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Couleur café

Par Clarac
Je suis ni blanche, ni noire. Même si ma peau a la couleur du mélange, le sang qui coule dans mes veines est rouge comme celui de tout le monde. En 1998, j’ai eu le droit à ma première réflexion raciste.
-Tu es comme les singes, tes mains sont noires sur le dessus et blanches à l’intérieur !
Le garçon qui m’avait crié ça à la récréation cranait fièrement avec l’attitude d’un p‘tit chef entouré des trois copains. J’étais à seule à avoir la peau mate à l’école de la liberté, égalité, fraternité. On me l’a bien fait remarquer. Je crois que c’est à ce moment là que j’ai pris conscience de ma différence. En fait, ma famille n’est pas conforme. Pour les cases types de l’administration et pour les autres. La différence dérange, inquiète, entraîne des regards soupçonneux dans un monde que l’on veut standardiser. Ma mère a joué au jeu de l’oie plutôt que de suivre la route conventionnelle : études-mari-travail -enfants. Elle est passée par toutes ces cases dans le désordre ou alors elle a atterri plusieurs fois sur la même.
Nous sommes une famille recomposée, mon père n’est pas mon père, ni celui de ma sœur, et cette dernière est blanche. Ma mère a accumulé les flops sentimentaux tandis que ses amies collectionnaient les amants, et affichaient leurs conquêtes comme des trophées de chasse. Elle qui croyait au prince charmant s’est plantée en beauté dans la jungle des déceptions.
A l’origine, il y avait peut-être Dieu, mais il y avait aussi l’Ile aux enfants et Candy ce qui a donné beaucoup de cœurs d’artichaut et de fleurs bleues. Enfin, c’est la théorie de ma mère…
Depuis cette première remarque, j’ai dû me forger une carapace et esquiver la curiosité des autres.

Tu a as été adoptée ? Pourquoi tes parents sont blancs et toi tu es métisse ? Mais ta sœur, c’est pas pas ta vraie sœur, dis-moi ?

Au début, je me contentais de répondre par des « c’est pas tes affaires » mais les questions revenaient de plus en plus en plus souvent sur toutes les lèvres. J’ai révélé à mes meilleures copines mon secret comme je l’appelais. Le lendemain, la moitié de l’école primaire était au courant.
Les remarques ont repris de plus belle. Pour ne pas blesser ma mère, je ne lui en ai jamais parlé. Les gamins la traitaient de salope. Tout ça, parce que ma sœur et moi n’avions pas le même père. Oh oui, j’en ai souffert... Je nous observais dans la glace ma sœur et moi : mes cheveux noirs et ondulés, ma peau mate contrastaient avec ses cheveux châtains clairs et son teint de porcelaine.
Arrivée au collège, j’ai pensé que les choses allaient changer.
En cinquième, un garçon a refusé de s’assoir en classe à côté de moi. Il a eu un mouvement d’hésitation et d’un regard dédaigneux m’a craché son venin « les noirs ça pue ». Toute la journée, je me suis retenue pour ne pas pleurer. L’école où le caté était enseigné avait oublié la tolérance.
Quand ma mère l’a su, c’est elle qui a pleuré…
L’année dernière, un petit fils de Commandant de la Marine m’a traité de « négresse . Je lui ai répondu que l’époque du colonialisme était terminée depuis longtemps. Il s’est senti bête. J’ai rigolé, j’avais trouvé une parade.
On a beau être en 2010, il faut savoir se défendre quand on a la peau foncée.

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