Au Moyen Age, soumettre un prisonnier à la question signifiait le torturer : doux euphémisme ! Aujourd’hui
aussi, il peut arriver que la lecture de certaines questions constitue une douloureuse épreuve : pour le candidat malchanceux à un examen, ou même pour le convive des bombances gastronomiques que
nos foies viennent de traverser.
Car il n’y a pas que dans les huîtres que l’on trouve des perles : dans les Apéricubes aussi. Amère étude : le
fromage de l’inexpressif. Peut-être avez-vous remarqué en l’espace de quelques décennies une inquiétante évolution des questions figurant sur les petits cubes argentés. Une dérive qui pose
question, justement.
L’histoire et la littérature ont presque entièrement disparu au profit du sport et du show-business. Afin de
divertir les oiseux grignoteurs, ce n’est plus le Petit Robert qu’épluchent les rédacteurs de ces pelures d’aluminium, c’est le programme télé !
Pour notre contemporain moyen, la culture, ce n’est pas avoir une vague idée des pépites d’or de l’intelligence
humaine qui sont parvenues à nous éclairer et nous construire par delà l’écume des siècles.
C’est connaître les derniers résultats sportifs ou les paillettes de pourriture télévisuelle qui auront rejoint
le néant absolu que mérite leur inanité dans moins de dix ans au mieux. Henri IV ou Balzac n’ont aucune chance contre le dernier présentateur de la Star’Ac.
«O tempora, o mores ! Sic transit gloria mundi*. »
Les historiens savent bien que les déchets sont très révélateurs des civilisations qui les produisent. Avec
notre société, les archéologues seront servis en abondance : dis-moi ce que tu jettes, je te dirai qui tu es.
Pour connaître l’homme, sondez les reins et les cœurs.
Pour comprendre le consommateur, videz cendriers et poubelles.
Anne Paulerville
* « Ô temps, ô mœurs ! Ainsi passe la gloire du monde. »
Publié dans l'Hebdo du Vendredi le 8 janvier 2010