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Sukkwan Island – David Vann

Par Livraire @livraire

Gallmeister
Traduit de l’anglais par Laura Derajinski
Titre original : Sukkwan Island
ISBN : 978-2-351-78030-5

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Quatrième de couverture :
Une île sauvage du Sud de l’Alaska, accessible uniquement par bateau ou par hydravion, tout en forêts humides et montagnes escarpées.
C’est dans ce décor que Jim décide d’emmener son fils de treize ans pour y vivre dans une cabane isolée, une année durant. Après une succession d’échecs personnels, il voit là l’occasion de prendre un nouveau départ et de renouer avec ce garçon qu’il connaît si mal. La rigueur de cette vie et les défaillances du père ne tardent pas à transformer ce séjour en cauchemar, et la situation devient vite incontrôlable.
Jusqu’au drame violent et imprévisible qui scellera leur destin. Sukkwan Island est une histoire au suspense insoutenable. Avec ce roman qui nous entraîne au cœur des ténèbres de l’âme humaine, David Vann s’installe d’emblée parmi les jeunes auteurs américains de tout premier plan.

Mon avis :
Largement décrit comme un roman extrêmement sombre et beau, Sukkwan Island est le premier roman de David Vann à être traduit en français.
Si les romans autour de la nature et des grands espaces que publient Gallmeister sont assez éloignés de mes habitudes de lecture, avoir été invitée par l’éditeur à rencontrer l’auteur m’aura convaincue, non sans un certain succès, d’élargir mon horizon de lectrice.
Déjà intriguée par la dédicace à la mémoire de son père, il apparaît que Sukkwan Island est un récit en grande partie autobiographique que David Vann a écrit en quelques semaines, alors qu’il tentait depuis plusieurs années d’écrire autour du suicide de son père, survenu quand il avait treize ans. Ce dernier lui avait proposé de venir vivre avec lui en Alaska, mais il avait refusé. Quelques semaines après ce refus, son père s’est suicidé. Sukkwan Island, qu’il a mis douze ans à faire publier, est une sorte de réalité alternative dans laquelle, de son propre aveu, David Vann a essayé d’imaginer ce qui aurait pu se produire s’il n’avait pas décliné la proposition de son père

L’écriture, abrupte, chirurgicale comme un état des lieux ou une autopsie va droit à l’essentiel. Si l’on sait exactement ce que pense les personnages, il n’y a pas de lyrisme, d’espoir ou de soutien pour venir adoucir la violence de la réalité.  Comme à une partie de chasse, où l’animal pourchassé vient d’être abattu, et où nul lyrisme ne viendrait enjoliver la beauté de la scène ou donner une raison à cette carcasse étendue sous nos yeux, et que seuls comptent les termes organiques pour retranscrire cette masse de chair et d’organes pourrissables désormais inertes.

Le suspens a été largement vanté et mis en avant, à juste titre, mais sans cette adéquation parfaite entre le fond et la forme, sans cette narration qui met froidement à nu les os du cadavre, le ressort de la page 113 sonnerait faux. Tout le roman tourne autour de cette fameuse page qui le divise en deux parties bien distinctes, et pour cause. Durant la première partie, on attend le coup de grâce qui ne peut que venir tandis que tout au long de la seconde, on espère qu’un miracle se produise, que la voix de la raison, de l’humanité se fasse entendre, en vain.

Loin de la violence annoncée, de la mort inéluctable et des détails écœurants, ce qui m’a réellement choquée, c’est cette vanité d’un homme qui s’imagine pouvoir dompter la nature, qui croit que l’on peut s’improviser homme des bois et vivre de ses propres ressources, à la manière des pionniers ou d’un Thoreau juste parce qu’on l’a soudainement décidé, cette appréhension naïve de la nature tel qu’on se l’imagine ou que nos civilisations se plaisent à la montrer. Cruelle et brutale vérité qui ne tarde pas à ressurgir de manière extrêmement violente : perdu en pleine forêt sur une île d’Alaska, l’erreur ne pardonne pas, et il n’y a pas de seconde chance. Celui qui sait – et non celui qui s’imagine savoir- peut éventuellement remonter la pente, et l’erreur n’être qu’une leçon pénible.
Celui qui ne savait pas, pire, qui n’imaginait pas et qui ne possède ni les compétences ni le courage intelligent (et parfois, ce courage, c’est d’admettre que l’on s’est trompé et qu’il vaut mieux abandonner, accepter ou demander de l’aide et retourner parmi non semblables) d’affronter la situation ne peut que s’en prendre qu’à lui-même.

Ce roman n’est pas sans m’évoquer Into the Wild (uniquement de manière théorique, parce que je n’ai ni vu le film ni lu le livre).

Merci beaucoup aux éditions Gallmeister pour cette soirée en compagnie de David Vann, et plus particulièrement à Marie-Anne pour sa gentillesse.

Classé dans :américaine, Littérature Tagged: Alaska, Gallmeister, Grands espaces, Mort, Nature, Violence

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