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Charles Aznavour "A voix basse"

Par Gjouin @GilbertJouin

A 85 ans, Charles Aznavour s’autorise une petite halte dans un emploi du temps toujours aussi trépidant pour dresser une sorte de bilan global à la fois sur son propre parcours et sur l’évolution du monde qui l’entoure. Charles Aznavour, on le sait, n’a jamais eu sa langue dans sa poche. Alors, aujourd’hui, avec la liberté que lui confère son âge, il se gêne encore moins. Et, comme il a remarqué que plus l’on criait moins on était entendu, c’est A voix basse qu’il préfère s’adresser à nous. L’homme, comme le chanteur, sait à merveille utiliser sa voix de velours pour nous séduire, nous émouvoir, nous interpeller et nous convaincre.
A voix basse est un ouvrage très complet. Il nous propose un regard panoramique sur une destinée hors du commun.
Charles Aznavour revient sur son enfance, nous livrant des pages de sa vie que l’on connaît peu ou mal. « Mes classes, je les ai faites sur scène », reconnaît-il, assumant son statut d’autodidacte. Sa culture, il se l’est choisie et forgée tout seul, le plus souvent au gré de sa curiosité et de ses lectures. Grâce à ses parents, il a été immergé très tôt dans le monde de la musique et du cinéma. La radio a tenu également un rôle prépondérant dans son éveil… Charles Aznavour a débuté sur les planches dès l’âge de 9 ans, au théâtre. Mais pour lui, la comédie restait un art secondaire, avant tout un gagne-pain. C’est la chanson qui l’attirait. Grand admirateur de Charles Trenet, il lorgnait du côté des auteurs-interprètes. Il se sentait de leur famille. Il appréciait leur indépendance de ton et, s’appuyant sur leur modèle, il voulait imposer sa différence. Mais autant ses premiers interprètes furent conquis par ses chansons, autant les journalistes s’ingéniaient à focaliser sur son physique « ingrat »… Lui, convaincu de l’originalité de son talent, il continuait avec « opiniâtreté » à apprendre son métier… On sait aujourd’hui combien il a eu raison de s’obstiner car, allant « de galas en galères », il allait enfin être récompensé de sa ténacité. En 1954, à 30 ans, il connaissait enfin le succès et obtenait le noble statut de chanteur populaire.
Pourtant, dans cet ouvrage profondément autobiographique, Charles Aznavour ne se contente pas de parler de lui. Il se livre à de nombreuses réflexions et analyses sur le monde. Toujours « A voix basse », il envoie quelques coups de gueule, des indignations dignes de l’être qu’il a toujours été sans trop le montrer : un homme en colère ». Le privilège des anciens, c’est qu’ils peuvent l’ouvrir et il n’a pas l’intention de s’en priver.
Très attentif à l’éclosion des jeunes pousses de la chanson française, il joue à l’aîné en prodiguant quelques conseils avisés aux jeunes artistes, il s’attarde sur ces relations qui sont exacerbées à peine qu’on a du succès, la gestion des médias, des courtisans, des collègues, des proches. Il y a toujours danger à se laisser éblouir par les feux de la célébrité… Aznavour, lui, a toujours su prendre le temps de s’arrêter pour « faire le point ». Il a toujours entretenu l’admiration qu’il portait à ses aînés et, surtout, il a toujours respecté le public. Les valeurs sur lesquelles il n’a jamais cessé de s’appuyer sont la discrétion et l’humilité.
Au détour des pages, il évoque sa dizaine d’années passées auprès d’Edith Piaf, il raconte ses Etats-Unis, sa passion pour la photographie… En fait, il vivre énormément de lui-même, de ses rapports avec l’écriture et sa façon de travailler, à ses relations familiales d’hier et d’aujourd’hui, ses origines arméniennes, ses quarante-cinq ans d’union avec Ulla ; des quatre Aznavourian qu’ils étaient au départ au clan Aznavour qui s’est constitué autour de lui…
Enfin, il a encore l’insouciance de parler de l’avenir…
A voix basse est un ouvrage passionnant sur le parcours d’un homme qui fait intégralement partie de notre patrimoine. Avec beaucoup de recul, mais avec une certaine véhémence, il nous offre une auto-analyse d’une grande lucidité et un regard aiguisé sur le monde tel qu’il fut et qu’il est aujourd’hui.
A voix basse
Don Quichotte Editions. 17 €

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