Magazine Culture

Sylvia – Leonard Michaels

Par Livraire @livraire

Christian Bourgois
Traduit de l’anglais par Céline Leroy
Titre original : Sylvia
ISBN : 978-2-267-02061-8

sylvia_leonardmichaels
Quatrième de couverture :
Leonard Michaels rencontre Sylvia Bloch en 1960 et l’épouse deux ans après.
Leur relation passionnelle se termine tragiquement un soir de 1964. Ce n’est que trente ans plus tard qu’il décide de faire le récit quasi clinique de ce premier mariage. Dans Manhattan alors en plein bouleversement, le couple croise et se mêle à des cohortes de marginaux et d’intellectuels – de Miles Davis à Jack Kerouac, en passant par Lenny Bruce.

Mon avis :
J’ignorais totalement qui était Leonard Michaels avant que Christian Bourgois ne publie Sylvia et Conteurs, menteurs. L’article publié dans Le Monde qui a, si j’en crois les réponses des clients à qui j’ai posé la question, poussé tant de monde à se précipiter dans les librairies pour demander Sylvia (moins souvent Conteurs, menteurs) m’a fait ignorer le premier ouvrage et lever un vague sourcil à l’évocation du second. Il est plus que probable que je n’aurai jamais lu ni l’un ni l’autre si une certaine personne (à qui je dois d’avoir lu Le Diable déguisé en belette) ne m’en avait pas parlé avec brio.

C’est moins la littérature que le contenu, moins la maîtrise de la langue, du verbe que la description médicale de la folie de Sylvia qui me laisse ici une impression durable. Le livre en lui-même se lit facilement, d’une traite, à l’instar de bons nombres d’ouvrages de littérature américaine contemporaine, dont les écrivains utilisent les méthodes d’atelier d’écriture qui ont fait leurs preuves. Certes, on est loin de Faulkner, mais le résultat est souvent tout à fait honorable et souvent plus digeste que certains de nos contemporains français qui excellent à confondre écriture et masturbation intellectuelle.

La description de la folie de Sylvia, de l’évolution de son état qui se dégrade progressivement, de ses crises de violences jusqu’à son suicide -mais s’agissait-il d’un suicide réellement voulu, ou bien d’une nécessité de se sentir secourue supplémentaire ? Nul ne le saura jamais.- D’une manière détachée, presque étrangère à cet épisode de sa vie Leonard Michaels raconte son quotidien auprès de cette femme, les moments de bonheur, malgré tout, et les inexplicables crises, toujours plus graves, toujours plus imprévisibles. Peu à peu, on le voit devenir une sorte de paria, au sein de son couple où il redoute en permanence le moindre geste de sa part qui provoquera l’inévitable séisme de violence de la part de la jeune femme, au sein de sa famille, de ses fréquentations. On sent la honte cet homme, jeune, trop pour parvenir à gérer la situation (mais une telle situation est-elle seulement « gérable » ?), trop inexpérimenté pour réaliser à quelle point la situation est grave, et il n’y parviendra qu’une fois arrivé au point de non-retour.

Rarement j’ai lu une description aussi réelle, aussi précise de ces crises de rage destructrices, et en même temps, une telle pudeur dans le choix des mots. Il n’y a dans ce texte, aucune rancœur, aucune volonté de régler ses comptes, aucun jugements de la part du narrateur. Les faits sont posés et décrits avec une minutie qui touche au rapport médical, et sans doute n’en sommes-nous pas loin. Au récit fait trente ans après les faits, s’intercalent des extraits du journal que l’auteur s’était mis à tenir, comme pour garder un témoignage fiable de ces années aux évènements aussi violents que surréalistes. Ceci étant posé, je ne peux m’empêcher de me demander ce qui a conduit autant de gens à lire ce livre. Est-il possible d’en parler en le jugeant « bon » ou « médiocre » voire « mauvais » ? A partir du moment où il est question de littérature, on induit forcément une certaine notion de fiction. Mais à quel moment cette fiction s’arrête ? Peut-on utiliser les mêmes mesures pour parler, par exemple de La cloche de détresse de Sylvia Plath, pour reprendre l’exemple d’un récit mettant en scène une héroïne suicidaire et qui, par bien des aspects, ressemble à son auteur et ce récit, dont il est dit explicitement qu’il met en scène des personnes existant ou ayant existé pour reprendre la formule consacrée ?
Que, parmi les lecteurs, certains aient, en raison de leur histoire personnelle, une motivation à lire ce livre, soit. Mais tous les lecteurs ? A quel moment la curiosité cède la place au voyeurisme ou au désir de se rassurer sur une hypothétique normalité ?


Classé dans :américaine, Littérature Tagged: Années 60, Christian Bourgois, Folie, Mort, New York, Relation de couple, Suicide, Violence


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Livraire 180 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines