Jean-François GILLES, dit COLSON (Dijon, 1733-Paris, 1803),Le repos, 1759.
Huile sur toile, 93 x 73 cm, Dijon, Musée des Beaux Arts.
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Pauvre Telemann. Alors qu’affluent, chaque mois,
les enregistrements consacrés à Johann Sebastian Bach, ceux dédiés au director musices de Hambourg se comptent, chaque année, presque sur les doigts de la main. C’est dire si on fera
fête au deuxième disque du Bach Concentus, le premier qu’ils consacrent entièrement à Telemann, le précédent, d’ailleurs excellent (Accent ACC 24198, cliquez ici), l’ayant vu partager l’affiche avec Johann Bernhard Bach (1676-1749). On ne fera au nouveau venu qu’un seul reproche, celui d’un titre,
« O woe ! O woe ! My canary is dead », qui focalise l’attention sur la Cantate sur la mort d’un canari connaisseur d’art et ne rend donc pas
totalement justice à la richesse de son contenu, que je vous propose de découvrir aujourd’hui.
Comme très souvent avec Telemann (portrait ci-dessous, gravé par Georg Lichtensteger, c.1740), la datation des pièces proposées ici est pour le moins incertaine. Hormis la Cantate oder Trauer-Music eines kunsterfahrenen Canarien-Vogels (Cantate ou musique funèbre pour un canari connaisseur d’art) de 1737, année dont l’automne vit le début du séjour parisien du compositeur, les autres pièces semblent dater soit de la période de Francfort sur le Main (1712-1721), soit de la première décennie de celle de Hambourg, qui la suivit immédiatement. Elles apportent une preuve supplémentaire de l’insatiable vitalité créatrice de Telemann, ainsi que de sa capacité à transformer en art le banal, le quotidien, le populaire, en brodant des œuvres merveilleuses sur des sujets a priori aussi insignifiants que la mort d’un oiseau chanteur, la sensualité débordante d’une jeune femme aspirant aux plaisirs promis par le lit conjugal (Cantate Der Weiber-Orden), ou les pantalonnades de la Commedia dell’arte (Ouverture burlesque).



Ce merveilleux disque, s’il confortera sans doute dans leur opinion ceux qui estiment encore que ce Telemann prompt à la facétie et ne dédaignant pas de cultiver la légèreté, n’est décidément, surtout comparé au grand Bach, ou, du moins, à l’idée qu’ils s’en font, pas fréquentable, ravira sans aucun doute les autres, qu’on espère plus nombreux, pour lesquels la volonté affichée de plaire et de distraire n’est nullement incompatible avec le sérieux du métier et la constance de l’inspiration. Le Bach Concentus réalise, avec ce second album, un parcours sans faute qui le confirme comme un des ensembles avec lesquels il faudra désormais compter pour l’interprétation de la musique de Telemann. On espère vivement une suite.
Georg Philipp TELEMANN (1681-1767), « O woe ! O woe ! My canary is dead », cantates profanes (TWV 20 :37 et 49) et Ouvertures (TWV 55 :C2, C5 et B8).
Dorothee Mields, soprano.
Vinciane Baudhuin, hautbois.
Bach Concentus.
Ewald Demeyere, clavecin & direction.

Extraits proposés :
1. « Ouverture burlesque » en si bémol majeur pour cordes et basse continue, TWV 55 :B8 : Ouverture.
2. Cantate oder Trauer-Music eines kunsterfahrenen Canarien-Vogels (Cantate ou musique funèbre pour un canari connaisseur d’art) pour soprano, cordes et basse continue, TWV 20 :37 : Aria « O weh ! O weh ! mein Canarin ist tot » (« Hélas ! Hélas, mon canari est mort. »)
3. Ouverture en ut majeur pour hautbois, cordes et basse continue, TWV 55 :C2 : Air.
4. Cantate « Der Weiber-Orden » (L’Ordre des femmes) pour soprano, cordes et basse continue, TWV 20 :49 : Aria « Ei wie würdet ihr nicht lachen » (« Eh, qui n’exulterait pas »).
5. Ouverture « La Bouffonne » en ut majeur pour cordes et basse continue, TWV 55 :C5 : Les Boiteux.
La photo du Bach Concentus est d’Els Decock, © Bach Concentus.
