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Mine, tu crois que trop ressembler à ses parents, ça rend malheureux ?

Publié le 04 mars 2010 par Clarabel

Deux récentes lectures viennent se télescoper dans ma tête, avec leurs petites phrases qui cherchent à se brusquer les unes et les autres, des questions d'une part, des réponses de l'autre, c'est un peu le bazar mais ça me force à réfléchir et à discuter longuement avec ma propre demoiselle de fille. Nous parlons de notre relation, de notre lien qui est considéré par beaucoup comme fusionnel, et ce lien entre nous fait peur, moi la première. Je sens qu'il faut qu'entre elle et moi nous devons apprendre à nous détacher, à mieux nous séparer, à nous aimer autrement. Disons, je ne suis pas non plus comme la maman de Marcia, qui étouffe son enfant, qui copie-colle ses goûts, son style et son parfum pour n'être plus qu'une. J'additionne nos différences, certes ma fille est aussi façonnée à mon image, mais comme le souligne Clarika, c'est moi en mieux. Cette bafouille n'a nulle vocation nombriliste, ce sont juste quelques mots qui découlent de mes lectures, donc.

les_anglaises
Pour commencer, j'ai terminé le nouveau roman de Marie Chartres, à la jolie couverture rouge, et qui porte le titre facétieux : Les anglaises. En référence aux boucles folles, à cette chevelure sauvage et indomptable qu'a la petite Suzie, presque dix ans. J'ai d'ailleurs aimé y retrouver une petite fille qui avait le même âge que la mienne, c'était comme me dire, alors ça fonctionne comme ça une bestiole de cet âge... Bref. L'histoire de Suzie commence par un terrible constat : on lui a menti. Elle a forcément été adoptée. Pourquoi, comment. On ne le sait pas tout de suite. Et ce sont en tout seize lettres qu'elle adresse à Mine, probablement sa véritable mère, qui l'aurait abandonnée. Tout au long du roman, Suzie se remet en question, se juge dans les miroirs et juge aussi ses parents, elle devient farouche, renfermée, elle fait la tête et veut même se venger sur la vendeuse à la queue de cheval. On n'imagine pas à quel point ça se bouscule dans la caboche d'une fillette de cet âge, pourquoi ses folles anglaises lui mènent la vie dure. C'est dit, la vie n'est décidément qu'une sombre affaire capillaire. Dans le roman, on découvre aussi Marcia, j'en parlais ci-dessus, et c'est la meilleure amie de Suzie. Elle vit seule avec sa maman qui la couve trop. Et lorsque Marcia tombe malade, tout se complique. Suzie elle-même va plonger, elle se sentira plus perdue que jamais, jusqu'à l'arrivée de Tante Odile et son fer à lisser. C'est une merveilleuse petite histoire qui parle d'identité et de personnalité, d'indépendance et de reconnaissance, et aussi de ce que l'on voit avec les yeux ou le coeur, ce qu'on souffre de ne pas dire et ce qu'on entend parfaitement dans les silences... Beaucoup d'intelligence et de sensibilité derrière ce parcours d'une fillette qui ne manque pas d'imagination, mais qui justement va s'en servir pour comprendre ce qu'elle n'arrive pas à expliquer, et permettre ainsi à mieux cerner la vérité qui ne se voit pas toujours dans les miroirs.

Et parce que j'adore ce passage (entre autres) ...

La première fois que je l'ai vue, ce sont ses cheveux qui m'ont sauté au visage. Mine, ça ressemblait à une attaque orange. Elle est rousse, tellement rousse : je suis persuadée que, si les gens dans l'univers entier n'arrivaient plus à connaître la signification des mots, tous au même moment, et devaient tout réapprendre, eh bien, le monsieur chargé d'inventer le dictionnaire mettrait la photo de Marcia face à ce mot de six lettres et tout le monde comprendrait, c'est sûr.
Ce serait lumineux, comme définition.

Neuf de l'Ecole des Loisirs, 2010 - 100 pages - 8,50€
illustration de couverture : Gwen le Gac

L'autre roman est le coup de coeur du moment de mademoiselle ma fille, nous l'avons lu ensemble, tandis qu'elle s'extasiait et s'emballait en tournant les pages comme une folle, j'avais un avis plus réservé. J'ai bien aimé ce livre, mais je pense que c'est davantage pour l'enthousiasme qu'il a su susciter chez ma jeune lectrice.

ma_mere_est_une_etoile
Ma mère est une étoile, roman de Marie Leymarie, raconte une autre relation très fusionnelle entre une mère et sa fille. Allons donc. Laurie vit seule avec sa maman qui est danseuse à l'Opéra. C'est une femme précieuse, raffinée, qui consacre l'essentiel de sa vie et de son temps à sa passion, et à sa fille. Celle-ci est éperdue d'admiration, tout ce que dit, pense ou vit sa mère est le modèle absolu. Laurie calque sa propre existence sur celle de sa mère, le cerclé est fermé, on parle même d'un père qui serait parti aux Etats-Unis en ne voulant jamais connaître sa fille. Aucune place pour un élément extérieur, c'est vif et tranchant. Or, Laurie voit d'un très mauvais oeil la nouvelle liaison de sa mère avec le père d'un copain. D'abord elle n'y croit pas, puis elle se fâche, elle fait un tas de reproches (muets) à sa mère, elle trouve le couple mal assorti, elle ne cesse de critiquer cet homme, refuse de partir en vacances avec lui ou de manger au restaurant s'il s'y trouve. L'attitude de Laurie relève du pur égoïsme, jusqu'à ce qu'on comprenne que ce n'est pas totalement sa faute non plus. Elle a été élevée dans l'ombre d'une mère qui elle-même s'est façonnée une image de faïence et qui s'est entourée de barricades lorsque cela l'arrangeait. L'histoire de Laurie nous raconte la difficulté de grandir et de voler de ses propres ailes, de s'accepter telle qu'on est, sans se référer à quelqu'un d'autre. Laurie comprend qu'elle doit cesser de protéger sa mère et oser mener enfin une vie qui soit vraiment la sienne. En réussissant ce pari, elle se sentira mieux dans sa peau et acceptera aussi l'amour des autres. La fin est ouverte, mais il a fallu que je l'explique à ma demoiselle de fille.

Ce fut intéressant de voir qu'à travers cette lecture, deux regards se sont penchés. Et une discussion a suivi...

Tempo, coll. de Syros, 2009 - 128 pages - 5,90€
illustration : Ilya Green

dès 9-10 ans !


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