LA TRICHOMONOSE
Omniprésente et redoutable
La trichomonose est sans aucun doute la maladie la plus fréquente dans les pigeonniers et la première responsable de la mortalité des pigeonneaux, alors que les aduftes restent en excellente santé ; malheureusement à la suite de nombreuses idées fausses très répandues et entretenues par des livres anciens, par des remèdes de second ordre et par tradition orale, entre colombiculteurs, elle est souvent méconnue et prise pour d'autres maladies, et presque toujours pour la diphtérie‑ variole, ce qui aboutit à des mesures radicales et regrettables, comme le sacrifice des malades et des sujets qui ont été en contact avec eux. Il importe donc de bien connaître la trichomonose pour éviter ces erreurs couteuses car c'est une maladie qu'il est maintenant très facile de traiter.
Avec la salmonellose, cette maladie fait néanmoins partie des grands soucis de l'éleveur de pigeons, aussi bien l'amateur que le professionnel. En effet, la salmonellose se voit surtout dans les élevages d'amateurs où elle est introduite par les nombreux mouvements d'oiseaux entre l'élevage et l'extérieur : concours, expositions, achats de sujets à tout moment. Elle est beaucoup moins fréquente dans les élevages industriels qui travaillent bien plus en circuit fermé et qui achètent des reproducteurs dans les élevages importants où la surveillance sanitaire est plus constante.
La trichomonose, au contraire, est possible partout, car elle est due à un protozoaire flagellé (trichomonas columbae ou gallinae) qui est un hôte habituel de la cavité bucale et du tube digestif de nombreux oiseaux, du pigeon en particulier.
LE PARASITE
C'est en effet un parasite (et non un microbe), un protozoaire, c'est‑à‑dire formé d'une seule cellule, flagellé, à savoir de plusieurs longs cils qui lui permettent de se déplacer et qui sont complétés par une membrane ondulante. L'ensemble constitue un système propulseur qui rend ces parasites très mobiles, et au microscope, sur un prélèvement frais, il est facile de voir leurs mouvements.
Ces mouvements cessent rapidement quand la température diminue et les trichomonas prennent alors une forme atypique et immobile qui ne permet plus de les distinguer. C'est pourquoi on ne les trouve jamais sur des cadavres refroidis.
LA CONTAGION
Les trichomonas sont présentes dans la cavité buccale des pigeons adultes et la contagion entre adultes peut se faire par l'eau de boisson. Entre les adultes et les jeunes, elle se fait évidemment lors du nourrissage et c'est pourquoi certains nids sont régulièrement atteints, alors que d'autres sont indemnes, au moins pendant un certain temps. Cela tient au fait que certains adultes sont porteurs de trichomonas et d'autres non. Il est évident qu'une telle situation n'est que provisoire et que, peu à peu, la maladie se répand entre adultes.
LE POUVOIR PATHOGENE
Selon les souches de trichomonas, il existe de grandes différences de pouvoir pathogène et la découverte de parasites dans la cavité buccale d'un pigeon adulte (découverte très fréquente) ne signifie pas qu'il y a obligatoirement un risque pour les jeunes et ce risque n'existe qu'avec les souches pathogènes. Il faut cependant tenir compte de la résistance naturelle des jeunes et une maladie surajoutée, toute erreur alimentaire peuvent faire apparaître des cas de trichomonose là où normalement il n'y en aurait pas eu. A côté de souches peu ou non pathogènes, on peut trouver l'autre extrême : des chercheurs américains ont pu isoler une souche tellement pathogène qu'une seule trichomonas inoculée dans la cavité buccale d'un pigeon adulte était suffisante pour causer une trichomonose mortelle.
L'IMMUNITE
Cette question est mal étudiée, mais tout laisse penser qu'une immunité se développe et explique pourquoi certains sujets peuvent, sans être malades, être porteurs de parasites qui se révèlent dangereux pour des oiseaux étrangers. C'est sans doute l'introduction de nouvelles trichomonas dans un pigeonnier qui permet d'expliquer l'apparition de trichomonose chez les adultes. Il faudrait alors admettre que cette immunité n'est pas valable contre T. columbae en général, mais seulement contre certains types ou groupes de types de ce paraiste. Rien ne s'oppose à une telle hypothèse qui semble bien expliquer ce que l'on constate dans la pratique.
LES LESIONS
Il y a les lésions classiques, rencontrées dans 95 à 98% des cas et les lésions exceptionnelles. La lésion classique chez le jeune pigeonneau est le "chancre", gros abcès dur, à contenu blanc jaunâtre, qui se développe dans la gorge et aboutit à la mort de l'oiseau qui ne peut plus s'alimenter. Cette lésion est rare chez l'adulte et celui-ci, ou bien est porteur de parasites sans être malade ni présenter de lésions ou bien ne présente que quelques dépôts jaunâtres durs sur la muqueuse buccale.
Les lésions sont très diverses et nous les citons pour mémoire, en raison de leur rareté car ce n'est pas par leur recherche que I’on peut logiquement tenter de confirmer un diagnostic supposé de trichomonose. La moins rare de ces lésions est un abcès dur de l'intestin, très semblable d'aspect à celui, si courant, de la gorge ; il cause en général une occlusion intestinale mortelle. Les lésions du foie sont très rares, mais, au cours d'une épidémie dans un pigeonnier, elles peuvent se retrouver sur plusieurs sujets, comme si certaines souches de trichomonas étaient plus à même de les provoquer. Ce sont des lésions jaunâtres assez grosses (1/ 2 à 1 cm). Parfois, nous avons rencontré des lésions hémorragiques de l'intestin, en anneaux et une trichomonose pulmonaire a été signalée, dont nous n'avons vu qu'un seul cas. Certains ont décrit une trichomonose de l'ombilic et aussi du cloaque. Ils ont même fait de la première la porte d'entrée qui expliquerait les lésions des divers organes internes, comme le foie, mais cette explication ne semble pas prouvée.
LE DIAGNOSTIC
Il repose sur la découverte des lésions buccales chez les adultes, sur l'observation de mortalités des jeunes avec abcès de la gorge. Ce diagnostic ne pose guère de difficultés sur le jeune quand il y a abcès, mais quand il y a de simples lésions, sous forme de dépôts dans le bec ou la gorge, il ne faut pas confondre trichomonose et muguet. Le muguet (ou candidose) est dû à un champignon et provoque la formation de dépôts blancs (ayant un peu l'aspect de lait caillé) et non jaunâtres. Cette maladie se développe chez des sujets affaiblis par d'autres maladies et surtout chez les jeunes, moins résistants ; il n'est donc pas rare de le voir se superposer à la trichomonose. Chez les adultes le muguet est exceptionnel, mais des lésions jaunâtres peuvent accompagner la variole qui, par ailleurs, donne des pustules ou «poquettes» assez caractéristiques pour que les lésions buccales dues à la forme «diphtérique» de la maladie, ne soient pas prises pour des lésions de trichomonose.
La confirmation du diagnostic par examen microscopique immédiat d'un prélèvement fait sur un sujet vivant, n'a qu'une valeur relative : en effet, on peut trouver des trichomonas peu ou pas pathogènes dans le bec de sujets en bonne santé et venant d'un colombier où il n'a pas de trichomonose clinique. Par contre, si l'examen est négatif, on peut écarter l'hypothèse de trichomonose.
TRAITEMENT ET PROPHYLAXIE
Pendant longtemps, il n'a existé aucun traitement spécifique et le sulfate de cuivre d'ailleurs très mal supporté, la résorcine, l'acide salicylique souvent préconisés autrefois, n'étaient que des traitements d'efficacité très douteuse employés faute de mieux. L'emploi du bicarbonate de soude préconisé par certains semble résulter d'une erreur de diagnostic et d'une confusion entre muguet et trichomonose. Il existe aujourd'hui d'excellents produits pour traiter préventivement et curativement la trichomonose.
L'éleveur devra toujours rester attentif aux manifestations de cette maladie. Les premiers symptômes sont peu apparents, mais des pigeonneaux qui présentent des signes de gêne dans le bec, avec des mouvements inhabituels de la langue seront passibles d'un traitement. Un examen attentif fera sans doute découvrir parmi eux un sujet avec quelques points jaunâtres dans le bec. Si elle n'est pas déjà pratiquée habituellement, une supplémentation en vitamines s'impose en complément de traitement. Ajoutons qu'avec un programme de prévention, la trichomonose ne pose pas de problèmes sérieux à condition que la surveillance ne se relâche pas.
TRICHOMONOSE ET TROUBLES RESPIRATOIRES
Une idée très répandue chez les colombophiles est que la trichomoose peut intervenir dans les troubles respiratoires si fréquents chez les pigeons. Il n'en est rien, sauf exception ; cette exception c'est l'abcès de la gorge que l'on observe en général chez le jeune pigeonneau. Il est bien évident que selon sa position, il peut engendrer une gène mécanique qui peut se traduire par des difficultés respiratoires.
Par contre, on voit souvent des éleveurs entreprendre des traitements contre la trichomonse chez des sujets qui ont uniquement des râles respiratoires sans lésions de la gorge ou même simplement du coryza ou de l'ophtalmie avec larmoiement.
Tout cela n'a rien à voir avec la trichomonose qui est une maladie essentiellement digestive et qui peut atteindre les premières voies digestives : cavité buccale, oesophage, jabot en formant des dépots jaunâtres et parfois de véritables abcès.
Elle peut aussi atteindre l'intestin soit sous forme d'abcès durs et caséeux, blanchâtres, soit sous forme d'une entérite avec diarrhée, mais pas toujours avec une congestion notable de l'intestin. Cette dernière forme ne peut être diagnostiquée de façon sûre que par examen microscopique, fait sur un cadavre encore chaud.
On a, bien entendu, parlé de trichomonose de divers organes, mais cela est rare.
Il ne faut donc pas entreprendre des traitements inconsidérés contre la trichomonose devant des troubles respiratoires sans lésions visibles. Il est beaucoup plus judicieux de s'orienter vers les antibiotiques, d'autant que l'emploi des médicaments contre la trichomonose, doit être assorti de précautions car un dépassement est en général à craindre par temps chaud, quand la consommation d'eau augmente. Il est sage de ne jamais dépasser la dose préventive et même, par temps chaud, de se tenir en dessous.
Une telle dose est d'ailleurs suffisante puisque l'on traite des adultes non malades pour éviter la transmission aux jeunes ; le
traitement de pigeons atteints de troubles respiratoires ne doit pas être fait avec ce genre de produits et aucun résultat ne peut en être attendu dans la grande majorité des cas.