Comme chaque année, la journée de la femme a donné lieu à diverses manifestions organisées par des femmes, avec des femmes. Le Tour d’Horizon au Féminin ne dérogeait pas à cette règle. Orchestré par l’association Talent d’Artistes et le Service Jeunesse de la Courveuve, ce festival réunissait toutes les sphères du Hip-Hop au Centre Culturel Jean-Houdremont. Au programme : graffiti, danse, chant et dee-jaying. Les talents locaux côtoyaient des talents émergeants tels que Character Soul (trio repéré notamment lors du télé-crochet X-Factor) et des plus renommés comme K-Reen et Black-Barbie.
Parmi les danseuses, deux groupes ont attiré mon attention. Tous deux incarnaient différents aspects de la féminité.
Aduna
Issu de l’association Racines, Aduna (le monde, en Wolof) est un groupe composé de six filles, qui propose des spectacles métissés, loin des clivages du hip-hop, de la danse africaine, ou autre. Leur danse est influencé par tout ce qui les entoure, un véritable culte du mélange.
Déhanchés, mouvements sensualisés et énergiques, leur corps de femme, ou de femme en devenir, est un outil d’expression décomplexé qui les raconte. Considérant la danse comme un univers qui a toujours été féminin, il leur est difficile d’exprimer une quelconque évolution du statut de la femme.
Elles notent cependant que le monde de la musique souffre encore d’un manque, notamment dans le rap, où dès qu’une femme émerge, ça devient particulier, comme si elle devait se justifier de faire ce qu’elle fait. Et cette journée est pour elle l’occasion de rappeler qu’elles n’ont pas à se justifier, qu’elles sont là, tout simplement.
4RealEffect
Ces quatre jeunes filles qui se sont rencontrés en cours de danse, sont ce qu’on appelle des B-Girls. Elles ne tournent pas sur la tête mais pratiquent le hip-hop debout, influencé surtout par le voging et le poping.
Dans un milieu que l’on peut penser très macho, elles affirment n’avoir jamais rencontré de problèmes liés à leur sexe. Il est vrai que depuis longtemps les femmes ont fait leur trous dans le milieu de la danse hip-hop et que personne ne semble dérangé. Pourtant, moi, je perçois une différence. Au début, les B-Girls étaient plutôt « masculines ». Grands tee-shirts, casquettes, des sortes de garçons manqués, regardant les filles en talons comme des ovnis trop sexuées. Aujourd’hui, avant de commencer leur prestation les 4RealEffect passent par la case make-up. Certaines de leurs compatriotes ont même troqué leurs fameux jogging contre des slims. Certains garçons également, alors pourquoi se priver ?! Le large n’est plus l’uniforme du genre.
Alors tout semble aller pour le mieux dans le Hip-Hop World ! Les danseuses sont à l’aise, les graffeuses reconnues (merci à Miss Van et Fafi, entre autres bien-sûr), et de plus en plus de femmes se retrouvent sans complexes derrière des platines.
Et la musique ? La musique semble être à la masse, encore. Car comme me l’ont confié K-Reen et Black-Barbie, le rap manque cruellement de femmes. Certes il y a Diam’s. Mais qui d’autre ? Qui squatte les charts, qui parle au plus grand nombre ? Toutes d’eux s’accordent à dire qu’il fut pourtant une époque où les filles étaient plus présentes : Sté, La Vip’R, Princesse Aniès… des rappeuses aujourd’hui disparues.
Et la relève ? D’après Black Barbie, la relève existe bel et bien, mais à l’heure d’internet où chacun donne son avis, encense ou descend tout le monde, il est plus difficile d’avancer. Ce ne serait donc plus la faute des hommes si les filles n’émergent pas dans l’univers rap ? Un peu, car les mentalités n’ont pas réellement évoluées, une rappeuse est toujours montrée du doigt et attendue au tournant, mais comme le dit K-Reen, « les filles ne doivent pas attendre la permission ». La règle reste donc toujours la même, se prendre en main, faire ce qu’on a à faire, en dépit des barrières qu’on semble vouloir nous imposer.
Quelque chose pourtant me dérange. Ces mots, je les entends depuis mon enfance. J’ai parfois l’impression qu’on chercher à nous inculquer ce qu’est une femme, ou ce qu’elle doit être et faire, à travers des phrases toutes faites. Mais la vérité, c’est que la féminité s’apprend comme on apprend la vie, à force d’erreurs et de remises en question. Il faudrait plus d’une journée pour en comprendre les paramètres, les enjeux mais aussi les pièges.
Cette journée de la femme était à la base le moyen de se souvenir que dans le monde, certaines ne sont pas libres, sont bafouées, maltraitées, tuées, comme des moins que rien, parce que considérées comme le sexe faibles. Je regrette qu’on ne parle pas plus de ça à ces jeunes filles qui se construisent, mais aussi aux garçons qui ont également leur rôle à jouer.
Peut-être que le jour où les hommes prendront en main l’organisation de la journée de la femme, pour des femmes, je me dirais qu’on a vraiment avancer.