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Turner ou l'eclat insolite de la lumiere

Publié le 19 mars 2010 par Abarguillet

TURNER OU L'ECLAT INSOLITE DE LA LUMIERE   William TURNER  1775 - 1851 *


L'exposition au Grand Palais, consacrée à " Turner et ses maîtres ", est sans nul doute l'événement culturel et artistique le plus important de ce début d'année 2010 et a, pour mérite, de nous familiariser avec  le cheminement du peintre avant que ce dernier ne trouve son propre style. Celui qui, selon Delacroix, avait l'air d'un fermier anglais, assez grossier et à la mine dure et froide, n'a jamais cessé d'intriguer, non seulement ses contemporains, mais le monde de la peinture en général et, ce, jusqu'à ces tous derniers temps. En somme, Turner était descendu au tombeau avec son mystère comme une sorte d'artiste sauvage au génie involontaire. On disait même, à son propos, que ses oeuvres étaient celles d'un grand esprit qui a sombré. Et puis il restait le fils d'un barbier de Londres, un rustre, formé sur le tas, et ne payant pas de mine.La critique l'accusera de tout ou de presque tout, entre autre de vouloir noyer la tradition dans les remous sanguinaires et solaires de sa palette ; un siècle plus tard, en plein XXe siècle, le balancier s'inversera, sans nuance excessive. Aussi cette magnifique exposition, qui a nécessité une somme de recherche et de travail considérable, réhabilite-t-elle le petit homme dont les formes indéterminées, les ciels tempétueux, les lueurs magiques avaient eu, pour conséquence, de désorienter le public, et nous le fait-elle apparaître enfin comme l'un des plus grands génies de l'art. Car le souci premier des organisateurs ne fut pas le simple plaisir de rapprocher Turner de ses maîtres, mais de le situer dans le temps et, par la même occasion, de l'associer à l' immense héritage du passé.


TURNER OU L'ECLAT INSOLITE DE LA LUMIERE

Autour de 1800, alors qu'il rejoint les rangs de la Royal Academy, Turner ne cache pas encore ses dettes à l'égard de ses aînés, bien au contraire. Une part de sa clientèle retrouve à travers ses tableaux, et à bon compte, le charme, devenu inaccessible financièrement, de la peinture d'antan. Et très vite, quelques amateurs éclairés vont commencer à croire en lui et le libérer de la nécessité d'imiter les modèles chers à ses prédécesseurs. Le premier de ses mécènes sera William Beckford, qui jouit d'une immense fortune, et rédige des contes fantastiques dans son château néogothique. Il va payer le prix fort quelques oeuvres de toute première importance, dont " La cinquième plaie d'Egypte", où l'artiste ne craint pas de rompre l'échelle des perspectives et d'user des contrastes de lumière. Il s'applique à traduire son romantisme en déséquilibrant volontairement la représentation des choses, agitant ses toiles d'un délire extatique et organisant ainsi la mise en scène d'un monde soumis à la violence la plus extrême.  Désormais plus rien ne l'arrêtera. A trente-cinq ans, il est devenu le peintre du vertige, du terrible, d'un chaos somptueusement orchestré. Deux séjours prolongés à Venise, la cité crépusculaire des doges, en  1833 et 1840,  vont lui permettre de rompre les ultimes amarres et nourrir son imagination. Autant qu'à ses exigences personnelles, il entend coller aux attentes des nouveaux touristes, lecteurs de Shakespeare et de Byron. Progressivement, il substitue au motif lui-même son rayonnement solaire ou sa lente désagrégation. Ruskin, qui sera son plus fervent avocat, écrira : " Pour qu'une oeuvre complètement terminée atteigne à la grandeur parfaite, il y faut quelque chose d'indistinct ".
Avec Turner l'indistinct a pris définitivement la pas sur le distinct, alors même que le réel s'abime davantage dans une aura hallucinée ou les eaux glauques d'océans fantômes, limites devenues mobiles d'un génie qui présuppose le futur après avoir démodé le présent. Sa lumière insolite a fini par dévorer celle de ses maîtres, les Poussin, Lorrain, Piranèse, Van de Velde et sa nature déchaînée anéantir leurs frais bocages.

*  Exposition " Turner et se maîtres " au Grand Palais du 24 février au 24 mai 2010

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