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L’ange de la mort

Par Memoiredeurope @echternach

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Je préférai de beaucoup rendre hommage à Pierre Silvain en parlant de lui au présent, tandis que son livre convoquait avec une telle émotion la mort de sa mère, et qu’il paraissait peu de temps après qu’il ait lui-même fermé la dernière porte ! Mais au fond, lui écrire ces quelques mots dans un présent éternel, est bien ce à quoi doivent s’attendre les écrivains qui sont écrits par leurs propres mots et sont agis par leurs personnages.

Le va et vient de son livre entre deux rives de la Méditerranée, disait la mer comme frontière, comme limite, mais aussi comme imagination. Mais il y avait bien entendu une part de résignation ; celle du vieil homme qui regarde l’horizon où il sait voir poindre l’ange de la mort.

Etrangement, j’avais ce livre avec moi, pour écrire quelques mots à son sujet, à la fin du mois de janvier, lorsque j’ai passé quelques jours à Barcelone, deuxième grand voyage de l’année. Et je gardai l’idée que j’irai au Père Lachaise rendre hommage un jour à cet écrivain qui m’a par deux fois offert un moment de grand bonheur.  

Barcelone m’attire régulièrement depuis trop de temps, trente ans exactement, pour ne pas y superposer les souvenirs dont les Jeux Olympiques ont perturbé la linéarité. Mais il ne s’agissait pas tant de vérifier si j’avais oublié certains lieux, et pourquoi, que de travailler sur une nouvelle proposition d’itinéraire culturel, celui des cimetières en Europe. 

Je ne sais pas s’il est vraiment important de parler des effets de la crise en Espagne. A Barcelone, ils sont en tout cas réels, palpables : restaurants au public clairsemé, rues nocturnes trop calmes, montée de la prostitution de jour et de nuit. Ce sont des symptômes que cachaient mal les boutiques pourtant envahies et surchargées de soldes. 

J’ai consacré quelques heures à refaire un grand parcours à pied des lieux que j’aime et j’ai appris, dans l’errance, une nouvelle géographie qui ne m’était pas encore familière : le quartier des marinas, du village olympique où les nouveaux immeubles et la plage de sable m’ont fait cligner les yeux dans les reflets trop vifs d’un soleil insolent pour un homme des neiges, surtout à cette saison.

Mais par contre la majeure partie de ces trois jours a été consacrée à deux visites parmi les plus étonnantes qui m’ont été données de vivre – sans jeu de mots - depuis longtemps. Et pourtant la Catalogne ne me dépayse plus vraiment depuis longtemps. Mais j’avoue que je n’avais jamais eu l’idée de franchir la porte du cimetière de Poblenou ou de gravir les pentes de Montjuic, pour y visiter des tombes, des tombeaux, des panthéons, des cérémoniels gitans et des espaces dédiés aux morts de la Guerre civile et des camps de concentration.

Il faut pourtant que je me fasse à l’idée que la mort est une chose sérieuse, même si je conseille à mes partenaires de prendre pour mot d’ordre : « les cimetières, c’est la vie. » J’ai devant moi tout un programme qui me mènera dans quelques jours à m’asseoir sur les tombes de Bilbao, puis dans quelques semaines à visiter celles de Maribor, dans leur rigueur de cimetière militaire, puis à Cagliari en octobre, dans un baroque un peu décadent…

Pour ce soir, je voulais simplement rapprocher la figure de l’éphémère, née dans l’instant de l’écriture, entre deux générations qui s’éteignent, de celle de l’un des anges les plus étranges du cimetière de Poblenou. Je suis bien conscient du contraste entre la modestie de l’écrivain et l’indécence du sculpteur marbrier…

Le baiser de la mort de Jaume Barba, date de 1930. Encore bien proche de nous, à portée de mémoire en tout cas, il a acquis une célébrité un peu érotique.

J’avais sans doute besoin de ce contrepoint pour éclairer le poète trop caché et modérer un peu l’insolence de la transgression mortuaire.

Je ne m’arrêterai pourtant pas là, en raison même des centaines de photographies que j’ai été poussé à prendre, comme autant de portraits d’éternité. 

Thanatos m’est devenu ainsi un compagnon familier que j’aimerais apprivoiser.

Les mots à venir serviront, je l’espère, de sortilège.

« Asi su joven corazón se está apagando / En sus venas su sangre se está enfriando / Y toda fuerza se ha ido. / La fé se ha ensalzado / En su caida a los brazos de la muerte. Amén »

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