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Interview de Duracell : “j’amène une dose d’organique au 8-bit”

Publié le 22 février 2010 par Kub3

On vous avait parlé de la musique 8-bit, on en avait même fait une playlist. Mais réduire ce type de son à un simple courant de la musique électronique serait une erreur. L’avantage du 8-bit, c’est que sa simplicité lui permet de se marier à tous les courants, du rock au hip-hop en passant par la techno . Duracell, lui, a opté pour une version one-man-show sous amphet’.

Né en Angleterre, Lyonnais d’adoption, Andrew Dymond met son savoir-faire de batteur grindcore au service du chiptune. Chacun des coups qu’il assène à ses fûts transite par un synthétiseur moduleur et déclenche un son 8-bit différent. Résultat : des versions stéroïdes de titres de jeux vidéo légendaires comme Space Harrier ou Ninja Spirit. Assister à un de ses concerts est une expérience hors du commun.

Samedi dernier, il était venu passer le mur du son dans la Cave aux Poètes. Avant qu’il n’empoigne ses baguettes, et alors que l’Islandais Mugison était déjà bourré et se préparait à jouer (une belle découverte par ailleurs, mais c’est un tout autre article), nous nous sommes donc retrouvés dans sa loge pour une séance de questions sur toile cirée, devant les restes de bière, de fromage et de saucisson.

Il sera question de Chewbacca, de playback, de mecs à poil et de lumbago.

[Les photos sont en bas de l'article]

« KUB3 : Tu es ici ce soir en tant que Duracell mais tu joues aussi dans d’autres groupes, notamment Chewbacca et The Rubiks. C’est plutôt du grindcore ou du noise rock

Andrew : Pour Chewbacca ouais.

Pourtant avec Duracell tu joues de la musique 8-bit. Comment t’es venue l’idée, en premier lieu de jouer seul à la batterie et ensuite de l’associer à ce type de son, sachant que c’est un univers assez éloigné de ce que tu joues par ailleurs ?

A la base je suis batteur. Pour The Rubiks je fais de la batterie plutôt rock et avec Chewbacca on fait plutôt de la matière techno, transe, impro, noise…bref. Mais j’ai aussi toujours joué de la batterie seul chez moi, et je me suis intéressé à un moment donné à la technologie et je me suis posé la question « est-ce qu’on peut retraiter la batterie? ». Je m’étais  acheté une machine qui faisait vocoder mais je me suis rendu compte que c’était pas vraiment ce que je voulais faire. C’est à ce moment là que j’ai découvert le groupe Lightning Bolt [ NDLR: ces mecs sont de vrais cinglés ]

Ils sont américains non ?

Oui, de Providence. C’est un duo basse-batterie façon mur du son. Et quand j’ai vu ce groupe je me suis dis « c’est ça qu’il faut produire comme son.» J’ai donc essayé de faire quelques-uns de leurs morceaux tout seul en déclenchant les sons à la batterie, et de fil en aiguille je me suis retrouvé à faire des concerts avec ces reprises. Je me suis acheté une nouvelle machine et je me suis mis à délirer avec des sons super simples. Il y a un moment eu un truc qui m’a fait pensé à la ligne de basse de Space Harrier. Je l’ai du coup rentré dans l’engin et j’ai ensuite ajouté la mélodie. Je me suis alors rendu compte que je pouvais le faire en entier à la batterie.

C’est donc un peu par hasard que tu as commencé à jouer de la musique de jeux vidéo ? Tu n’étais pas fan à l’origine ?

J’y ai joué quand j’étais petit, j’ai eu quelques consoles. Et mes frères et moi on trouvait déjà certains airs hyper bien. Le morceau de Turrican [voir ci-dessous], que je joue en concert, on trouvait que c’était un morceau génial. On l’avait mis sur des cassettes avant même que j’aie une batterie ou que je sache que j’allais faire de la musique. Et au final cette musique est assez bien adaptée au système que j’utilise, à savoir un synthétiseur moduleur. Ce synthé a une certaine quantité de ressources dont il faut affecter une partie aux sons et une  autre à la structure du morceau. Et comme le morceau Space Harrier est assez gros, j’utilise pas mal le synthé pour faire la structure et pour le peu de ressources qu’il me reste les petits sons 8-bit conviennent parfaitement parce qu’ils en nécessitent peu. Le bon côté c’est que je peux affecter beaucoup de ressources aux structures, qui sont généralement un peu délaissées par les batteurs qui trigg des trucs. Ils ont tendance à assigner simplement un son par fût. Mais moi je préfère que le son qui sorte lorsque je frappe sur un fût ne soit pas à chaque fois le même. J’essaye de penser un peu plus loin que ça.

Quand on pense à la musique 8-bit on imagine plutôt le gros nerd à lunettes ou des DJ comme Boy 8-bit si bien qu’on est presque étonné de voir cette association entre ce type de musique et la batterie live de Duracell. Quand on parle de « nitendocore » [NDLR : terme créé par le groupe HORSE the Band plus pour déconner qu'autre chose], tu te retrouves là-dedans ?

Oui, plutôt. Si tu dis « nitendocore » à quelqu’un et qu’il me voit en train de jouer, je pense qu’il va se dire que ça correspond assez bien. Mais si on devait regarder dans la liste de groupes rassemblés sous cette appellation, je pense que je suis le seul à la batterie. La plupart des autres gars font plutôt des genres de mashups-breakcore à base de 8-bit. Et ça donne une musique quantisée. En fait là où je pense que je suis un peu différent c’est que j’amène une dose d’organique à l’intérieur du 8-bit, qui est normalement toujours séquencé et parfait au niveau du rythme. J’amène une certaine imperfection, une interprétation humaine.

Et tu es un artiste exclusivement live ou tu as l’intention d’enregistrer un album ?

Disons que pour des groupes comme Chewbacca faire un CD a du sens, encore que pour celui-ci ce sont des disques de live qui seraient appropriés. Mais pour The Rubiks, oui on est content d’aller en studio et d’essayer d’enregistrer des versions propres de nos morceaux. En ce qui concerne Duracell c’est plutôt un spectacle. Je le savais pas au moment où je l’ai créé mais en le faisant je me suis rendu compte que ça avait une identité particulière dans la façon dont ça se présente aux gens, la manière dont le public le reçoit et le contexte dans lequel je me produis. Au final ça s’apparente plus à de la performance et à un spectacle. Avoir simplement des clips sur Youtube de façon à ce que les gens qui veulent savoir ce que je fais puissent avoir une idée, ça me va très bien.

« C’est ultra-excitant de se dire qu’à tout moment quelqu’un peut tomber sur ta batterie »

Il paraît que ça t’arrive de jouer en playback, c’est vrai ça ?

Le bruit court depuis longtemps et je ne l’ai jamais dit en interview, ça sera donc une révélation [sourire]. Je le fais plus aujourd’hui mais c’est vrai qu’à un moment dans mon set j’avais introduit un morceau en playback, le dernier boss de Space Harrier. En fait dans Space Harrier je fais le niveau 1, le niveau 2, le game over, le high score et également le dernier boss histoire de me dire « Space Harrier comme ça on en est débarrassé ». Mais pour ce dernier morceau je lançais discrètement la musique sur Winamp. Il y avait une petite introduction qui me comptait les coups et me permettait d’être dans le tempo. Ensuite je faisais semblant de déclencher le reste du morceau. C’était complètement crédible par rapport à tout ce qu’on avait vu jusque là. Une fois que le morceau avait démarré je me mettais à jouer de la batterie rock normale, je me faisais plaise en fait. Ça restait carré mais au final ma batterie se détachait un peu de la musique, on sentait que je pouvais totalement faire un break. Je me suis dit que c’était complètement flag’ et que tout le monde allait me dire que j’avais fait un playback en plein milieu.. mais en fait personne n’a jamais remarqué. Je pense que j’amène tellement le public dans une certaine écoute qu’au bout d’un moment il ne se pose plus trop la question.

Et jamais personne ne t’a rien dit ?

Non. Pour moi c’était plutôt un gag et je pensais vraiment que certains allaient me dire « t’es tordu » [rires].

Pour continuer dans les anecdotes j’ai entendu dire que les gens se foutaient à poil dans tes concerts…

Non ça par contre c’est pas vrai. Il y a bien parfois des mecs torse nus en fin de soirée, un peu bourrés. Bon c’est vrai qu’il y a eu un mec une fois qui a montré sa bite, il y a d’ailleurs une vidéo sur Internet. Et il y aussi ce gars à Lyon qui se fout à poil à tous les concerts. C’est un fan. Dès qu’il aime bien il se fout à poil.

J’ai aussi cru voir quelque part que tu avais dû sortir d’un de tes concerts sur une civière. C’était à Londres…

Non en fait c’était à Toulouse. J’étais super fatigué, j’étais en tournée et ça faisait plusieurs jours que j’alignais beaucoup de bornes et très peu de sommeil. Une fois arrivé sur place il y a eu une sorte d’altercation avec le patron du lieu parce qu’il trouvait que je jouais trop fort. Il m’a vraiment menacé verbalement et physiquement, il a joué l’intimidation. Tout le monde était désolé et y avait un peu une sale ambiance. Je me souviens bien j’étais dehors avant le concert en train de fumer une clope, il faisait froid, j’étais en T-shirt je me disais « bon, faut y aller ». Et quand j’ai commencé à jouer les gens étaient vraiment au taquet, ils étaient super enthousiastes. C’était genre le meilleur concert de ma vie, tout le monde était trop heureux ! Et du coup j’ai tout donné tout de suite. Au bout de deux  minutes je me suis lancé dans un break et là j’ai senti mon dos faire un sale bruit. Je m’arrête alors de jouer et j’explique aux gens que je viens de me faire super mal au dos. Donc je pose mes baguettes, les gens comprennent pas vraiment ce qu’il se passe, j’essaye de me poser par terre, je m’allonge pour un peu soulager mon dos… et là plus moyen de bouger.

Tu t’es fait quoi en fait ?

Une lombalgie aigüe, un lumbago. J’arrivais plus à me relever donc je suis reparti sur une civière ouais.

Du coup ils ont eu un concert intense de 5 minutes…

Ouais c’est ça. 3-4 minutes, je sais pas bien. En plus juste l’intro… Et je ne suis pas retourné depuis jouer à Toulouse, c’était en 2007. Donc je leur dois un concert.

duracell-1

Et tu joues toujours au milieu du public ? Ce soir tu va faire comment ?

Je vais jouer au milieu du public et je dirai aux gens qu’ils pourront venir autour. Si c’est dans l’axe de l’ampli ça peut être un peu aggressif, si t’es un peu en dehors de l’axe c’est un peu plus doux et si tu te mets derrière la batterie c’est encore plus cool. Les gens peuvent choisir l’écoute qui leur convient.

C’est un principe, pour toi, de jouer comme ça au niveau du sol ?

C’est Lightning Bolt qui fait ça. Et j’étais tellement impressionné par ce groupe, pas seulement leur musique mais leur approche en général, que je voulais simplement vivre la même chose qu’eux en fait.

Ils t’ont vraiment marqué…

Oui. Moi aussi je voulais savoir ce que ça faisait de jouer de la batterie, d’envoyer de la musique de taré et d’avoir à côté de toi les gens qui sautent et qui limite te prennent le bras quand tu es en train de jouer, ou qui mordent la cymbale…

Ça t’es déjà arrivé des trucs comme ça ?

Ouais bien sûr. Une fois un mec s’est accroché à moi comme ça [ imite quelqu'un l'enlaçant par derrière en fermant tendrement les yeux ] genre « je t’aime ». Pendant que je jouais quoi [rires]. J’ai aussi déjà du repousser des gens qui te gueulent des trucs dans l’oreille. Tu sais pas ce qu’ils te gueulent mais t’es en train de jouer alors t’es juste là [ il fait un mouvement du bras ] « barre-toi » !

Ou des gens qui se vautrent sur ta batterie…

Ça arrive aussi mais à la limite c’est ultra-excitant de se dire que quelqu’un peut à tout moment tomber sur ta batterie alors même que t’es en train de jouer. Putain t’es vivant dans ces moments là ! Et puis de flirter avec cette proximité, cette folie, ça rend l’ambiance électrique. En plus le fait que de jouer par terre fait que les gens se mettent autour et se voient les uns les autres. Donc si ça se passe bien les gens le voient sur le visage des autres. C’est bien mieux que si tout le monde est en rang. Après c’est vrai que c’est parfois pas adapté. Plus ça va plus ça m’arrive de faire des concerts devant un peu plus de monde. Et là je suis obligé d’aller sur scène… »

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Interview réalisée par Olivier Clairouin

Crédits photos : Olivier Clairouin


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