Une dame d’un certain âge, fanée par les années, courait à perdre haleine en cette journée de printemps frileuse, propice aux amoureux.
Soudain, elle fit halte devant l’échoppe du fleuriste. En hâte, elle rajusta son chignon et s’avança vers le mignon petit garçon qui gardait la boutique. La dame avait l’air essoufflé
et semblait ne pas trop savoir ce qu’elle désirait. L’enfant, calme, la regardait tout en confectionnant de ses doigts délicats un bouquet de fleurs chamarré.
D’une voix évasive et suppliante elle dit au garçon qu’elle voulait accompagner de fleurs un billet doux pour son ami. L’enfant lui sourit tendrement et lui répondit presque en chuchotant :
_Vous savez, madame, les fleurs possèdent leur propre langage et ce langage parle au cœur de façon plus profonde que tous les billets doux. Voilà dix roses pour l’amour, neuf lilas pour l’amitié, huit boutons d’or pour votre joie et sept bleuets pour la timidité. Voilà six lavandes pour un brin de tendresse, cinq rhododendrons pour l’élégance, quatre belles-de-nuit pour la discrétion, trois perce-neige pour l’épreuve, deux jonquilles pour la mélancolie, enfin, un souci s’il vous fait du chagrin.
La dame remercia l’enfant en lui posant un dahlia au creux de son gilet puis s’en alla.
En cette journée de printemps ensoleillée, propice aux amoureux, une dame d’un certain âge, heureuse, flânait cheveux au vent, sur le chemin, un bouquet à la main.
Et sous le ciel bleu oranger, les passants qui la connaissaient en la voyant passer se disaient qu’elle ressemblait à une fleur de lys tant son visage avait changé.