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Comment peindre un homme mort de Sarah Hall

Par Sylvie

GRANDE-BRETAGNE
Comment peindre un homme mort
Editions Christian Bourgois, 2010

Sarah Hall, jeune auteur britannique, avait été remarquée par la critique en France en 2004 avec la parution du Michel Ange électrique, le portrait passionné d'un tatoueur professionnel qui tombait amoureux d'une artiste de cirque, souhaitant qu'on lui tatoue tout le corps...Passionnante plongée dans l'univers de l'art des rues.
Avec Comment peindre un homme mort, la jeune écrivain renoue avec le monde de l'art avec un récit à quatre voix de quatre destins croisés. Le point commun de ces vies qui vont se rejoindre à un moment donné : le rapport à l'art. Un vieux peintre italien, malade, vivant en solitaire avec sa servante dans sa maison de campagne ; ses motifs favoris sont les bouteilles. Il incarne la tradition, la peinture de la réalité. Il y a ensuite, Susan, photographe, qui vient de perdre son frère jumeau.
Puis vient Peter, artiste à la marge, vivant au milieu de sa famille mais toujours prêt à un scandale.
Enfin, Annette, la petite fleuriste aveugle, qui apprivoise tous ses sens et est aussi passionnée par le dessin.
Quatre personnages, quatre chapitres qui s'entremêlent : " La crise du miroir(Susan), Le journal aux bouteilles (le peintre), Le fou sur la colline(Peter) et
La vision divine d'Annette Tambroni.

A chaque fois, on passe du monde anglo-saxon au monde méditerranéen, de l'Angleterre à l'Italie.
Les histoires et les personnages se dévoilent peu à peu ; il n'y a pas d'indications temporelles, c'est à nous de déduire cela.
Si, au début, le lecteur est complètement désorienté et ne comprend pas les rapports entre les personnages, il doit persévérer car le jeu en vaut la chandelle ; l'écriture magnifique mêle l'intimité des personnages à des descriptions splendides de paysages ; tout est dans la sensation, le ressenti.
Les différents personnages se sont à un moment influencés ; mais là n'est pas l'essentiel ; il s'agit d'examiner très subtilement notre attitude face à la mort et à la vie, ces "serre-livres sanguinolents" : comment apprivoiser une terreur, une peur, une angoisse : ce livre interroge notre vie et sa fragilité première, le fait d'être au monde et de devoir faire face à la bête, au mal : la mort pour le peintre italien, la cécité pour Annette, la douleur physique et morale suite à un accident pour Peter, le deuil pour Susan.
Au centre de tout ça, l'image, celle des bouteilles ou de la Bestia, cette allégorie qu'Annette se figure, quittant le tableau de l'Eglise, et la poursuivant, ombre menaçante.
Vanités, chagrin puis peur et terreur : des parcours initiatique pour voir au delà.
Les plus beaux récits sont sans doute celui de Peter, qui voit rédéfiler son passé suite à une mauvaise chute, alors que son pieds est coincé sous un rocher et celui d'Annette, qui apprivoise ses sensations olfactives et tactiles (magnifiques descriptions de fleurs et sensations méditerranéennes) mais qui est tout à coup poursuivie par la Bestia, image de toutes ses peurs face à la cécité. Face à la terreur, Annette verra au-delà.
Oeuvre qui se laisse apprivoiser petit à petit, remarquablement maîtrisée.
"
Annette voit tout cela et elle voit au-delà. Elle voit au travers du monde solide fait de briques, de pieds de chaises et de poteaux télégraphiques, à travers la pesante substance des maisons et le corps des arbres, et il y a derrière chacun une petite lueur, un tison qui palpite. Une émeraude brille à côté du cyprès, les nuages miroitent d'une luminescence de nacre. Les spirales de fer du portail renferment l'esprit orange de la fonderie."


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