Opi ,le 10 juillet 1916
Louis Destouches à ses parents .
Chers Parents
Je ne suis pas u homme de devoir .Je devrai remonter vers la foret, mais la mer est si belle, qu 'elle me retient indûment sur ses bords. Il fait si beau .
Je vous édcris sous un énorme genêt .
La dune dorée se c ouvre de mille petites fleurs roses et blanches , dont les petites tiges vert foncé surgissent droites, uniformes , piquées dans le sable .
En bas, la mer se brise, inlassable , apportant à chaque vague un peu d' écume qui s' ajoute à la bordure de mousse avec un petit murmure discret presque poli.
L' horizon n 'est pas coupé par un mât quelconque , ici la mer est tranquille
Moi aussi.
Mes pensées s' émondent peu à peu de tout ce qu'elles ont de pénible .Je me sens envahi par une grande indulgence pour tout .
Je jouis égoïstement de la minute présente .
Je crois que c 'est la seule formule du bonheur humain, la seule qui ne trope pas, celle dont nous sommes vraiment sûrs puisque 'elle ne dépend de personne .
Peu à peul 'amertume sarcastique que laisse le passé,s'adoucit, ne laisse place qu à un doux scepticisme qui s'étende au futur et le présent apparait , seul, dégagé, épuré, radieux comme il est souvent.
Il ne faut pas , je crois demander plus à la vie , c'est déjà beaucoup.
Je suis un instant, absolument , exclusivement parfaitement heureux.
La brise m 'arrive du large , saccadée , rageuse et saupoudre de sable doré les mille petites fleurs roses et blanches qui secouent aussitôt toutes ensemble , en petites fleurs soigneuses de leurs corolles.
Bien affectueusement.