilité que In the ruff soit béatifié dans les prochaines années à venir est élevée, s'il le faut je m'en chargerai.