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Anthologie permanente : Derek Walcott

Par Florence Trocmé

PENTECÔTE

Mieux vaut une jungle dans la tête
que du béton sans racines.
Mieux vaut rester perplexe
devant la rue sinueuse des lucioles ;
les lampes hivernales ne montrent pas
l’endroit où se perd le trottoir,
pas plus que ces langues de neige
ne peuvent parler pour le Saint-Esprit ;
le silence en pleine croissance
des mots s’égouttant d’un toit
indique les grilles métalliques,
une direction, à défaut de preuve.
Mais mieux vaut encore ce ressac nocturne
avec les lentes écritures du sable,
qui envoie non pas tant un séraphin
qu’un cormoran attardé
dont le cri affaibli avance
dans le haut-fond phosphorescent
que, dans les évangiles de mon enfance,
on appelait l’Âme.
SAUF-CONDUIT

Rilke fut emporté dans les cieux.
Puis ce fut le tour de Pasternak.
L’un fume avec le séraphin,
l’autre est revenu
cheminer dans les mares gelées
avec leurs saules aussi grands que des harpes,
sa mèche grise est celle d’un étalon,
son cœur pareil à celui d’Akhmatova,
à un cheval gris en hiver
qui, dans la neige épaisse et tourbillonnante,
alors que cette plage blanche devient plus blanche encore,
hennit et est ici.
Derek Walcott, La Lumière du monde, traduction de Thierry Gillyboeuf, Circé, 2005, pp. 181 et 179
Version originale des poèmes en cliquant sur « lire la suite de…)

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PENTECOST
Better a jungle in the head
than rootless concrete.
Better to stand bewildered
by the fireflies' crooked street;
winter lamps do not show
where the sidewalk is lost,
nor can these tongues of snow
speak for the Holy Ghost;
the self-increasing silence 
of words dropped from a roof
points along iron railings,
direction, if not proof.
But best is this night surf
with slow scriptures of sand,
that sends, not quite a seraph,
but a late cormorant,
whose fading cry propels
through phosphorescent shoal
what, in my childhood gospels,
used to be called the Soul.
SAFE-CONDUCT
Rilke was whirled into heaven.
After that, Pasternak.
One smokes with the seraphim,
the other has come back
to plod past frozen ponds
with their harp-wide willows,
his grey forelock a stallion's,
his heart like Akhmatova's,
like a grey horse in winter
that, through thick whirling snow,
as this white page goes whiter,
whinnies, and is here.


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