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"Adieu à Berlin" de Christopher Isherwood

Publié le 02 mars 2010 par Colinzonska

Pour tous les fans de Berlin, le roman de Christopher Isherwood Adieu à Berlin est une petite perle. Il se rapporte à la vie de l'auteur anglais qui débarque à Berlin en 1928/29 et en repartira à l'arrivée au pouvoir des nazis.

Le narrateur Christopher arrive à Berlin pendant la République de Weimar. C'est avec une grande clairvoyance qu'il fait état de la situation économique et politique de l'époque et de l'état d'insalubrité des logements dans certains quartiers comme Hallesches Tor, à Kreuzberg. Il dépeint avec beaucoup d'humour ses expériences en colocation, notamment avec sa logeuse. A propos du personnage de la logeuse indiscrète, ces passages rappellent un peu la logeuse berlinoise de Max Aue, dans Les Bienveillantes de Jonathan Littel dont l'aspect prussien et la personnalité envahissante sont décrits avec un réalisme tragi-comique.

Une plaque commémorative témoigne du passage de Christopher Isherwood dans sa colocation berlinoise (Nollendorfstr. 17).

Christopher nous conte aussi son amitié avec Sally Bowles, une actrice anglaise un peu ratée, un rien déjantée et très superficielle. Les quartiers défilent : Charlottenburg, Schöneberg, Kreuzberg, beaucoup de similitudes avec le Berlin des années 2000. Grünewald est alors un quartier huppé composé de villas aux façades clinquantes, tout comme aujourd'hui.

Berlin by night, les bars mal famés, les descentes de police, les embrouilles avinées, tout pour se mettre dans l'ambiance folle de ce temps. Avec des propos à peine voilés, puritanisme de l'époque oblige, il raconte la relation houleuse d'un ami anglais de son âge, Peter Wilkinson, avec un plus jeune Allemand, Otto Nowak.

On est témoin de la sourde montée de l'antisémitisme au gré de conversations dans sa colocation ou de rencontres fortuites sur l'île de Rügen. Communistes et nazis s'affrontent dans le quotidien berlinois, scènes éprouvantes de violence. Les amis juifs de Christopher font l'objet de menaces anonymes. Non, le Berlin des années 30 n'est pas que flânerie et insouciance festive...

Extrait :

La pauvre Frl. Schroeder est inconsolable :
- Je ne retrouverai jamais un monsieur comme vous, Herr Issyvoo, toujours si exact pour le loyer... Je n'arrive pas à comprendre ce qui peut vous faire quitter Berlin, comme ça, tout d'un coup...
(...) La voici déjà en train de s'adapter, comme elle s'adaptera à n'importe quel nouveau régime. Ce matin je l'ai même entendue prononcer sérieusement "der Führer", en parlant avec la concierge. Si on lui rappelait qu'aux dernières élections de novembre dernier elle a voté communiste, elle s'en défendrait sans doute énergiquement et avec une parfaite conviction. C'est tout simplement qu'elle s'acclimate, en vertu d'une loi naturelle, comme un animal qui change de pelage pour l'hiver. Des milliers de gens pareils à Frl. Schroeder sont en voie d'acclimatation. Après tout, quel que soit le régime au pouvoir, ils sont bien obligés de vivre dans cette ville.



Je déconseille fortement la présente édition de Hachette Littérature, actuellement sur le marché, truffée de fautes résultant d'un simple scannage (style OCR) d'une précédente édition et d'une relecture des plus négligeantes, ce qui rend la lecture du texte très pénible. Vous trouverez sans problème sur Internet une édition de poche plus ancienne et d'occasion, certainement plus respectueuse du texte original et pour le plus grand plaisir de vos yeux. 

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