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Une lecture fine et alerte de concertos de Telemann

Publié le 07 mars 2010 par Philippe Delaide
L'ensemble orchestral Holland Baroque Society continue son périple discographique selon le principe même de cette formation sans chef, à savoir de demander à des instrumentistes sachant assurer une direction musicale de collaborer sur un programme spécifique. Sur son dernier enregistrement, la formation néerlandaise a eu la judicieuse idée d'inviter le flûtiste Alexis Kossenko, à la fois excellent concertiste et chef accompli, comme il l'a prouvé à plusieurs reprises avec l'ensemble polonais Arte de Suonatori.

Telemann Kossenko Holland Baroque Society Le disque est entièrement consacré à des pièces de Georg Philipp Telemann. Il s'agit ici d'une très bonne idée, compte tenu de la relative pauvreté de la production discographique consacrée à ce compositeur pourtant intéressant et, surtout, très attachant et inventif. Ce dernier excelle particulièrement dans l'écriture de la forme concertante et témoigne souvent, je trouve, d'une finesse et d'une élégance rares. C'est exactement ce que l'on pourra constater dans le programme de ce disque.
Comme le signale Alexis Kossneko dans le livret, même si la forme des concertos que l'on est amené à découvrir ici est plus assimilable à celle du concerto grosso, ils fournissent nombre d'occasion pour permettre aux individualités de se distinguer, en tout cas de dialoguer ou se confronter pour revenir au sens étymologique même du mot concerto, à savoir cette forme de dialogue entre plusieurs voix, sur fond de continuo.
La pièce la plus révélatrice de la subtilité avec laquelle Telemann opère cette articulation des diférents solistes, non sans malice d'ailleurs, est indéniablement le concerto en ré majeur TWV 53:D6 pour deux flûtes traversières (baroques), violon et violoncelle. Avec une imagination bien plus développée et beaucoup moins de contenance qu'un Johann Friedrich Fasch, Telemann propose un "conversation" enlevée et pétillante des instruments dès le Vivace d'introduction, splendide, coloré et lumineux.Une Sicilienne grave et méditative vient apporter une touche de mélancolie avant d'enchaîner sur un Allegro vif et rythmé pour finir sur une Gavotte s'imposant comme une danse malicieuse.
Le concerto pour flûte à bec et basson en fa majeur TWV 52:F1 s'inscrit, quant à lui, dès les premières mesures, sous le signe d'une forme de cantabile à l'italienne, avec la recherche cette fois d'une plasticité et d'une sensualité certaines. Le Largo d'introduction instaure donc d'emblée le climat général avec ses phrases étirées, presque langoureuses. Le mouvement le plus vivaldien de ce concerto est incontestablement le Grave (qui porte bien son nom tant il imprime d'emblée une tension incroyable). En effet, le miméstisme de ses premières mesures avec le style concertant du prêtre roux est particulièrement évident. Sur ce concerto, la complicité d'Alexis Kossenko et de la bassoniste Jane Gower est indéniable. Personne ne tire la couverture à soi.

Le plus beau mouvement de l'ensemble des concertos interprétés apparaît ensuite avec le court Largo du concerto pour deux flûtes traversières, hautbois et violon en si bémol majeur TWV 53:B2. Le dialogue entre les quatre instruments est d'une beauté et élégance rares. Le caractère assez solennel de ce concerto confère aux deux flûtistes un rôle de soutien avec la mise en avant plus affirmée du hautbois et du violon.

Le dernier concerto interprété, en sol majeur TWV 54:G1, le plus conforme à la forme du concerto grosso, se distingue par la virtuosité du Presto final, démarrant dès les premières mesures comme une sorte de bourrée.
Comme l'atteste la pièce proposée en introduction du disque, l'Ouverture en mi mineur TWV 55:E3, qui révèle quant à elle tout de suite son style français, la sélection opérée par les instrumenstistes de la formation Hollande Baroque Society et Alexis Kossenko permet de découvrir la diversité de styles et de climats que GF Telemann est capable de produire sur des oeuvres concertantes.
La direction d'orchestre nerveuse et alerte d'Alexis Kossenko lui permet également de bien mettre en valeur le caractère virtuose de certains passages assignés à la flûte. Je pourrais seulement par moment regretter des attaques sur les tutti d'orchestre un peu trop saillantes et agressives à mon coup. Compte tenu de l'excellent aptitude du chef et de son orchestre à rendre de multiples nuances, ce point n'a finalement rien de choquant dans la mesure où il traduit aussi la vigueur et la fougue d'un ensemble composé d'excellents jeunes instrumentistes qui aiment visiblement bien en découdre avec les embûches techniques que sème, l'air de rien, GP Telemann çà et là.
Disque très intéressant, de haute tenue et chaudement recommandé.

Extrait : Largo du concerto en si bémol majeur TWV 53:B2 pour deux flûtes, hautbois et violon.

GF Telemann - Concertos - Hollande Baroque Society - Direction et partie soliste à la flûte, Alexis Kossenko - label  Channel Classics.


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