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Une fois posés l’origine et le terme, il convient d’observer le contenu.
Preuve s’il en fallait qu’une chose est irréversible, c’est que nous avons inventé le temps.
L’univers, l’état de nature se moquent totalement de l’existence de cette horloge qui marque notre écoulement lent vers le vide.
Notre suprême intelligence a décidé de marquer chaque instant, de marteler le passage des saisons et des minutes.
Chaque heure qui passe nous invite à regarder en arrière, à regarder en avant.
Et nous fait oublier de vivre le temps présent.
Nous nous étonnons de courir quand la course est comprise dans la diabolique invention qui nous invite à l’oubli de l’acte, posé ici et maintenant.
Nous nous berçons de grandes idées, nous nous fuyons pour ne point reconnaître que nous ne savons guère vivre.
Une fois posés le début et la fin, le contenu se façonne chaque seconde.
Chaque parcelle perdue de ce temps qui rythme nos vies l’est irrémédiablement.
C’est le lot de notre état biologique d’évolution.
Elle scelle l’impérieux besoin d’être toujours unique et différent.
Et il en est parmi nous qui cherchent à arrêter l’implacable machine.
Regardez-les : ils cherchent à définir une impossible identité qui toujours s’enfuit, ils posent des barbelés aux frontières, font dormir en des guérites vaines les gardiens d’un temple voué à sa destruction.
D’autres appellent de leurs vœux l’immanquable révolution qui les ferait revenir à leur point de départ.
Il en est donc d’immobiles, et d’agitateurs.
L’un et l’autre se retrouvent dans la même faiblesse endémique qui appauvrit toujours les mêmes, prive de libertés la majorité, réduit icelle en un esclavage démocratiquement consenti.
Il ne reste qu’à attendre un Toussaint Louverture, un Gandhi, un Bouddha, un Jésus, un Che Guevara, les deux apôtres de l’immobilisme les enjoignant d’être patients.
Il n’est alors que de voir le début et la fin, et de savoir que notre tâche est de remplir le tonneau de la vie du meilleur nectar, pour comprendre que nous détenons de fait tous les pouvoirs, le reste n’étant que libre consentement à se doter de structures collectives.
Tout ne vient pas d’en haut.
Notre tâche, dans cette spirale qui nous mène de vie à trépas, est immense.
Car, parfois, le tonneau fuit, et l’étoupe pour en colmater les brèches se fait rare, à trop être capitalisée entre les mains crochues des possédants.
Notre tâche est affaire de conscience. Et la première est de nous considérer mortels, quel que soit le terme.
Quitte à mourir, autant que ce soit dans l’ivresse d’une existence bien remplie.
Manosque, 16 février 2010
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