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Merde, la Mère Denis.

Publié le 21 février 2010 par Pagman

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Sixième enfant d'une famille paysanne, placée en ferme à 11 an, mariée à 17 ans à Yves Marie Denis, Jeanne-Marie Le Calvé travailla d'abord comme garde-barrière sur la ligne Carentan-Carteret pendant 27 ans. À 51 ans, après cinq enfants et un divorce, changement de vie. Elle part vivre près de Barneville-sur-mer, à Tôt précisément car il n'est jamais trop tard pour Tôt. Elle devient lavandière au lavoir de la Gerfleur. Battre, frotter, rincer, essorer, battre, frotter, rincer, essorer. Une vie à trimer, les lombaires défoncées, les mains gelées. Pierre Baton, son voisin publicitaire reçoit probablement un brief de la marque Vedette en 1972. Et pense à elle. Jeanne-Marie Le Calvé, ex Denis devient La Mère Denis et une icône pour 80 % des Français. Elle participe même à Apostrophes. Pauvre Jeanne-Marie. Si elle savait qu'en 2010, elle serait à nouveau utilisée sans que celà rapporte quoi que ce soit à ses ayant-droits, rien, nib, que dalle, elle serait forcément mécontente avec son bon sens paysan.

La fille de Denis Mathurin Le Calvé et Marie Mathurine Riou l'aurait sûrement un peu mauvaise si elle savait qu'on se sert encore d'elle 21 ans après sa mort. D'accord, on lui offrit en 1983 une rente à vie qui lui permit de finir ses jours tranquillement dans une maison de retraite pas loin de Pont-L'Evèque. Mais personne ne connut jamais le montant de cette rente et elle devait être ridicule par rapport à ce qu'elle a rapporté à la marque qui s'était acocquinée avec elle. Mais faisons un rapide calcul : une maison de retraite en Bretagne dans les années 80 ? Disons dans les 3000 francs à tout péter. De 83 à 89, date de son décès : 72 mois. Soit 21 600 francs pour l'utilisation de son image. 3300 euros...
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La Mère Denis, vous allez en bouffer au petit-dej', au déjeuner et au dîner. Vedette nous relance la bonne dame. Ils ont raison d'en profiter, tout le monde se souvient d'elle, elle représente des valeurs fortes, universelles, comme on dit dans la pub. Elle véhicule un message simple qui fait appel à notre bon sens paysan car à cinq générations de vous, moi, nous avons tous du paysan en nous. Ils ont surtout raison car ça leur coûtera zéro. On rase gratis, plus blanc que blanc.


Alors la pauvre Mère Denis se retrouve déjà au bord du périphérique, pas loin de la Porte d'Italie. Elle bouffe du pot d'échappement toute la journée alors que la vraie n'avait jamais quittée la Bretagne et la Normandie. Votez pour vite la sortir de là.


Elle va revenir vous hanter à la télévision avec son "ça, c'est ben vrai, ça" que vous prendrez tous plaisir à entendre à nouveau tant c'est ancré au fond de nous comme d'autres icônes publicitaires telles  Marie-Pierre Casey et son "Et c'est tant mieux parce que je ferai pas ça tous les jours", le "Et hop !" de Christophe Salengro pour Gerflor, les singes Omo et leur "Crapoto Basta " admirablement inventés par madame Cozette que je salue par ailleurs car elle lira ces lignes ou encore plus près de nous "Maurice" et son poisson rouge.
La pauvre Mère Denis, en plus, a été éhontément lip daubée et c'est très très mal fait. C'est terrible, on dirait une série brésilienne traduite en tadjik. Je sais pas qui est l'agence qui a fait cette bouse avec une musique infâme et larmoyante mais ils auraient pu y mettre un peu plus de finesse, eu égard au personnage. Là, ça fait un peu exhumation du corps, on le secoue devant la caméra et on le remet dans la fosse et hop, 40% de parts de marché en plus pour pas un rond (bon ok, en gros : 50 000 euros de production pour le film pourri et le mur Mère Denis Porte d'Italie).
Au cimetière de Saint-Hymer, sa tombe est fleurie régulièrement par la gentille multinationale qui rajoute 35 euros pour les fleurs dans son livre de comptes qui se chiffre en millions de milliards de trilliards.



Pour sa pub, la multinationale, elle a son secret. C'est le rinçage. Important le rinçage. Et là, 21 ans après, ils vont bien nous l'essorer  la Mère Denis. Promis. C'est ben vrai, ça.


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