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Un repas riche en surprises gourmandes ... et une petite horizontale de Cahors

Par Eric Bernardin

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C'est l'histoire d'une amitié jamais démentie depuis plus de deux ans. J'avais rencontré Pascal au concours des cuisiniers amateurs organisé par l'atelier des chefs. Depuis, nous essayons de nous voir régulièrement car c'est toujours un plaisir partagé.

Habituellement, nous nous rencontrons sur Bordeaux. Pour la première fois, je viens sur ses terres du Lot-et-Garonne, à la frontière du Lot (et donc, pas loin de Chambert). Grâce à cette merveilleuse invention qu'est le GPS (quand ça va bien), je trouve assez facilement sa maison entourée de pruniers, dominant la vallée et Tournon d'Agenais.

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Il est 13h00 lorsque j'arrive. Il n'y a donc pas de préambule. Mais plutôt une préam-bulle : mon hôte connaissant parfaitement mes goûts, il amène une bouteille d'un de mes champagnes préférés : né d'une terre de Vertus de Larmandier-Bernier (brut nature, 100% chardonnay). Un nez fin sur la noisette, la pomme chaude et les épices. Une bouche tendue, ciselée, avec des bulles fines et discrètes. Et une finale tonique, avec une belle mâche. Il y a bien sûr quelques mises en bouche pour l'accompagner. 

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Pour démarrer, un shiitake dans un bouillon fumé bien mousseux. Le champignon est juste cuit à l'instant par la chaleur du liquide. Il est donc entre le moelleux et le croquant. Le bouillon est fin et léger. Une mise en bouche qui mérite vraiment son nom car cela met agréablement en appétit. Finalement, j'excuse Pascal d'avoir oublié le Ricard et les cacahuètes ;o)

Pour la mise en bouche suivante, Pascal m'amène jusqu'à sa serre afin que découvre une plante dont j'ai forcément entendu parler. Le pot est un peu disproportionné à la petite pousse qui vit dedans. Comme cela, ça ne me dit pas grand chose, mais quand Pascal en sacrifie une feuille et me la fait goûter, là je comprends tout de suite :

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C'est la fameuse feuille d'huître (Mertensia maritima) qui vient du bassin d'Arcachon. Le goût iodé est proprement hallucinant. Ca explose totalement en bouche. Elle s'avère riche aussi en oligo-éléments (voir ICI). Ca, c'est sûr, il va falloir que je m'en procure, car c'est de la bombe !

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Pascal est un petit génie de la transition puisque nous continuons sur une variation thermique autour de l'huître Gillardeau. Dans les sens de l'aiguille d'une montre et en partant du "sud-est" de la photo : glaciale sur son sorbet, froide en gelée d'épinard, tiède dans sa marinière, et chaude dans une crème au curry et cumin. Une partie de ces recettes sont dues à Philippe Vétélé du restaurant Anne de Bretagne (qui vient d'obtenir son second macaron très mérité). Je n'arrive pas à me décider quelle version je préfère: je les aime toutes. Mais disons que c'est la version sorbet qui est la plus détonante : ça décoiffe comme une vague d'eau de mer bien fraîche qui vous prend par surprise. Mais ce n'est rien à côté du plat suivant.

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Vous avez bien vu : du kiwi avec de la saint-jacques. Il fallait y penser. En fait, l'idée n'est pas de Pascal mais de l'une des dernières étoiles montantes de la cuisine parisienne: Fumiko Kono. Notre chef cuistot est allé à l'un de ses cours de l'Ecole Alain Ducasse et en a ramené deux recettes : celle-ci et la suivante. A la base du millefeuille, il y a aussi une lamelle de concombre qui apporte du croquant à l'ensemble. Quant au caviar, il apporte une touche iodée/salée qui contraste avec la douceur de la Saint-Jacques. Pour apprécier le plat à sa juste valeur, il faut le trancher de haut en bas et macher ensemble les différentes couches. Ca devient une expérience autant sensuelle que culinaire. Même si l'on a peut-être perdu un peu l'âme de la Saint-Jacques qui a du mal à émerger au milieu de ces différentes saveurs. 

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Le plat suivant me paraît à ce titre beaucoup plus pur. C'est un burger de daïkon (navet blanc japonais) au foie gras. C'est remarquable à tous points de vue : esthétique, textures, alliances et complémentarité des saveurs. L'idée d'avoir du daïkon cru et cuit est excellente. La cuisson du navet est émouvante de perfection et très complémentaire au foie gras (très bien poêlé). Et les germes de betterave apportent une touche de couleur bienvenue. Que dire ? Un énorme bravo au chef ... et à Fumiko !

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Un condrieu assez vif eût été certainement superbe avec ce plat, mais Pascal en a décidé autrement : après ma petite série consacrée à Cahors, il tient à me faire une horizontale de Cahors sur l'année 2000, l'année de naissance du Clos d'un Jour, un domaine qu'il affectionne. Honneur au p'tit nouveau. La robe montre déjà des signes d'évolution que l'on perçoit aussi au nez délicat (sous-bois, rose fanée, fruits compotés). La bouche est très fine, délicate même. Déjà peu cadurcienne. Les tannins qui arrivent le sont nettement plus, montrant que Véronique et Stéphane Azémar avaient encore du chemin à faire. Il n'empêche : leur quête de la finesse est déjà perceptible, loin des canons régionaux (et le mariage avec le burger pas mal du tout, en fait !).

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Le canon régional, le voilà : Clos Triguedina. Contrairement au premier, il a peu évolué, toujours sur les fruits noirs. La matière puissante n'a pas encore été domptée par les années. Il aurait certainement mérité un carafage pour le rendre plus séducteur. Il n'empêche que l'on perçoit un joli potentiel. A revoir dans une petite dizaine d'années.

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Les Laquets de Cosse-Maisonneuve, le challenger. Je dois dire que jusqu'à maintenant, je n'ai pas vraiment été séduit par le travail de ce producteur. Cette bouteille ne me fera pas changer d'avis. Je n'aime ni l'aromatique, ni la structure (même s'il n'y pas de défaut marqué). J'ai à peine touché à mon verre, car je n'y ai pris aucun plaisir.

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Difficile de ne pas conclure cette série par le Cèdre. Rien que le nez, mêlant les notes de fruits noirs à des arôme tertiaires (cuir, humus) vous charme. La bouche dense, mûre, profonde, avec des tannins parfaitement polis, continue ce travail de séduction. La longue finale, puissante, gourmande, vous achève. Vous ne pouvez que craquer pour ce vin en tout début de maturité. 

Pascal me demande mon verdict : 1- le Cèdre 2- Clos d'un jour 3- Triguedina 4- les Laquets. Qui s'avère le même que lui.

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Avec ces vins rouges puissants, nous n'en sommes pas restés au burger de foie gras. Pascal a fait une recette provenant de mon blog : le boeuf aux cèpes en brioche. Le boeuf et les cèpes sont parfaitement cuits. Par contre la brioche n'a pas super bien levé ni cuit. Ce n'est pas bien grave. Tant que le boeuf est nickel, on se régale !

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Avec le fromage, Pascal a l'excellente idée de servir un Sancerre "les romains" 2006 de Vacheron. Une idée que beaucoup devraient copier. C'est fou ce que ça fait du bien d'avoir un vin frais, vif, croquant, évoquant la chair de pomelos. Ca vous nettoie le palais, réjouit les papilles. On repartirait presque pour une seconde verticale !

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Nous terminons le repas avec une tarte aux poires maison à la pâte fine et croustillante. Pour l'accompagner, un "vin" que je n'ai jamais bu : un vieux saké. La couleur est ambrée, proche d'un vieux liquoreux. Le nez est sur le caramel, l'encaustique, la pomme tapée. La bouche est toute douce mais dans un sens différent d'un vin de dessert français. On ne perçoit ni l'alcool, ni l'acidité, et encore moins de sucrosité. Il n'empêche que c'est rond, doux, sans aucune aspérité. Ca manque donc un peu de relief, de nervosité et de longueur. Un peu frustrant pour un franchouillard de mon genre. Mais correspondant certainement à l'esprit zen japonais. C'est vrai que plus zen que ce saké, c'est pas possible.

Après ce beau repas, Pascal m'a promené en voiture pour me faire voir les singles du Lot. Illustrations :

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Merci à Pascal et à sa femme pour leur accueil inoubliable !

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