Bassui (1327-1387) est un maitre chan important.
Voici le récit de son satori :
"A sept ans, Bassui commença à donner des signes de sa sensibilité d’esprit. Au cours d’un service religieux dédié à son défunt père, il demanda au prêtre qui officiait : « pour qui sont ces offrandes de riz, de gâteaux et de fruits ? » « Pour ton père, bien sûr », dit le prêtre. « Mais mon père n’a plus ni corps ni forme. Comment pourrait-il les manger ? » Le prêtre répondit : « Bien qu’il n’ait plus de corps visible, son âme recevra ces offrandes. » Sur quoi l’enfant dit : « S’il existe une chose telle qu’une âme, je dois en posséder une dans mon corps. A quoi ressemble-t-elle ? »
… Une intense et incessante interrogation […] se poursuivait jusqu’à sa maturité — et jusqu’à son illumination.
A dix ans, nous dit-il, il était souvent éveillé par d’éblouissant éclairs de lumière qui illuminaient sa chambre, suivis par une obscurité oppressante…
… Sans cesse il se demandait : « Si, après la mort, l’âme connaît les souffrances de l’enfer ou les délices du paradis, quelle est sa nature ? Mais s’il n’y a pas d’âme, qu’est-ce qui en moi, à cet instant précis, voit et entend ? » Son biographe rapporte que Bassui passait souvent des heures à « repasser » cette question, dans un tel état d’oubli de soi-même, qu’il oubliait qu’il avait un corps et un esprit. Au cours d’une de ses méditations, il compris soudain que la substance de toute chose est le vide et qu’il n’y a rien, en fin de compte, que l’on puisse appeler âme, corps, esprit. Cette compréhension le fit éclater de rire et il se sentit délivré de son corps et de esprit.
Pour savoir s’il s’agissait là d’un véritable satori, Bassui interrogea plusieurs moines réputés, mais aucun ne put lui fournir une réponse satisfaisante… « J’ai vu que le fondement de l’univers est le Vide, mais qu’est-ce que ce quelque chose, en moi, qui voit et entend ? »
… Au cours de ses voyages, Bassui rencontre enfin le maître de zen grâce à qui allait ouvrir complètement « l’œil de son esprit », Koho-Zanji… Un jour celui-ci, sentant que l’esprit de Bassui état mûr, lui demanda : « Qu’est-ce que le Mu de Joshu ? » Bassui répondit par ces vers :
Les montagnes et les rivières
L’herbe et les arbres
Manifestent également Mu.
… Bassui eut l’impression qu’il avait perdu la racine de sa vue, comme un tonneau dont on aurait arraché le fond."
Et en effet, la vue se produit à partir de la vacuité. Elle n'a pas de
fond ; elle ne repose sur rien.
Comme un tonneau sans fond.
jlr