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la seule certitude que j'ai, c'est d'être dans le doute

Publié le 18 février 2010 par Desfraises

la seule certitude que j'ai, c'est d'être dans le douteChristian Gonon
photo © Cosimo Mirco Magliocca
J’ai failli perdre un œil à regarder les croûtes suspendues dans le hall du Centre culturel de Bergerac puis le second à la lecture du tract exposant brièvement le pourquoi du comment du spectacle que je m'apprêtais à voir. La feuille rédigée et photocopiée à la va-vite augurait mal de l’accueil réservé aux sociétaires de la Comédie-Française. Quelques fautes de frappe, une faute de français çà et là : un joli en-cas distribué aux 500 personnes venues (re)découvrir la plume grinçante et jubilatoire de Pierre Desproges. Une fois oublié ces deux accidents oculaires, je pouvais consommer sans modération la mise en scène d’Alain Lenglet et Marc Fayet.
Habillé de drolatiques effets sonores rappelant le maître Desproges, La Seule certitude que j'ai, c'est d'être dans le doute se promène de théâtre en théâtre, vilipende le football, les enfants, le racisme ordinaire d’un chauffeur de taxi, raconte l’irrésistible rencontre entre le Petit Prince et la Vénus de Milo, évoque le crabe qui aura sa peau. Insolent, élégant, Christian Gonon charme pour mieux déglinguer dans une mise en scène sobre mais enlevée. A voir absolument !
la seule certitude que j'ai, c'est d'être dans le doute
Extrait : «Un critique de films, dont je tairai le nom afin qu'il n'émerge point du légitime anonymat où le maintient son indigence, écrivait dans un hebdomadaire dans lequel, de crainte qu'ils n'y pourrissent, je n'enfermerais pas mes harengs, un critique de films, disais-je donc avant de m'ensabler dans les méandres sournois de mes aigreurs égarées entre deux virgules si éloignées du début de ma phrase que voilà-t-il pas que je ne sais plus de quoi je cause, un critique de films écrivait récemment, à propos je crois d'un film de Claude Zidi, deux points ouvrez les guillemets avec des pincettes :
" C'est un film qui n'a pas d'autre ambition que celle de nous faire rire. "
Je dis merci.
(…)
Mais qui es-tu, zéro flapi, pour te permettre de penser que le labeur du clown se fait sans la sueur de l'homme? Qui t'autorise à croire que l'humoriste est sans orgueil? Mais elle est immense, mon cher, la prétention de faire rire. Un film, un livre, une pièce, un dessin qui cherchent à donner de la joie (à vendre de la joie, faut pas déconner), ça se prépare, ça se découpe, ça se polit. Une œuvre pour de rire, ça se tourne, comme un fauteuil d'ébéniste, ou comme un compliment, je ne sais pas si tu vois ce que je veux dire avec ce trou béant dans ta boîte crânienne... Molière, qui fait toujours rire le troisième âge, a transpiré à en mourir. Chaplin a sué. Guitry s'est défoncé. Woody Allen et Mel Brooks sont fatigués, souvent, pour avoir eu, vingt heures par jour, la prétention de nous faire rire. Claude Zidi s'emmerde et parfois se décourage et s'épuise et continue, et c'est souvent terrible, car il arrive que ses films ne fassent rire que lui et deux charlots sur trois. Mais il faut plus d'ambition, d'idées et de travail pour accoucher des "Ripoux" que pour avorter de films fœtus à la Duras et autres déliquescences placentaires où le cinéphile lacanien rejoint le handicapé mental dans un même élan d'idolâtrie pour tout ce qui ressemble de près ou de loin à de la merde.
Pauvre petit censeur de joie, tu sais ce qu'il te dit monsieur Hulot?»
(extrait de Chroniques de la haine ordinaire, éd. Le Seuil)
Site consacré à Pierre Desproges : http://www.desproges.fr/
★★★ « A mort le foot ! » : Pour écouter la voix de son maître, cliquez ici ou lire ce morceau d'anthologie (et je ne dis pas ça parce que je n'aime pas le foot), cliquez là.
Quelques dates près de chez vous : Aubagne (23 février), Auch (Centre Cuzin le 28 février), Tarbes (Théâtre des Nouveautés, le 1er mars), Narbonne (au Théâtre Scène Nationale, le 2 mars), Sèvres (le Sel, le 11 mars), Aubergenville (la Nacelle, le 13 mars), Alès (le Cratère, les 15 et 16 mars),
Alençon (Théâtre, le 26 mars), Saint-Amand-Montrond (la Cité de l’Or, le 27 mars), Asnières-sur-Seine (Théâtre Armande Béjart, le 31 mars), Cannes (Théâtre Alexandre III, le 3 avril), Le Cap d’Agde (Palais des Congrès, le 7 avril), Guidel (l’Estran, le 9 avril), Boulogne-Billancourt (TOP, les 14, 15 et 16 avril), Châteauroux (Equinoxe Scène Nationale, le 20 avril), Limoges (Théâtre de l’Union, les 23 et 24 avril 2010), Albi (Scène Nationale, le 27 avril), Lattes (Théâtre Jacques Cœur le 30 avril), Paris (Théâtre du Vieux-Colombier où le spectacle fut créé en 2008, du 5 au 19 mai 2010), (liste non exhaustive) … Réservez vite vos place* !
* J'ai malencontreusement omis l's afin de démontrer que je sais également faire des fautes. J'en profite par la même occasion pour m'excuser auprès des auteurs des croûtes susmentionnées. Dieu** leur rende grâces d'avoir inspiré ma minute misanthrope.
** Remplacer par l'Objet de culte de votre choix.

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