« Le ruban blanc » de Michael Haneke ( Les films du Losange )
Sortie cinéma , 21 octobre 2009
En dvd le 3 mars 2010
A l’annonce du palmarès du festival de Cannes, j’ai souri , un brin ironique . Et je l’ai écrit dans ce blog : la distinction faite à Michael Haneke par la présidente d’alors et grande amie du cinéaste, Isabelle Huppert, me semblait très suspecte.
Je maintiens ma réserve ( voir les excellents bonus ) , mais lève le doute sur la qualité du film. Magnifique et plus encore, grandiose dans sa mise en scène et d’une extrême sensibilité quant à l’utilisation du noir et blanc . Les paysages, au printemps comme en hiver, sur lesquels le cinéaste prolonge son regard , sont sublimes. Surtout que l’ option chromatique dépasse le cadre esthétique, pour cerner avant tout une époque, une ambiance, une vision du monde à venir.
C'est aussi l'histoire de ces enfants de la chorale , confrontés à la pureté et à son idéal ...
Nous sommes à la veille de la première guerre mondiale, dans un village protestant de l’Allemagne du Nord. L’ordre moral et la tutelle paternelle sont certifiés par la baronnie qui gère à la fois la vie privée et professionnelle des villageois. Mais, au fil du temps, de quelques décès suspects, d’accident et d’incendie tout aussi bizarres, la façade se lézarde.
Les enfants dont le rôle est aussi important que celui des comédiens professionnels, sont formidables.
C’est d’abord cette histoire que raconte le cinéaste, celle d’une enquête interne (surtout ne pas ébruiter) où les idéaux et les certitudes tiennent à bout de bras le quotidien du petit peuple.
Les enfants observent, et deviennent eux aussi au fil des événements des acteurs à part entière. Ils écoutent et subissent, mais dans l’ombre ou la nuit la plus noire, on les sent prêts à surgir tels des loups enfin libérés. L’enfance est innocence dit-on, et Michael Haneke nous le rappelle à travers ces visages lisses et fermés, presque butés devant l’ordre établi, qui se dérident à la moindre occasion pour mieux ensuite se faire châtier.
Tout un processus quasi biologique se met ainsi en place, un certain façonnage des êtres, qui pourrait être le moule du fascisme (Haneke parle plutôt du terrorisme) paradoxalement baigné dans ce somptueux décorum imaginé par un artiste qui connaît le cinéma sur le bout de la pellicule.
Ni référence, ni hommage ici bas et pourtant les classiques italiens des frères Taviani s’y retrouvent, avec la patte de Thomas Vintenberg quand il imagine « Festen », ou bien celle de Bille August. Je ne sais si ces évocations sont pertinentes, mais elles me viennent spontanément une fois le rideau tombé, complètement emporté dans le bonheur de ce film grave, sombre et désespéré. D’une beauté totale; il brille de mille feux derrière la caméra de l’artiste, qui une fois encore a su dénicher les acteurs idoines. Je pense notamment à Burghart Klaussner , un père aussi inflexible que le pasteur qu’il est le dimanche à l’église . Et à Rainer Bock , le médecin du village qui dans une remarquable scène de rupture avec sa maîtresse est diabolique . Son alter-ego n’est autre que Susanne Lothar , discrète mais déjà remarquable dans « The reader » ( dans ce blog )
L'instit et la baronne que deux mondes séparent
LES BONUS
Divisés en trois chapitres, ils ne font pourtant qu’un . Le festival de Cannes , le tournage, les commentaires des uns et des autres , tous se retrouvent à la fois dans les trois volets .
- Making Of ( 39 minutes )
-Festival de Cannes ( 19 minutes ) . Une conférence de presse qui ne se contente pas d’auto-satisfaction et des remerciements habituels des comédiens envers leur réalisateur. Chacun explique très bien son travail sur le film, avec le regard en noir et blanc de Michael Haneke , très explicite. « Au-delà du fait que j’aime le noir et blanc, celui-ci fait abstraction de l’effet de naturalisme, de cette représentation réaliste si particulière à la couleur , comme si on ne distinguait que les contours de l’histoire ».Quant à la cérémonie de clôture, je trouve toujours les effusions entre madame la présidente et le vainqueur un peu déplacées . Un empressement que les jurés ne semblent pas apprécier eux non plus .
- » Ma vie, Michael Haneke » ( 51 minutes)
Le titre est explicite et c’est vraiment un excellent film sur un artiste dont parlent notamment Susanne Lothar , et Juliette Binoche , qui a tourné à ses côtés « Code inconnu » ( 2000) , et « Caché » ( 2005 ). « Il aime beaucoup contrôler », dit-elle « car il a une idée précise de ce qu’il veut faire » , en écho à l’idée d’un personnage brusque, autoritaire, ou despotique. Son épouse ne contredit pas ce portrait , mais l’atténue . « Il pourrait être tout ça, s’il n’écoutait pas son entourage.« La peur, la violence, la musique, Haneke aborde tous ses thèmes à travers une filmographie riche et particulière . A l’image du bonhomme, de ce film et de ce double dvd( 22.99 € ), indispensable désormais dans toute dévéthèque qui se respecte .