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Les mythes de la vidéosurveillance

Publié le 28 février 2010 par Uscan
71% des français se déclarent favorables à la vidéosurveillance.
Le Figaro affiche en gros titre "Vidéosurveillance : Le rapport qui prouve son efficacité".
Le gouvernement va tripler le nombre de caméras qui surveillent nos rues.
Il introduit de nouvelles lois qui obligent des communes à s'équiper contre leur gré.
Il oblige à remplacer le mot "vidéosurveillance" par "vidéoprotection" dans tous les documents officiels.
Dans cet article vous apprendrez quelle est l'efficacité de ces systèmes et quelle est leur coût.
Vous découvrirez comment on fabrique de faux rapports.
Et nous lèverons le voile sur l'avenir probable des technologies de la surveillance vidéo.

Une politique

En octobre 2007, c'est à dire avant le triplement du nombre de caméras sur la voie publique promis par Michèle Alliot-Marie, et toujours pas effectué, on pouvait déjà dénombrer 5 200 caméras dans le métro, 17 000 dans les bus, 3 000 sur le réseau SNCF, 20 000 sur la voie publique, 340 000 dans des espaces publics (commerces, salles de concert, de sport...) et 2 à 3 millions dans des espaces privés (entreprises, immeubles, écoles...).

Brice Hortefeux, loin d'abandonner l'objectif de 60 000 caméras sur la voie publique, ajoute quelques dispositions à cet arsenal à travers la loi LOOPSI 2. L'amendement CL 158 va remplacer le mot "vidéosurveillance" par "vidéoprotection". Et l'amendement CL 160 va permettre à l'Etat d'obliger une commune à installer un dispositif de vidéosurveillance contre son gré.

D'autres mesure sont souhaitées, mais pas encore fonctionnelles, comme l'interconnexion des réseaux de vidéosurveillance, de façon à ce que la police puisse avoir un accès aux caméras privés. Jusqu'à aujourd'hui un magasin installait de façon autonome ses propres caméras, mais bientôt il devrait pouvoir devenir un auxiliaire de police, puisque cette dernière pourra lire son flux d'images. Un changement invisible mais structurellement très fort, qui fera de nous des citoyens filmés presque sans répis.

L'exemple Britannique

Cette situation est celle de la Grande-Bretagne, où un individu est en moyenne filmé 300 fois dans une seule journée, par plus de 4 millions de caméras, une pour quatorze habitants à Londres. Le ministère de l'intérieur prend régulièrement ce pays en exemple.

Pourtant, l'efficacité de ce procédé est très loin d'être prouvée, et c'est précisément outre-manche qu'elle le plus sérieusement remise en cause. Le rapport le plus fouillé et le plus complet a été publié en février 2005 par le ministère de l’intérieur britannique (Home Office). Il conclut très clairement à l'inefficacité de cette politique, surtout si on le compare à son coût exorbitant.

Jason Ditton et Emma Short, du Scottish Centre for Criminology indiquent par exemple que pour l'année 1995, les 32 caméras du centre-ville de Glasgow ont contribué à une seule arrestation toutes les 967 heures de surveillance, soit une tous les quarante jours. Cela revenait à détecter moins de 5% des crimes et délits ayant conduits à une arrestation. Ils précisent qu'il reste difficile de déterminer quelles arrestations auraient eu lieues ou non sans la présence des caméras, ce qui minore encore le nombre d'arrestations réellement imputables aux caméras.

En effet, dans la plupart des cas, il n'y a aucune corrélation entre le taux d'élucidation des délits et le nombre de caméras installées : tandis que le quartier londonien de Brent, qui ne dispose que de 164 caméras, possède le meilleur taux d'élucidation du Grand Londres pour 2007 (25,9%), celui de Wandsworth, qui en compte 993, n'atteint pas la moyenne londonienne de 21% de délits élucidés… pas plus que ceux de Tower Hamlets (824 caméras), de Greenwich (747), ni de Lewisham (730).

Les britanniques Clive Norris et Gary Armstrong, du Centre for Criminology and Criminal Justice, université de Hull au Royaume-Uni signalent quant à eux 12 arrestations liées aux caméras sur 592 heures de surveillance dans trois centre-villes, ce qui est très faible.

Eric Heilmann, spécialiste reconnu dans ce domaine, explique que toutes les études britanniques menées depuis quinze ans disent que « la vidéosurveillance n’a aucun effet sur les délits et les crimes les plus graves », « pour les vols et les dégradations, la vidéo peut contribuer à une baisse, à condition que d’autres mesures soient prises en parallèle ».

Le 6 mai 2008, Mike Neville, le responsable du bureau des images, identifications et détections visuelles (Viido) de la police métropolitaine de Londres (Scotland Yard) qualifiait la vidéosurveillance au Royaume-Uni – leader mondial en la matière – de “véritable fiasco” (dans le quotidien britannique The Guardian). Selon lui, la vidéosurveillance n’a permis d’élucider que 3% des vols en pleine rue à Londres, par exemple, malgré les 500 000 caméras que compte la capitale britannique.

Outre-Atlantique, Boston et Miami ont même abandonné ce système, trop couteux pour les résultats obtenus

Un rapport fantaisiste

De son côté, la France fait mine d'ignorer cette volte-face de nos voisins anglo-saxons. Pire, elle truque ses chiffres et ses rapports. Le 21 août 2009, Le Figaro titrait "Vidéosurveillance, le rapport confidentiel qui prouve son l’efficacité". Une information qui tombait bien, au moment exact où Brice Hortefeux annonçait le triplement des caméras de vidéosurveillance sur la voie publique, reprenant les promesses de Michèle Alliot-Marie en 2007, et où François Fillon décidait le doublement des crédits, de 10-12 millions à 20 millions d'euros. Ce fameux rapport confidentiel, le voici. On pouvait y lire que les villes équipées voyaient leur criminalité baisser deux fois plus vite que dans celles qui ne l'étaient pas.

A y regarder de plus près, ce rapport souffre de toutes les carences méthodologiques possibles. Tanguy Le Goff, sociologue à l’Institut d’aménagement d’Ile de France et auteur d'un Etat des lieux des évaluations menées en France et à l'étranger, explique ainsi le problème à Jean-Marc Manach.

On ne peut pas entrer dans la polémique des chiffres : les périodes ne sont pas les mêmes, le rapport mêle petites, moyennes et grandes villes, HLM et zones commerciales, centre villes et moyens de transport publics… et compare des choses qui ne sont pas comparables.

De plus, il faudrait au minimum isoler les autres facteurs qui entrent en ligne de compte : renforcement (ou non) de la police, présence (ou non) d’une police municipale, de quartiers défavorisés, de zones commerciales, etc.

En l’état, il est impossible de réussir à identifier l’effet propre de la vidéosurveillance : la méthodologie est fausse, ou alors les délinquants n’agissent pas, en France, comme ils agissent dans les autres pays…

Eric Heilmann, maître de conférences à l’Université Louis Pasteur de Strasbourg, et autre grand spécialiste français de la vidéosurveillance, a écrit avec Tanguy Le Goff un décryptage du rapport publié par le ministère de l'intérieur. Ils rappellent quelles sont les règles minimales observées dans toutes les études (une quarantaine) effectuées à l'étranger depuis 15 ans.

  • S'appuyer sur des études de cas contextualisées pour isoler l'effet propre de la vidéosurveillance des autres facteurs : amélioration de l'éclairage, renforcement des effectifs de police ou changement de leurs méthodes
  • Tenir compte des lieux : parkings, rues, quartiers d'habitat social, lycées...
  • Différencier les différents types de délits. Ne pas présenter des pourcentages globaux qui mélangent chèques volés, infractions au code du travail, violences familiales aux vols à la tire ou agressions aux personnes etc... Cela rend les résultats illisibles et sans signification au regard de la vidéosurveillance.

Dans ce rapport, non seulement le ministère de l'intérieur n'a pas respecté ces règles, mais il a tiré des conclusions à l'inverse des résultats obtenus. Voici un florilège de ce que l'on peut y lire.

  • Malgré un travail important des services de police et de gendarmerie pour permettre à la mission de réaliser cette étude, force est de constater que les outils d’évaluation mis en place localement sont encore trop parcellaires
  • L’impact exclusif de la vidéoprotection est difficile à isoler dans un environnement mouvant et dans lequel elle n’est qu’un outil au service des municipalités et des forces de l’ordre.
  • La comparaison de ville à ville est délicate compte tenu de l’hétérogénéité des situations : nature et étendue des zones vidéoprotégées, typologie de la délinquance, organisation des forces de l’ordre, implication des municipalités au travers des polices municipales ou de politiques de prévention, évolution des qualifications pénales de certains faits, etc., tous phénomènes qui peuvent interagir et ne facilitent pas la mesure de la seule efficacité des dispositifs installés.
  • En dessous d’une caméra pour 2000 habitants, les agressions contre les personnes progressent plus vite (+44,8 %) que dans les villes qui n’ont aucun équipement (+40,5 %)
  • La délinquance générale baisse moins quand il y a plus d’une caméra pour 1000 habitants que lorsqu’il y a une caméra pour 1000 à 2000 habitants.
  • L’efficacité de la vidéosurveillance ne diffère guère lorsque des agents sont payés pour surveiller, en temps réel, les écrans de contrôle, que lorsque personne ne les regarde…
  • Pour ce qui concerne la délinquance générale, les taux d’élucidation progressent aussi bien dans les zones avec ou sans vidéoprotection

Eric Heilmann rappelle que

Toutes les études britanniques menées depuis quinze ans disent que « la vidéosurveillance n’a aucun effet sur les délits et les crimes les plus graves », « pour les vols et les dégradations, la vidéo peut contribuer à une baisse, à condition que d’autres mesures soient prises en parallèle »

Ce qui ne semble pas être le cas en France, puisque selon le rapport du ministère de l'intérieur, le taux d'élucidation serait plus faible dans les villes vidéosurveillées que dans les autres.

Les mythes de la vidéosurveillance

Tous ces éléments permettent difficilement de conclure à l'efficacité de la vidéosurveillance, sauf à vouloir obtenir cette conclusion à tout prix. Ainsi Le Figaro écrivait

contrairement à un préjugé véhiculé jusqu’au Parti socialiste, « l’effet plumeau, c’est-à-dire un déplacement de la délinquance vers les zones non couvertes, ne semble pas avéré »

Pour affirmer cela, il s'appuyait sur cette affirmation, contenue dans le rapport :

48% des commissariats estiment qu’il [l'effet plumeau] est nul, 52% estiment qu’il existe, mais ne sont pas en mesure de l’évaluer

Un rapport commandé

En réalité il n'a jamais été question d'étudier sérieusement l'efficacité de la vidéosurveillance. Les spécialistes cités ci-dessus, contactés par Jean-Marc Manach, ont tous pointé du doigt la lettre de mission "relative à l’évolution de la vidéoprotection" envoyée en février dernier par le ministre de l’intérieur au président du "comité de pilotage stratégique pour le développement de la vidéoprotection". Voici ce qu'elle dit.

Le développement de la vidéoprotection est une priorité du Ministre. C’est pourquoi le plan d’action mis en place vise à tripler le nombre de caméras sur la voie publique.
Afin de permettre aux collectivités locales gestionnaires de l’espace public de se lancer dans cette stratégie dynamique, il convient de mettre à disposition (…) des arguments propres à soutenir leur adhésion.
Dans cet esprit, il est nécessaire (…) d’évaluer et de quantifier l’efficacité de la vidéoprotection.

Histoire d'être certain que l'esprit du rapport ne serait pas oublié, le "comité de pilotage" a été exclusivement constitué de personnels sous l'autorité directe du ministère de l'intérieur ou de la direction générale de la police et de la gendarmerie. Ainsi les trois parties prenantes furent l'Inspection générale de la police nationale (IGPN), l’Inspection technique de la gendarmerie nationale (ITGN) et l’Inspection générale de l’Administration (IGA). Des "services au dessus de tout soupçon" pour Le Figaro.

Ce comité au dessus de tout soupçon a réalisé son étude en se basant sur 300 communes vidéosurveillées, alors que le France en comptait 1142 à l'époque de l'étude. Les rapporteurs ont interrogé exclusivement des policiers ou des maires ayant installé un système de vidéosurveillance, aux frais de leurs administrés. Ils ont méthodiquement évité toute personne qui aurait pu émettre un avis critique. Ils n'ont interrogé aucun sociologue, aucun universitaire ni aucun spécialistes de la question. Il est vrai que les policiers, lorsqu'ils sont interrogés par des sociologues, estiment globalement que la vidéosurveillance ne marche pas.

Et, petit détail qui révèle l'œuvre parfaite, Jean-Marc Leclerc, le journaliste auteur de l'article, est, en marge de ses piges au Figaro, membre du groupe de contrôle des fichiers de police, une émanation du ministère de l'intérieur.

L'histoire de ce faux rapport censé "prouver" l'efficacité de la vidéosurveillance est emblématique. En réalité, la France n'a produit aucune étude respectant les critères internationaux évoqués plus haut. Plusieurs raisons permettent d'expliquer ce phénomène.

Pourquoi persévérer dans cette voie ?

La vidéosurveillance est une solution de facilité. Traquer la délinquance, en comprendre les mécanismes et les causes, inventer des parades et des réponses adaptées demande un travail humain. Il faut un travail d'investigation, que ce soit par des enquêtes policières ou des études sociologiques. Avec une approche de ce type, la ville de Montréal a fait baisser la criminalité de 40% en 15 ans sans installer aucun système de vidéosurveillance. Mais l'approche humaine n'est pas voyante, il s'agit d'un travail de l'ombre. La vidéosurveillance, ostentatoire, répond au mythe occidental qui nous porte à croire que la technologie va résoudre tous nos problèmes. Il est intéressant d'écouter les réunions publiques où les maires présentent leur bilan. Il n'est pas rare que la quasi-totalité de leur politique se résume à la construction d'infrastructure, l'aménagement de tel quartier, l'installation de tel dispositif. La politique locale est souvent pensée en terme de réalisations techniques, et non en terme de résultats humains. Le bâti est voyant, et sa présence incontestable. C'est un fait bien utile pour qui doit présenter un bilan et prouver qu'il a "fait quelque chose".
La fascination des maires à qui l'on présente les dispositifs derniers cris illustre cette position de gamins que nous avons tous plus ou moins face à la technologie. Nombreux sont ceux qui sont séduits par le plaisir qu'ils prennent à déplacer la caméra avec un petit joystick, zoomer, pivoter... Les société qui fabriquent ces technologies jouent sur cet aspect, et pratiquent un intense lobbying auprès des élus. On évalue à 5 - 6 milliards d'euros les sommes dépensés dans les années qui viennent sur la vidéosurveillance.

Dans le n°1974 de mars 2009 de La Gazette des Communes, on apprend que l'équipement pèse lourd sur les budgets municipaux, à raison de 80 000 euros en moyenne pour les étapes préliminaires, 20 000 euros par caméra, plus 28 000 euros par agent -soit 140 000 euros par an pour un système composé d’une vingtaine de caméras fonctionnant 24 heures sur 24 et nécessitant donc au moins 5 agents. Les exemples donnés en annexe vont ainsi de 240 000 à 8 millions d’euros d’investissement, et de 9500 à 200 000 euros de fonctionnement (par an), pour des système allant de 11 à 183 caméras. La vidéosurveillance est avant tout un business comme les autres...

A cette pression il faut ajouter celle du gouvernement qui encourage les maires à investir dans la vidéosurveillance, en finançant à hauteur de 50% l'investissement initial, et en oubliant de préciser que pour un investissement initial de 100€, il faudra ensuite débourser 30€ chaque année pour garder le matériel opérationnel. Enfin s'ajoute la pression des administrés, convaincus par la presse et par le gouvernement qu'il s'agit d'une solution efficace. Selon un sondage Ipsos pour la Cnil de mars 2008, 71 % des Français y seraient favorables.

Pourquoi une telle inefficacité ?

S'il y a un scandale autour de la vidéosurveilance, aujourd'hui, c'est bien au regard de l'immense gâchis d'argent public qu'il se joue. Le problème des libertés individuelles ne se pose pas encore, pour la simple raison que ces dispositifs ne fonctionnent pas. Car toute l'efficacité des caméras de vidéosurveillance se joue dans l'arrière-cour, là où les images sont visionnées. Dans le rapport de Martin Gill et Angela Spriggs, on apprend que certains des systèmes évalués présentaient un ratio de dix-sept caméras pour un écran. Pour la plupart, il était de deux à cinq pour un, ce qui revient à dire qu’à tout moment les images d’une majorité des caméras ne sont jamais affichées. Qui plus est il est illusoire de croire que les opérateurs puissent surveiller correctement plus d’un écran à la fois. En conséquence, la plupart des délits échappent tout simplement à leur vigilance, comme en témoigne l’un d’eux dans l'étude de Gavin Smith

Je ne peux pas vous dire combien de choses on a ratées pendant qu’on ne regardait pas les autres écrans. Des effractions, des vols de voiture, des agressions se sont passés pendant qu’on visionnait les autres caméras... C’est vraiment énervant

Les opérateurs ne sont pas des agents de maintien de l'ordre, ils ne sont pas formés à repérer les comportements potentiellement délictueux, ainsi l’une des rares études sur le sujet, celle de Gary Armstrong et Clive Norris, révèle ainsi que 86 % des individus surveillés ont moins de 30 ans, que 93 % sont de sexe masculin, et que les individus noirs ont deux fois plus de chances de faire l’objet d’une attention particulière que les individus blancs.

Enfin, regarder les écrans de contrôle se révèle extrêmement ennuyeux et répétitif. Dans les zones résidentielles, Martin Gill et Angela Spriggs ont dénombré une moyenne de six incidents toutes les quarante-huit heures de surveillance (Martin Gill et Angela Spriggs). Résultat, les opérateurs luttent d’abord contre l’ennui : pauses café/toilettes fréquentes, lecture de magazines, mots croisés, somnolence, et même... voyeurisme, qui représente 15 % du temps de visionnage consacré à surveiller des femmes (Gary Armstrong et Clive Norris).

Ainsi, plus le territoire couvert est large, plus l'efficacité est réduite. La vidéosurveillance s'avère efficace dans des lieux clos, où l'opérateur sait ce qu'il doit observer, comme dans un parking, par exemple, où de surcroît les issues sont peu nombreuses.

Paradoxalement, la fantasme de Big Brother, capable de tout voir, vient alimenter la foi en l'efficacité de la vidéosurveillance. Il n'est pas anodin que le débat public se focalise sur l'aspect des libertés individuelles et oublie complètement de parler du retour sur investissement, et de la manière dont on utilise l'argent public. Mais si la vidéosurveillance ne présente aujourd'hui aucun danger pour nos libertés individuelles, il est quasiment certain que l'évolution de la technique changera radicalement cette aspect.

Technologies en cours de développement

Dores et déjà, plusieurs expériences ont été menées dans l'objectif de pouvoir automatiser la reconnaissance d'individus ou d'actes "anormaux". Par exemple, le 28 janvier 2001, la police de la ville de Tampa en Floride (Etats-Unis) et le FBI ont expérimenté un dispositif de reconnaissance faciale, vendu par le société Visionics (cette société a changé plusieurs fois de nom depuis, elle s'appelle désormais Identity Solutions), en filmant à leur insu les spectateurs du SuperBowl et en comparant leurs visages à 128 caractéristiques biométriques. Aucun criminel ne fut détecté. Mais la police de Tampa a poursuivi l'expérimentation jusqu'en 2003 dans un quartier nommé Ybor City. Elle espérait parvenir à repérer automatiquement l'un des 24 000 individus répertoriés, pour suivre ses faits et gestes dans la rue. "Cela ne nous a été d’aucune aide et ça n’avait aucune justification réelle", a commenté le capitaine Bob Guidara, porte-parole de la police de Tampa, au Palm Beach Post. Le système confondait même les hommes et les femmes! L'expérience a été abandonnée le 19 août 2003.

Cependant, les recherches continuent. Si le couplage reconnaissance faciale - vidéosurveillance n'est pas encore opérationnel, la société Identity Solutions propose des solutions de reconnaissance biométrique, dans un contexte où l'on peut demander aux individus de marquer une pose en regardant une caméra, comme pour l'accès à des sites sensibles, militaires ou industriels, ou dans les aéroports. La police utilise aussi ce genre de procédé pour ficher les personnes condamnées en Hollande. En parallèle, le Royaume-Uni tente de transformer l'essai, après avoir tant investi pour rien. Aussi l'University of the West of England, partenaire de l'initiative avec l'Imperial College ont mis leurs connaissances en stéréo photométrique dans le but de parvenir à des techniques d'imagerie en 3D intégrant les caméras de surveillance pour détecter et reconnaître des visages quelque soient la luminosité et la netteté de l'image. Le projet s'appelle PhotoFace.

De nombreux autres projets sont financés par des fond publics dans le monde des pays riches, en vue de parvenir à identifier automatiquement des visages ou des comportements.

  • L'école polytechnique de Madrid travaille sur un logiciel qui permettrait d'identifier les expressions sur un visage
  • Le département d'informatique biomédicale de l'université de Houston a mis au point un protocole d'authentification faciale nommé URxD (pour your xdentity) qui se veut "aussi aisé que la prise d'une photographie"
  • Le National Institute of Advanced Industrial Science and Technology (AIST) japonais a mis au point un système capable d'auto-apprendre quel est le comportement normal attendu face à une caméra, puis de signaler toute déviance. Il s'agit d'analyse du mouvement, comme le montrent ces petites vidéos : ici et ici.
  • Il existe même des caméras infrarouges capables de compter le nombre de personnes présentes dans un véhicule, sur une autoroute, en identifiant la peau humaine à 100 mètres et en distinguant les visages du fond
  • La société Vitamin D apporte peut-être l'innovation la plus prometteuse, grâce à sa technologie nommée Hierarchical Temporal Memory capable, sur le modèle du néocortex humain, d'apprendre, puis de comprendre ce qui se déroule dans une vidéo de façon à pouvoir prendre une décision autonome. A l'heure actuelle, une première application, déjà disponible au téléchargement, permet de reconnaitre des humains dans une vidéo, même chargée d'objets en mouvement.
  • Enfin, pour les Jeux Olympiques de 2012, le Royaume-Uni va s'appuyer sur l'Imperial College London (ICL), Identity solution et General Dynamics pour enregistrer des représentations faciales en 3D des individus. Chaque personne aura l'impression d'être flashée une seule fois, mais en fait six petits flashs se seront succédés à des intervalles très courts, permettant d'obtenir une modélisation en 3D, suivant les principes de la stéréo photométrie.

Parallèlement, la définition des capteurs CCD et CMOS augmente régulièrement. La recherche technologique, largement soutenue par des fonds publics dans le monde entier, va continuer de se perfectionner. D'ici quelques années, on ne manquera pas de voir apparaître des caméras de vidéosurveillance en version haute définition à un coût équivalant celui des modèles actuels. Plus tard, lorsque les images fournies seront de qualité suffisante, et que les algorithmes seront assez puissants, il deviendra possible de reconnaitre automatiquement un individu dans la rue, simplement grâce à son visage. Ce jour là, le gigantesque arsenal, aujourd'hui coûteux et inutile, se transformera en un outil de contrôle sans équivalent. Il deviendra possible de suivre un individu de façon automatique, du matin au soir, sans que cela ne mobilise un seul être humain. Un glissement majeur se sera opéré, mais il demeurera invisible et silencieux.

On peut imaginer la suite. Le rapport sera directement archivé ou envoyé par email au responsable concerné. On peut même imaginer que des listes d'alertes soient programmées : enregistrer la vidéo si tel individu est dans tel zone, si tel individu est en présence de tel autre etc... Et lorsque la puissance de traitement (processeurs) et de stockage sera suffisante* on peut imaginer qu'une population entière soit ainsi suivie, que les données soient automatiquement classées, et qu'on puisse s'y référer en cas de besoin. Madame Untelle tel jour telle heure ? Elle était à tel endroit avec telle personne, elle est entrée à telle heure et sortie à telle heure, sans compter les caméras dans le bâtiment lui-même. Ou bien : la liste de occurrences où Monsieur Untel est en présence de Monsieur Celuici.

A l'heure actuelle, combattre la vidéosurveillance c'est combattre une propagande assortie d'une gabegie. A terme, c'est combattre un outil puissamment liberticide.
* suivre 60 millions de personnes pendant un an, si l'on considère que la personne est dans le champ d'une caméra 3 heures par jour (et globalement lorsqu'elle est hors champ on sait où elle est, dans quel bâtiment, ou dans quelle pièce) cela correspond à 109,5 milliards d'heures de vidéos, soit avec une image haute définition compressée, environ 1000 milliards de gigaoctets, ce qui ne semble pas irréaliste à moyen terme avec les moyens d'un état - dès aujourd'hui Google déclare utiliser un million de serveurs, et un disque dur de 1000 gigaoctets coûte en moyenne 70€. La capacité des disques et le coût du gigaoctet évoluent respectivement à la hausse et à la baisse à une vitesse vertigineuse.

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