Magazine Culture

Vincennes : Dans un immeuble chic, des réfugiés en zone hostile

Publié le 22 mars 2010 par Petistspavs

J'avais publié il y a quelques jours in extenso et sans trop de commentaires un article de Libé qui rapportait un invraisemblable jugement ayant condamné à 8000 € de dommages-intérêts une propriétaire ayant loué, via France Terre d'Asile, son appartement de Vincennes à des personnes réfugiées, à la suite d'une plainte de co-propriétaires bien intentionnés. Libé est revenu sur cette affaire qui m'avait valu un commentaire haineux d'un de ces bons français nostalgiques.

Voici donc la suite.

logo_libe2

22/03/2010 à 00h00

Dans un immeuble chic, des réfugiés en zone hostile

Justice.
A Vincennes, la propriétaire d’un logement loué à France Terre d’Asile condamnée pour atteinte aux règles « d’occupation bourgeoise ».

Par Victor Matet
L’ immeuble est situé dans un quartier résidentiel de Vincennes, près de Paris. Façade en pierres, allure de vieille demeure bourgeoise. Derrière une fenêtre du rez-de-chaussée, une femme au brushing impeccable téléphone, tout en scrutant avec attention son petit bout de jardin. Au deuxième étage, deux familles et un homme seul cohabitent depuis bientôt trois ans. Ce sont des réfugiés, logés temporairement par l’association France Terre d’Asile (FTA), qui loue l’appartement.

8 000 euros.
Le 19 janvier, la propriétaire de ce quatre pièces, Michelle R. (1) a été condamnée par le tribunal de grande instance de Créteil (Val-de-Marne) à verser 8 000 euros de dommages-intérêts au syndicat de copropriété pour non-respect des règles «d’occupation bourgeoise» édictées dans la charte de copropriété. Le bail n’a pas été résilié.
Michelle R. est sous le choc. Depuis qu’elle a loué son bien, les copropriétaires ont multiplié les recours pour faire résilier le bail.«Les habitants ne veulent tout simplement pas de réfugiés dans l’immeuble», dit-elle. C’est aussi ce que pense Claire B. (1), qui vit trois étages au-dessus de l’appartement de l’association. Elle est la seule à s’être opposée à l’action du syndicat de copropriété. «Ils leur reprochent de faire du bruit, moi je n’ai pas à me plaindre. Avant, un voisin organisait des fêtes jusqu’au petit matin, personne ne lui a fait de procès.» Une autre raison motiverait l’action en justice : «Ils ont peur que la présence de réfugiés dévalue les appartements.»
Bryan, 16 ans, vit avec sa mère, sa sœur et trois autres personnes dans l’appartement loué par FTA : trois chambres pour six et un salon en commun. «C’est mieux qu’à l’hôtel, dit-il timidement, mais les voisins ne disent jamais bonjour.» Quand il y a un problème dans l’immeuble, c’est toujours de leur faute. «Ils disent qu’on a jeté des mégots dans la cour, mais chez nous personne ne fume.» Sa mère balaie d’un revers toute accusation : «On n’est pas des bourgeois, mais on sait quand même vivre en société.»
La dame du rez-de-chaussée entrouvre sa porte : «Déjà, leur déménagement n’était pas ordinaire. Ils n’avaient même pas de valise, que des sacs plastique. Et avaient entreposé plein de matelas dans le hall. J’ai cru qu’ils allaient installer un dortoir.»Et l’été, se plaint-elle, «les enfants font du bruit car ils jouent dans la cour». Son mari est très contrarié : «On nous fait passer pour les méchants bourgeois racistes,alors qu’il ne s’agit que de faire respecter le règlement de copropriété.»
Morale.
France Terre d’Asile a fait appel et décidé de saisir la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde). L’association craint que la décision du tribunal fasse jurisprudence. A terme la location d’appartements privés pour les réfugiés pourrait devenir de plus en plus difficile. Fathia Mlati, l’une de ses responsables, qui entend bien continuer à trouver des logements, dénonce la morale de cette histoire : «Si vous voulez faire du social, il ne faut pas gêner la bourgeoisie
(1) Noms et prénoms sont modifiés.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Petistspavs 492 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Dossier Paperblog

Magazines