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Gribouille est allemande

Publié le 28 mars 2010 par Egea

Gribouille se jetait à l'eau pour ne pas se mouiller. De là vient la politique de Gribouille : prendre une mauvaise décision pour éviter une autre, ressentie comme mauvaise, mais en fait de moindre intensité.

Gribouille est allemande
(image tirée de ce billet, provenant d'un blog sympathique, d'ailleurs)

Ces définitions (je fais attention : de mauvais esprits, qui ne fréquentent pas les blogs mais ont quand même une opinion dessus, prétendent qu'on y écrit mal et sans tenue : ils doivent nous confondre avec des jeux vidéos) permettent de comprendre la politique allemande, et donc ses conséquences hautement néfastes pour l'Europe.

Car l'accord trouvé cette semaine au Conseil Européen confirme mes inquiétudes (références en bas d'article).

1/ On peut certes être impressionné, encore une fois, par cette exceptionnelle capacité européenne à trouver, toujours, des compromis : cela dénote une aptitude à négocier envers et contre tout qui fait vraiment le caractère distinctif de l'Europe. C'est d'ailleurs cette qualité-là qui lui permettra, peut-être de survivre dans le XXI° siècle.

2/ Il reste que le compromis signé est particulièrement pauvre, et décevant. De quoi s'agit-il en effet ? : d'une abstention et d'un minimum, qui vient avec peine confirmer la déclaration du 11 février dernier. En ultime recours, les Européens pourraient, peut-être, si c'est vraiment urgent, garantir quelques prêts mais surtout pas trop, et de toute façon après que le FMI se sera engagé (après que + indicatif, selon la règle, je le signale à l'attention des censeurs qui persistent à croire qu'on écrit mal sur les blogs, non mais !).

3/ Quelle est la raison de cette timidité ? l'abstention allemande. Mme Merkel, notre Gribouille, donc, estime qu'il faut "de la RIGUEUR". Ce qui est vrai. Que l'Allemagne a fait des efforts, ce qui est vrai également. Que les autres auraient pu en faire autant : certes ! Et qu'en plus elle a une petite élection partielle dans deux mois, et qu'il faut donc écouter la vox populi, pardon, die Volks Stimme. Et là, je ne suis pas d'accord, Angèle se fourvoie.

4/ Chacun connaît maintenant le bénéfice que l'Allemagne a tiré de cet euro, pour elle sous-évalué (en clair, cela lui a permis une dévaluation compétitive, rien que ça) et surtout le trou noir qu'elle constitue au cœur de la zone euro : car si elle est vertueuse, c'est grâce justement au vice de ses partenaires. Ne pas voir que la vertu n'existe qu'en fonction du vice, ne pas voir donc que cette vertu est viciée, c'est ne contempler qu'une face de la médaille. Et ce sont des choses qu'un gouvernement responsable se doit d'expliquer à ses électeurs. Rappelons nous : M. Schroeder décide il y a dix ans les lois Hartz IV, c'est-à-dire la cure d'austérité qui permet aujourd'hui à l'Allemagne d'avoir accru sa compétitivité : accessoirement, c'est contre sa base politique qu'il le décide, et il perd les élections juste après : tant qu'à évoquer les grands principes, on pourrait juste susurrer à Mme Merkel qu'il faut accepter de risquer la perte d'une élection (surtout une petite partielle) si les enjeux le nécessitent.

5/ Oui, mais justement, le faut-il ? est-on vraiment convaincu quand on entend les Français (aujourd'hui M. Sarkozy, hier M. Chirac, avant-hier M. Jospin) appeler à un gouvernement économique européen ? Pas nécessairement, mais en revanche, on risque bientôt d'être très convaincu par les marchés : car les marchés ne marcheront pas, justement (mille excuses pour cette euphonie qui pourrait paraître, aux censeurs les plus exigeants, comme un jeu de mot que cela n'est absolument pas, car nous sommes sur un blog sérieux, n'est-il pas?). Ils vont immédiatement tester les emprunts grecs, puis passer aux étapes suivantes : Portugal (dont la note souveraine vient d'être rétrogradée), Espagne (qui ne peut pas augmenter sa compétitivité, dans le cadre de l'euro, n'en déplaise à Berlin), l'Italie, et puis la France.

6/ Et alors ? Alors, même si ce sera très compliqué, cela provoquera soit l'intervention de l'Allemagne (et là, très chèrement payée) soit l'éclatement de la zone euro. Qui subira ainsi une réévaluation anti-compétitive, qui soulagera tous ses partenaires européens (avec les quels elle fait au moins 50 % de son commerce) et augmentera également ses coûts d'importation. Deutschmark non pas über alles, mais allein (il faut que je fasse attention : les censeurs vous accusent souvent de ne pas défendre la langue française, et j'ai bien pris garde de ne pas encourir le risque d'anglicismes éminemment condamnables : quant aux germanismes et latinismes, il faut les compter, hein! ça fait mauvais français, ça, monsieur...).

7/ Résumons : la stratégie déclaratoire actuelle n'obtiendra pas les effets escomptés (c'est chic, ça, comme formule) et conduiront à des maux plus grands encore (impressionnant, ce style: très français, très classique, très versaillais). Autrement dit, l'individualisme allemand est une politique de Gribouille (en revanche, cette allusion à un personnage de Mme de Ségur est enfantine et, pour tout dire, journalistique : quelle horreur). Le refus d'une solution politique entraîne l'éclatement politique. Les lecteurs d'égéa, connaissent une de mes idées : les États-Unis sont en déclin. Il est clair désormais que l'Europe est également en déclin, exceptionnelle invention physique : c'est une entité dont la dont la puissance est inférieure à la somme des puissances composantes : 4+4 = 6 (et en plus, non content d'être approximatif en français, il ne possède pas son arithmétique)

8/ Mais alors ? Alors, on a peu de choix.

  • une solution politique mène à un fédéralisme accru. Les tenants français du gouvernement économique n'y sont pas prêts, ni les Allemands qui se redécouvrent nation importante, enfin oublieuse du XX° siècle.
  • un repli national : oui, mais encore plus inefficace qu'au XIX° siècle : on n'écoute pas l'Europe, qui écoutera la France ou l'Allemagne ou l'Italie ?
  • des alliances à la carte : ne voit on pas la possibilité d'un binôme franco-britannique, pour contourner une Allemagne qui redevient un problème européen ?

9/ Rine de tout cela n'est convaincant, il faut bien le dire. Quelle solution alors? peut-être faut-il accepter un certain éclatement européen. C'est ce que propose Eric de la Maisonneuve, président de la société de stratégie, dans le dernier numéro de la revue agir (lire son article) : un fractionnement en trois pôles, l'Allemagne étant tournée vers l'est, la France vers la Méditerranée, la Grande-Bretagne vers l'ouest : ces vases d'expansion permettraient de promouvoir l'Europe, seule façon de la relancer (mais on ne "relance" pas l'Europe, Monsieur : s'agissant d'une entité politique, donc noble, on ne la manipule pas comme un bilboquet, voyons. Décidément, vous écrivez mal ! journaliste, va!).

Réf :

  • mon billet sur l'isolationnisme allemand, du 8 mars dernier
  • sur les relations franco-britanniques : ici et ici.
  • sur le consensus européen : ici

O. Kempf (encore tout mortifié de ces atteintes au bon langage et au "comme il faut")


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