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Les 13 indices

Publié le 25 mars 2010 par Rendez-Vous Du Patrimoine
Les 13 indices
Cliché I. Rambaud
"Memento mori" (Souviens-toi que tu vas mourir) ou "Sic transit gloria mundi" (Ainsi passe la gloire du monde), au choix. Ces devises latines m'ont accompagnée toute la journée d'hier au point que malgré le printemps naissant, les petits oiseaux et les amoureux aux terrasses des cafés, je me suis posée bien des questions au fur et à mesure des indices découverts sur ma route.
Et j'en ai trouvé 13 ! Chiffre prémonitoire ?
Tout a commencé le matin de bonne heure à la gare de Lyon. Pas de métro ou presque. Explications suaves déversées sur les foules qui patientent au bord du quai : "En raison d'un incident technique...". On sait ce qu'il en est.
Les "incidents techniques" sont en général des suicides qui occasionnent "de fortes perturbations..." (1er indice).
Du coup, je décide de marcher plutôt que d'attendre un hypothétique wagon. Paris s'offre à moi, ses facades et son passé.Il fait beau, les passants sont encore rares, les voitures aussi. Je coupe par la place de la Bastille où je remarque la plaque rappelant le plan de la forteresse construite au XIVe siècle et détruite quand on sait (2e indice). Un peu plus loin, des panneaux multicolores aux logos ministériels indiquent que l'hôtel de Mayenne va être restauré et on se dit qu'il en a bien besoin. Mais attention, la partie la plus noire est justement celle qui doit être ... détruite parce qu'en fait récente, malgré son look XVIIe siècle (3e indice).A la place des Vosges, de grandes banderoles proclament sur les facades de l'hôtel de Sévigné que le droit au logement n'est pas appliqué et que les plus démunis peuvent investir les logements inoccupés (4e indice).
Les marquises d'autrefois donnaient de leur temps et de leurs fortunes pour des Vincent de Paul.
Je traverse le square central en passant devant la statue de Louis XIII (pas celle du XVIIe siècle, en bronze) mais celle qui la remplace depuis le XIXe siècle, en pierre (5e indice) et j'arrive rue des Francs-Bourgeois. Au moins la pierre ne se fond pas en canons.Là, au n° 39, je tombe sur l'immeuble de la "Société des cendres" (6e indice),  investi en 1859 par la compagnie des joailliers-bijoutiers. Je contemple ce cartouche d'ardoise qui me laisse perplexe quand au même moment, un passant me double et me jette : "Je suis petit-fils d'anarchiste espagnol !" (sic, 7e indice).
J'en suis restée encore plus perplexe car, plus de 70 ans après la Guerre d'Espagne, de tels propos proférés en pleine rue avec un air bravache m'ont semblé aussi incongrus que  la "Société des cendres" qui sur son fronton décoré de feuilles sculptées proclame toujours sa raison sociale malgré sa disparition réelle.Les statues, les monuments, les humains sont fugaces et fragiles, nous le savons mais toute cette fragilité est constamment contredite, combattue avec ardeur par nos proclamations, notre volonté de transmettre, d'hériter, de faire durer.Je passe sur la réunion de la journée (8e indice), le retour à la gare, la même, avec au passage cette remarque d'une passante qui tourne le dos au parvis (vient-elle d'arriver à Paris ?) et demande à sa compagne : "Est-ce qu'on est dans les temps ?" (9e indice), comme si elle devait courir le marathon.Dans le train, deux jeunes pompiers détaillent leur journée de formation, évoquent l'enseignante qui  leur fait cours et l'un des deux dit à l'autre : " Népotisme, c'est quoi ce mot bizarre qu'elle a dit. Demain, je l'ai déjà oublié !" (10e indice).
Les mots non plus ne tiennent pas la route, les plus rares s'évaporent.
 
Ils passent ensuite au temps qu'il fait (doux), au printemps qui "tient ses promesses". Celui qui me fait face en diagonale dit alors : "En juillet, il va faire 36°. Enfin, j'sais pas, j'serais pas là pour vérifier". J'ai un doute sur le sens des mots (11e indice). Mais lui n'a pas l'air de s'inquiéter et son camarade opine. L'allusion ne doit concerner qu'un voyage lointain...A coté de moi, un voyageur épluche le journal du jour à la page des faits divers. Les obsèques du policier tué en service s'étalent photo à l'appui (12e indice).Le jeune reprend sa conversation et j'apprends aussi qu'il est fils de pompier, né dans une caserne.
Une transmission de générations, un effort de conservation.Je suis arrivée. Le train s'arrête dans une gare en rénovation. La vie continue.
Le soir, la série des Contes et nouvelles du XIXe siècle propose un téléfilm Le fauteuil hanté, d'après Gaston Leroux, où des académiciens décèdent le jour de leur intronisation sous la Coupole (13e indice).
L'immortalité n'est pas ce qu'elle prétend.Quand je vous le disais : le temps passe, la vie suit la mort et vice-versa. On s'accroche.Merci pour votre lecture ! Thank you for reading !

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