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Jean-Yves Naudet : Les Etats-Unis s'en sortiront mieux que l'Europe

Publié le 18 février 2010 par Copeau @Contrepoints
Jean-Yves Naudet : Les Etats-Unis s'en sortiront mieux que l'Europe

Les Etats-Unis s'en sortiront mieux que l'Europe. Affirmation surprenante quand on sait d'une part que les Etats Unis ont été le pays le plus touché par la crise financière, d'autre part que le déficit budgétaire a atteint des sommets en 2010 avec près de 10% du PIB.

Pourtant les prévisions chiffrées des organismes internationaux sont formels : la reprise de la croissance sera vraisemblablement plus vive aux Etats-Unis qu'en Europe. Est-ce le miracle du « stimulus » ; de la relance opérée par l'administration Obama ? Ou y a-t-il des raisons plus profondes à cette santé du système américain, qui semble résister non seulement à la crise, mais aussi aux politiques qu'elle a inspirées ?

USA 2,7% Euroland 1%

Sur le plan mondial, les prévisions sont claires : avec 3,9% de croissance du PIB en 2010 et 4,3% en 2011, il semble que le gros de la crise soit surmonté. Mais les chiffres doivent être nuancés : quoi de commun entre les 10% de la Chine et les 1% de la zone euro ? Ce sont les pays émergents qui tirent et soutiennent la reprise mondiale (6% de prévus en moyenne) : la Chine, mais aussi l'Inde, les pays d'Asie du sud-est en général, et même le Brésil (4,7%), voire la Russie. Ce ne sont pas les pays occidentaux qui mènent le bal.

Même en Occident, il y a à nuancer et la comparaison entre l'Europe et les Etats-Unis ne manque pas d'intérêt. Pour 2010, le FMI prévoit 2,7% de croissance pour les Etats-Unis : ce n'est pas faramineux, mais c'est un redressement après la forte récession de l'an dernier (et le quatrième trimestre 2009 a été excellent avec un rythme annuel de 5,7% !). La croissance sera de 1,0% pour la zone euro, ce qui est bien proche de la croissance zéro. Cela permet au Monde de titrer : « Reprise : pourquoi l'Europe est à la traine des Etats-Unis ». C'est cette idée que nous reprenons, mais avec une analyse radicalement inverse.

L'explication du Monde, c'est celle qu'exprimait déjà Dominique Strauss-Kahn, et que la Nouvelle lettre avait critiquée : pour lui, ce sont les plans de relance keynésiens par la demande et par les déficits publics qui ont permis à l'économie de redémarrer. Comme les Etats-Unis ont été les champions de la relance et du déficit, ils sont largement devant l'Europe. Conclusion de DSK : ne relâchons pas l'effort, poursuivons sur cet excellent chemin, puisque la réussite est là. D'ailleurs, Jacques Garello faisait remarquer que dans le même temps le FMI critiquait les déficits excessifs. Notre connaissance trop sommaire sans doute des subtilités du keynésianisme ne nous permet pas de comprendre comment on peut faire une relance budgétaire, par les dépenses publiques, sans créer de déficits. Mais le keynésianisme est trop subtil pour des libéraux aux idées simples.

L'Europe a massivement relancé, sans résultat

Laissons de coté une évidence : ce sont les USA et l'Europe qui ont le plus relancé ; les pays émergents, qui ont moins relancé, sont champions de la croissance. Mais restons sur le duel Europe/Etats-Unis. Il est vrai que les plans de relance américains ont été impressionnants, avec un déficit budgétaire autour de 10% du PIB et une dette publique qui explose. Mais peut-on sérieusement affirmer que l'Europe ait été à la traîne en matière de plans de relance ? Certes, le déficit en Euroland est en moyenne plus faible, mais la moyenne n'est pas significative : elle a été tirée vers le bas par l'Allemagne qui, partant d'un budget en équilibre, a moins relancé que les autres.

La France, pour sa part, a fait presque aussi « bien » que les Etats Unis, et a battu un record en étant proche de 9% du PIB, tandis que la dette publique explosait elle aussi. Et quid de l'étrange idée d'y rajouter un grand emprunt ? Il nous fait penser aux « plans d'irrigation pendant le déluge » qu'évoquait Jacques Rueff. D'une manière général, les gens de Bruxelles, naguère silencieux face aux relances massives, ne cessent maintenant de lancer tous azimuts des mises en garde et des mises en demeure face aux déficits européens, et se souviennent soudain qu'il existe un pacte de stabilité, qui devrait empêcher les déficits de dépasser les 3% du PIB : tous les pays en sont fort loin.

Si la relance budgétaire keynésienne avait tant de vertus, tous ces pays devraient être champions du monde de la croissance et dépasser l'Inde ou la Chine. Or les faits sont têtus, comme disait Lénine : en dépit d'une relance aussi forte que celle des Etats-Unis, la majorité des pays européens se traîne autour de 1% de croissance.

Les fameux amortisseurs sociaux : des boulets en période de reprise

Il faut donc chercher ailleurs. On nous avait expliqué que nos merveilleux systèmes d'Etat providence et de protection sociale avaient en Europe, et notamment en France, amoindri le choc de la crise. On demandera aux centaines de milliers de chômeurs supplémentaires ce qu'ils en pensent, ainsi qu'aux entreprises qui ont connu un taux record de faillites. Certes, comme les dépenses publiques, de l'Etat à la Sécu, figurent dans le PIB, il est sûr que mécaniquement, même si le secteur privé s'effondre, le poids du secteur public soutient… les statistiques. Mais pas la vraie croissance.

Mais voilà justement un des problèmes : ce secteur public pléthorique, et cette Sécu dont nous sommes si fiers, sont maintenant un boulet qui freine toute reprise : on ne court pas le 100 mètres avec des chaines aux pieds, avec des impôts et des cotisations qui confisquent la moitié de l'argent gagné. Les soi-disant amortisseurs de la crise se révèlent de réels freins à la reprise.

Certes l'administration Obama a voulu lancer une politique « sociale » révolutionnaire pour les Américains, mais d'une part la réforme de l'assurance maladie n'est pas encore votée, d'autre part le secteur public des Etats Unis demeurera de toutes façons l'un des moins développés au sein des pays de l'OCDE.

La liberté économique, atout de l'économie américaine

Observons maintenant ce qui se passe aux Etats Unis sur le front du chômage. Dans ce pays, il est facile de licencier. Le chômage y était faible avant la crise, il est donc monté en flèche. C'est plus difficile en Europe, surtout en France, où l'on cherche à « sauver » des emplois de façon artificielle (sans parler de l'importance de l'emploi public). Mais quand la reprise est là, les entreprises américaines n'hésitent pas à embaucher, puisqu'elles peuvent licencier si la reprise n'est pas durable. Chez nous, le chômage poursuit sa hausse : qui embauche dans un climat d'incertitude, au risque de ne pouvoir licencier en cas de retour de la récession ? C'est la flexibilité qui permet la reprise américaine ; ce sont les rigidités qui mettent l'emploi en danger en Europe.

Il y a aussi la question du commerce extérieur. Certes, l'Allemagne résiste bien, mais l'Europe reste frileuse et en France comme dans d'autres pays, les tentations protectionnistes sont fortes. On a même vu le Président de la République se mêler de savoir où se fabriquaient les voitures. Les tentations protectionnistes existent aussi aux USA, mais les Américains sont de plus en plus tournés vers le Pacifique et l'APEC, qui poussent vers le grand jeu des échanges et de la mondialisation, vrais moteurs de la croissance.

Faut-il en conclure que les jeux sont faits et que les USA sont sauvés, la reprise allant en s'amplifiant ? Rien n'est moins sûr, car le Président Obama a accumulé de graves erreurs. Son projet de budget, même s'il prévoit certaines baisses de dépenses, reste dans une logique de relance ; le poids de la dette et des déficits va peser sur la reprise ; la volonté d'imiter, au moins en partie, l'Europe pour la protection sociale va aussi freiner la reprise ; l'acharnement interventionniste contre les banques va aussi jouer négativement ; le laxisme de la politique monétaire pourrait se transformer demain en inflation ; et les impôts des plus productifs vont augmenter. Il faut donc bien distinguer les deux plans : structurellement, l'économie américaine est plus apte à redémarrer, par sa souplesse générale, que la « vieille Europe » socialisée ; mais conjoncturellement, elle est menacée par les initiatives politiques. Elles ne paraissent pourtant pas assez nocives pour détruire le capitalisme américain, ce dont rêvaient les utopistes et les idéologues. D'ailleurs on voit tous les jours que l'Europe n'est pas à l'abri des erreurs des politiciens. « L'Etat n'est pas la solution, c'est le problème » disait Ronald Reagan.

Image : Index de la liberté économique dans le monde en 2010. Image sous licence Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported, réalisée par Sbw01f.

Texte repris de l'Aleps, avec l'aimable autorisation de Jacques Garello


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