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Le Brand Content de Luxe par Daniel Bô et Matthieu Guével

Publié le 23 février 2010 par Darkplanneur @darkplanneur
Marion_cotillard_lady-rouge_new-york La semaine dernière a eu lieu, une conférence fondamentale organisée par Qualy Quanty regroupant les acteurs du Brand Content dans l'univers du Luxe (Antoine Lacroix, Michel Campan). A cette occasion, nous avons interviewé les maîtres de cérémonie Daniel Bô et Matthieu Guével.

1/ Brand Content, définition ?
Daniel Bo : Le Brand content désigne le contenu éditorial créé, ou largement influencé par une marque. La marque se pense elle-même comme éditrice de contenu, avec une ligne éditoriale et une offre de programmes.
−    Il se distingue du branded content, qui correspond à une logique de parrainage ou d’association avec un contenu préexistant.  En brand content, la marque assume un véritable rôle d'éditeur, elle finance et fabrique un contenu souvent à partir de son propre fonds, parfois jusqu'à devenir une marque média (le magazine Colors pour Benetton est un exemple). Bien sûr il peut y avoir des situations hybrides, mais la logique est celle-ci.
−    Il se distingue du message publicitaire. L’objectif ici consiste moins à transmettre un message ou une information - même si c’est important aussi – mais à proposer une expérience éditoriale forte, qui va impliquer le consommateur. Il ne s’agit plus de se concentrer sur les exigences de clarté, de répétition ou de couverture : l’enjeu consiste à proposer une expérience enthousiasmante à un public.
Matthieu Guével : Par delà la diversité des contenus, des supports utilisés, des objectifs poursuivis, je vois trois conditions essentielles pour qu’on puisse parler de brand content :
−    Au contraire de la publicité traditionnelle, le contenu de marque est un objet de communication qui a une valeur intrinsèque, qui est directement utile au consommateur : soit il est diverti, soit il apprend quelque chose, soit il est aidé dans ses activités. Et ceci indépendamment de l’acte d’achat. Le brand content est une forme de brand utility.
−    Au contraire de la publicité traditionnelle qui se focalise sur un aspet du produit essentiellement, avec le brand content on a affaire  une communication rayonnante. On prend un objet, un bijou par exemple, et on le fait rayonner en racontant une histoire autour de ce bijou, en créant un monde autour de lui, un univers créé pour la marque (c’est ce qu’a fait Van Cleef & Arpels avec sa collection narrative Une Journée à Paris).
−    Enfin on s’adresse a l’individu comme personne et pas seulement comme consommateur : comme papa, comme citoyen, amateur d’art … bref, on s'adresse d'abord  à une personne inscrite au carrefour de divers univers affectifs et intellectuels. C’est en le touchant comme personne qu’on va le toucher comme consommateur.

2/ Pourquoi le Luxe est-il à la pointe du Brand Content ?

DB : Les marques de luxe sont naturellement dans une logique de création de contenus : leurs propres produits sont issus d’un travail créatif, elles travaillent avec des artistes, aménagent leurs vitrines comme des installations et concoivent le shopping comme une activité culturelle.
Les marques fortes sont des réservoirs de contenus. Et les marques de luxe ont souvent un potentiel éditorial qui ne demande qu’à être exploité : raconter l’histoire de la marque, réaliser un documentaire sur les tours de main de la maison, l’origine d’un parfum, etc.
MG : le monde du luxe entretient des rapports étroits avec le monde de l’art et de la culture, et cette proximité constitue un levier unique pour éditer et proposer des contenus culturels. Consommer du luxe ne consiste pas seulement à acheter des produits : c’est participer à un état d’esprit, à une expérience culturelle. Acheter une valise Vuitton c’est adhérer à une « certaine idée du voyage ». Cette idée, cette expérience, il faut que les marques puissent la proposer, l’accompagner, la faire vivre avec des contenus autour de leurs produits : des guides, des minis films, des fichiers audio, des livres d’art, etc.
Dans un article publié sur le blog et consacré aux rapports entre luxe, art et brand content http://bit.ly/4xZXRJ j’ai suggéré de regarder les objets et la communication luxe comme des œuvres d’art, régis par deux grands principes de densité et de saturation souvent employés en critique d’art : (i) « plus je regarde, plus je vois » (the closer you look, the more you see) et (ii) « plus je m’intéresse plus je découvre ». Un objet de luxe est un objet à tiroir, que l’on n’a jamais fini de regarder, qui réserve toujours des surprises, dans ses finitions mêmes les plus secrètes. La publicité ne donne pas toujours les moyens de s’y attarder, le brand content si. C’est une autre façon de faire rêver.

3/ Les vertus stratégiques du Brand Content pour une marque de Luxe?

DB : les marques de luxe ne cherchent pas à répondre à un besoin mais à construire et proposer un univers et une identité suffisamment forte et attractive pour intéresser le consommateur. Tout part de la marque. Le brand content est un moyen unique pour les marques de luxe de donner chair et vie à cet univers pour captiver et impliquer le consommateur.
Le brand content est un « vecteur de communication » inégalé, qui permet aux marques de luxe de dévoiler et de mettre en valeur la richesse de leur savoir faire et de leur histoire. Nous en parlions au Club Brand Content avec Antoine Lacroix de chez Van Cleef and Arpels. « Une maison comme Van Cleef a plus de 100 ans de savoir faire et d’excellence avec beaucoup de qualité des métiers d’art. Et tout cela reste caché. La presse n’en parle pas. Peu de gens ont accès à nos secrets. Internet nous donne la capacité de faire émerger le contenu. Toute la densité de la marque trouve un vecteur de communication qui n’existait pas avant »
MG : il y a aussi la dimension d’initiation et d’éducation des nouveaux clients qui est stratégique pour le luxe. Ce n’est pas toujours évident de comprendre pourquoi un sac vaut 5000 euros plutôt que 50 euros, un bon vin 300 euros plutôt que 7,50. Il faut avoir l’œil, être initié. Si le luxe ne parvient pas à le faire sentir, sa légitimité peut s’éroder et son potentiel de croissance va s’affaiblir, surtout sur des nouveaux marchés comme la Chine où le public n’achètera pas uniquement parce qu’on le lui demande ou qu’on lui dit que les américains font pareil.
Je crois aussi que le brand content correspond profondément à la logique du désir humain comme elle a été formulée par Deleuze dans l’Anti-Œdipe : nous ne désirons jamais uniquement un objet qui serait « l’obscur objet du désir », nous désirons toujours par grappe, nous créons des mondes, nous créons des agencements. Je veux telle robe parce qu’elle condense une diversité de savoir-faire, je la désire avec le sac, l’homme, le style de vie et la soirée romantique ou la réunion pro qui vont avec. Si les marques veulent coller au fonctionnement de ce désir, il ne suffit pas de focaliser l’attention sur un objet starisé, il faut créer des mondes et proposer des expériences intégrées. C’est un peu théorique mais il y a de ça.

4/ Quels sont les contenus les plus utilisés par les Marques de Luxe ?

DB : les marques de luxe, pour toutes les raisons dont on a parlé, vont volontiers vers :
-    Des contenus artistiques, des mini films comme ceux réalisés par Olivier Dahan pour Lady Dior avec Marion Cotillard ou la fantaisie animée « superflat monogram » par Takeshi Murakami pour Vuitton.
-    Des contenus qui comportent une dimension de découverte qui permettent de comprendre l’histoire, les méthodes, la philosophie de la marque 
-    Des contenus qui animent et font  vivre le magasin : installations artistiques ou expositions, vitrines, flagship
-    Des contenus divertissants, utiles, informatifs (le spectre est très large)
Les marques de luxe ont particulièrement investi certains genres tels que les expositions dans les lieux de vente (Espace culturel Vuitton sur les Champs) ou les lieux culturels (Bréguet au Louvre). Il y a une tradition de magazines et de livres très haut de gamme édités par les maisons de luxe vendus en kiosque (cf Crystallized), diffusés par abonnement (Cartier Art Magazine) ou distribués en magasins. Les défilés avec le web deviennent de véritables contenus artistiques événementiels (Fendi sur la muraille de Chine). Le court-métrage diffusé avant les défilés ou sur le web a été utilisé récemment par Yves Saint Laurent, Prada, Vuitton, Vanessa Bruno, Chanel, Dior. Les nouveaux moyens technologiques (applis Iphone, site Facebook avec Louis Vuitton, fil Twitter avec Lady Dior, etc) sont mis à profit par les marques de luxe pour animer leurs communautés.
MG : il est important que chaque marque ait une réflexion sur sa ligne éditoriale, et choisisse sa stratégie de contenus. Faut-il réaliser un court-métrage avec une histoire qui mettrait en scène le produit, montrer le savoir faire de la maison, faire une œuvre collaborative avec ses clients ? Certaines se lancent dans la création ponctuelle d’objets culturels comme Dior avec un mini film, bientôt un clip, etc. Vuitton a lancée une série sur l’art du voyage avec des interviews de personnalités, d’autres comme Chanel investissent l’art de l’événement et du spectacle vivant (le défilé spectacle, le happening, l’exposition itinérante…) il y a des dizaines de genres éditoriaux à investir, l’important est d’en choisir un qui corresponde.

5/ Le Top 5 des Marques de Luxe en matière de brand content ?

Vuitton évidemment, par la diversité des supports et des contenus proposés, Chanel, Hermès, Dior
Cartier, YSL.
http://veillebrandcontent.fr/tag/luxe/

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