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Interview : Gravenhurst

Publié le 19 septembre 2007 par Laurent Gilot @metalincmag
Texte : Laurent Gilot
Photo : DR
En 2003, on découvrait Nick Talbot (aka Gravenhurst) avec un album folk harmonieux et délicat. Aujourd'hui, le second opus, "Fires In Distant Buildings", fait monter la tension de plusieurs crans. La musique de l'Anglais se gorge d'électricité, de psychédélisme, à mi-chemin entre Slint et My Bloddy Valentine. Explications.
Comment la musique de Gravenhurst est-elle accueillie en France ?
Nick Talbot : Les Français ont l'air de bien comprendre ce que l'on essaye de faire et nos disques marchent mieux dans votre pays que n'importe où en Europe. Je ne peux pas expliquer cela, c'est incroyable.
Tu es signé sur un label qui a bâti sa réputation grâce à un catalogue essentiellement "électronique" alors que ta musique est plutôt acoustique et électrique. Comment entrevois-tu ce paradoxe ?
Chez Warp, mon groupe préféré est Broadcast, ils sont extraordinaires. J'ai tourné avec eux et j'ai dû les voir une vingtaine de fois en live sans que ça me lasse (rires). Je sais que Warp était, à l'origine, un label plutôt tourné vers l'électronique mais cela a bien changé depuis quelques années. En fait, je n'y prête pas vraiment attention. Je ne connais pas grand-chose de leur back catalogue mis à part les travaux ambient d'Aphex Twin que j'adore. Les premières productions du label sont bien faites mais elles ne me touche pas émotionnellement parlant.
Peux-tu nous dire de quelle façon tu travailles en tant que songwriter ?
Ce qui m'intéresse dans un album, ce sont les différents thèmes qu'il peut aborder. L'idée du titre et l'orientation musicale générale sont les premières choses qui me viennent à l'esprit. Cette manière de procéder m'aide à avoir des idées pour la conception des morceaux proprement dite. Parfois, je retravaille des titres qui existaient du temps d'Assembly, mon précédent groupe qui a splitté en 99 suite au décès de notre bassiste. À chaque fois que je dois composer un morceau, j'en trouve d'abord le titre. C'est à partir de là que l'inspiration musicale vient. Ce n'est qu'après que je mets à écrire les paroles. La plupart des musiciens avec lesquels j'ai discuté font plutôt le contraire (rires). Je ne sais pas pourquoi mais, en tout cas, c'est la façon dont je fonctionne.
D'une certaine manière, tu composes une musique relativement intemporelle. Est-ce quelque chose de conscient chez toi ?
Je ne sais pas si c'est délibéré ou non mais c'est une notion à laquelle j'attache de l'importance, en particulier l'aspect progressif des morceaux que j'écris. Mais, la chose la plus importante de toute, c'est l'authenticité. Lorsque tu écoutes un album du début jusqu'à la fin, tu dois être capable de comprendre pourquoi la personne a voulu faire ce disque. Peut importe tes influences, l'essentiel c'est que tu réussisses à faire passer quelque chose de sincère.
Parles-nous de ce nouvel album et de la façon dont tu l'as conçu ?
"Fires In Distant Buildings" vient d'une idée que j'ai eue en 1998 et je me suis dit que c'était un bon titre pour un album. Le titre d'un morceau, je trouve que c'est quelque chose de magique. Quant tu vois les noms des morceaux de Joy Division, ils sont fascinants, ils te donnent vraiment envie de rentrer dans leur musique. C'est comme une force holistique. Le titre de cet album vient d'un magazine qui parlait de Brian Wilson. Ce dernier avait écrit "Fire On The Other Side Of Town" et il pensait que cette chanson pouvait causer la mort car, au même moment, il y avait eu un incendie dans un immeuble. C'était quelque chose d'assez paranoïaque de sa part que de croire en cette coïncidence… Lorsque je trouve un titre, je n'analyse pas toutes les idées qu'il peut véhiculer, je pense surtout en termes d'émotions induites par celui-ci.
Comme Brian Wilson, est-ce que tu prends beaucoup de temps pour réaliser tes albums ?
Pas du tout (rires). J'aime bien enregistrer mes disques à la maison, dans mon home-studio afin d'éviter la pression du temps inhérente à la location d'une journée de studio. Je trouve que c'est assez indécent de dépenser des fortunes pour enregistrer un album. Même s'il y a des disques onéreux qui sont de vrais chef-d'œuvres, je crois que ma musique ne nécessite pas que l'on dépense beaucoup d'argent pour la concevoir, cela ne rendra pas mes albums meilleurs. Avec Dave, nous enregistrons en studio, à Bristol, les parties de batterie puis toutes les autres prises ont été faites à la maison.
J'ai lu que tu étais angoissé par le fait de dévoiler tes sentiments à travers les textes de tes chansons…
C'est vrai mais certains morceaux sont assez explicites comme "Nicole" qui parle d'une relation. Je ne suis pas timide mais je ne veux que les textes deviennent trop personnel au point que les gens ne puissent pas du tout s'identifier à eux. Je trouve ennuyeuses les paroles de certains groupes qui sont comme des journaux intimes à ciel ouvert. Je ne pense pas que cela ait un intérêt pour l'auditeur. Pour moi, la musique doit être une évasion et pas quelque chose en prise avec le réel. Je ne suis pas religieux mais je pense que la musique doit transcender les choses du quotidien. Je cherche à être mystérieux, un peu ambigu et pas trop explicite à travers mes textes. Il faut donner envie à l'auditeur d'en savoir plus en se laissant submerger par ton univers musical.
Gravenhurst "Fires In Distant Buildings" (Warp/Pias)
www.gravenhurstmusic.com

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