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Régionales. L’autre gauche à l’épreuve

Publié le 21 janvier 2010 par Blanchemanche
Politique
A l’issue d’une série de réunions en vue de la constitution de listes communes aux régionales, l’unité n’a pas l’ampleur espérée. Enjeux.
Après les résultats en demi-teinte des élections européennes, la question de l’unité de la gauche de transformation sociale s’est réinvitée. L’année dernière, le NPA avait choisi de faire liste à part, espérant surfer sur la dynamique de création de la nouvelle organisation lancée par son leader populaire Olivier Besancenot. Un Front de gauche avait rassemblé le PCF, le PG de Jean-Luc Mélenchon et la Gauche unitaire, formée par des ex-NPA autour de Christian Picquet. A la surprise générale, la configuration unitaire l’a emporté sur le jeune parti anticapitaliste (1). L’éclatement en deux pôles n’a cependant pas permis de marquer l’élection. C’est la victoire éclatante d’Europe Ecologie, talonnant même sévèrement les listes du PS, qui a fait événement.
A la rentrée, le NPA a donc proposé aux partenaires du Front de gauche et à d’autres forces politiques telles que la Fédération pour une alternative sociale et écologique (FASE), les Alternatifs, le Forum social des quartiers populaire (FSQP) ou encore le Parti communiste des ouvriers de France (PCOF), d’initier une série de réunions en vue de constituer des listes communes aux élections régionales. Pure tactique pour ne plus apparaître comme les diviseurs ? Sans doute les journalistes ont-ils retenu d’emblée cette version, jugeant le débouché de ce cadre unitaire si improbable qu’il n’était pas utile d’en donner une couverture digne de ce nom… Or, et c’est un paradoxe, sans doute l’autre gauche n’a-t-elle jamais été aussi proche d’un accord large.
LE PARI DE L'UNITÉ
La discussion n’a pas démarré sur le programme mais sur la question stratégique. Manière de gagner du temps… On se souvient qu’en vue de la présidentielle de 2007, les collectifs antilibéraux avaient travaillé longuement pour élaborer 125 propositions. En dépit de cette base d’accord conséquente, le cadre unitaire avait chuté sur… trois candidatures – Bové, Buffet, Besancenot. Cette fois-ci, sans minorer les débats évidents de contenu, chacun a semblé s’accorder sur le fait que la stratégie était le talon d’Achille de l’union. En schématisant, disons que le PCF met l’accent sur la quête de majorité politique quand le NPA fait de l’indépendance totale vis-à-vis du PS et d’Europe Ecologie sa marque de fabrique. Le PG et la FASE affirment quant à eux une position médiane, favorable à ce que la participation aux majorités politiques soit « ni toujours, ni jamais ». Et toutes les composantes du cadre unitaire se sont mises d’accord sur l’idée de listes autonomes du PS et d’Europe Ecologie au premier tour et d’une fusion avec les listes de gauche au deuxième tour, et donc à l’exception du Modem. Restait l’enjeu de la participation aux exécutifs qui a fini par prendre une place disproportionnée au regard de tout ce qui faisait accord entre toutes les parties.
Après la consultation interne des communistes qui a permis de dégager une stratégie nationale de listes indépendantes au premier tour (2), le Front de gauche a soumis aux partenaires potentiels un texte pour une base d’accord. Sur la question des exécutifs, la proposition affirmait l’objectif de bâtir, mais à la condition de changer les rapports de force à gauche pour permettre la mise en œuvre des points essentiels du programme défendu au premier tour. La question du Modem y était tranchée : pas de fusion avec leurs listes, pas de participation à des exécutifs communs avec eux. Les partenaires ont accueilli favorablement ce texte, à l’exception du NPA qui a jugé les formulations trop floues sur les conditions de participation aux exécutifs. L’organisation a donc proposé un amendement au texte pour « durcir » cette ligne. Le Front de gauche a refusé d’entrer dans une logique d’amendements ; à ce stade de la discussion, il s’agissait d’un pari politique, celui de l’unité. La direction du NPA n’était pas décidée à le faire au prix d’un compromis avec sa propre ligne. N’est-ce pas pourtant le propre d’un accord unitaire que d’accepter des points d’équilibre entre différents partis pris programmatiques et stratégiques ? En attendant, il n’en reste pas moins que le PCF n’était pas non plus déterminé à prendre le temps de toutes les discussions nécessaires pour convaincre son allié potentiel, le NPA – pour le dire avec euphémisme… Il semblerait même que le fait de ne pas s’allier au NPA ait été l’une des conditions pour faire gagner le choix de l’indépendance vis-à-vis du PS au sein du PCF. Bref. C’est là que le jeu s’est refermé, dans une ultime réunion le 10 novembre dernier de tous les partenaires, qui restera dans les mémoires tant l’ambiance fut délétère et la confusion paroxystique.
CLIVAGES AU NPA
Dans la foulée, le NPA lançait à la mi-décembre sa consultation interne pour trancher. Trois propositions ont été soumises : la première, soutenue par la majorité du parti avec Olivier Besancenot et Pierre-François Grond, défendait le rejet du cadre proposé par le Front de gauche tout en maintenant la recherche d’une unité dans certaines régions (notamment celles où le PCF part dès le premier tour avec le PS) ; la seconde visait à affirmer une autonomie totale du NPA ; la troisième prônait la stratégie unitaire. Résultat : le jeune parti s’est clivé en trois gros tiers : la majorité n’a obtenu que 36,3 % des voix, suivie de la proposition unitaire (31,5 %) puis de la tendance plus « sectaire », autour d’anciens de LO (28,5 %). Le NPA sortira-t-il indemne de cette séquence ? L’isolement électoral ne risque-t-il pas de se payer cher dans les urnes ? Toujours est-il que l’unité de tout l’arc des forces de la gauche radicale reste introuvable… De ce fait, le FSQP a finalement décidé de ne pas prendre part à ces élections en raison de la division. Et il y a fort à parier que bien d’autres forces resteront ainsi immobilisées pour les élections de mars prochain…
NOUVELLES DU FRONT
Pour autant, il y aura bien un cadre unitaire plus large que le seul Front de gauche dans la bataille des régionales : les Alternatifs, la FASE, République et Socialisme, le M’Pep (Mouvement politique d’Education populaire) et le PCOF ont décidé de faire cause commune avec lui. Un meeting de lancement de ces listes baptisées « Ensemble pour des régions à gauche, solidaires, écologiques et citoyennes » est prévu le 10 janvier. D’ici là, il faut encore dégager un accord. Les discussions sont difficiles et tendues : la répartition des têtes de liste et des candidats éligibles est un enjeu pour chacune des composantes mais aussi pour la physionomie du rassemblement. Le rejet par le PCF de la candidature de Patrick Braouezec en Ile-de-France, au profit de celle de Pierre Laurent, signe sa difficulté à changer sa conception de la construction unitaire, à sortir de l’idée que l’on peut créer une forte dynamique politique en rassemblant « autour de ». Dans un communiqué, le député communiste de Seine-Saint-Denis regrettait que « des considérations d’appareil l’aient emporté sur la volonté d’obtenir le meilleur résultat possible dans cette région capitale qui va, à maints égards, donner le ton du scrutin dans notre pays ». C’est dire combien la mayonnaise unitaire n’est pas encore à la hauteur de son potentiel et des nécessités qu’impose le contexte social et politique.
L’un des enjeux de ces listes est de changer le rapport de force à gauche. Une question qui importe pour la « gestion » concrète des régions, mais aussi pour l’écho indispensable à donner aux luttes sociales et l’avenir à gauche. Ces listes ont pris l’engagement de ne pas fusionner avec le Modem. Autrement dit, le PS et Europe Ecologie seront sommés de choisir entre le parti de François Bayrou et le rassemblement pour une gauche de transformation sociale. Plus les scores des uns ou des autres seront élevés, moins les hésitations seront grandes pour les socialistes et les écolos… Un argument qui pourrait jouer en faveur d’un « vote utile » pour une gauche digne de ce nom. En attendant des jours meilleurs…
C.T.
1. 6 % pour le Front de gauche, 4,88 % pour le NPA
2. A l’exception de cinq régions qui ont choisi de partir dès le premier tour avec le PS : Basse-Normandie, Bretagne, Champagne-Ardenne, Bourgogne, Lorraine. En 2004, le PCF était parti avec le PS dans 14 régions.
Paru dans Regards n°68, janvier 2010
http://www.regards.fr/article/?id=4469&q;=category:1001

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