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Sainte Russie l'expo

Publié le 29 mars 2010 par Egea

J'ai visité ce week-end l'expo sur la Sainte Russie, des origines à Pierre le Grand, qui se tient au Louvre. Autant l'expo Turner est décevante, autant celle-ci suscite un grand intérêt. On peut en effet y aller pour des raisons artistiques (avec notamment des rouges et des verts incroyables), mais on peut aussi y aller pour des raisons culturelles et, au fond, géopolitiques : car on y comprend une "identité" russe qu'il paraît nécessaire d'illustrer. En effet, les ouvrages sur la Russie, (par exemple celui de Heller) manquent d'une iconographie suffisante : même les cartes sont souvent insatisfaisantes. Les atlas historiques manquent également de photos. Quant aux recueils artistiques, ils évoquent des évolutions techniques, picturales, sculpturales, omettant souvent les arrière-plans politiques.

Sainte Russie l'expo

1/ Tout d'abord, le visiteur comprendra qu'il y a eu deux Russies successives, la première Rous, autour de Kiev, ayant été abattue par les Mongols : la lente émergence de la Russie du nord, et la rivalité entre Novgorod et Moscou sont bien retracées.

Sainte Russie l'expo

2/ On voit surtout l'importance du fait religieux. Pour être tout à fait exact, on comprend son utilisation par le politique. Je sais que le mot d'utilisation est fort anachronique, car il y avait à l'époque une sorte de fusion entre les deux aspects. Ainsi, la peinture est très codée : on n'observe pas l'évolution artistique de la renaissance italienne (perspective, réalisme, sujets profanes) qui s'exprime pourtant à la même époque (XIII° au XVI° siècles) : au contraire, la peinture est hiératique, plate, épurée, codifiée. L'intérêt artistique vient de l'effort de comparaison qu'il faut conduire pour sentir les micro évolutions, bien moins marquées que dans l'art occidental.

3/ C'est une peinture toujours politique, et on a même l'impression que la chose se renforce vers la fin de la période, après Ivan le Terrible et surtout l'avènement des Romanov, à l'issue du temps des troubles. L'art est alors un discours, un plaidoyer, un programme : on quitte d'ailleurs la seule signification religieuse pour des côtés plus profanes (suivant en cela la sortie de l'âge enchanté qui survient au même moment à l'Ouest), même si on conserve les codes, justement pour asseoir l'autorité dans des racines héritées de l'historie.

Sainte Russie l'expo

4/ C'est enfin une peinture byzantine. Il ne s'agit pas seulement de l'inspiration iconographique, il s'agit également du projet politique, manifeste après la chute de Constantinople : le transfert du patriarcat à Vladimir en provenance de Kiev marque l'avènement de la troisième Rome. ainsi me suis-je fait cette réflexion : on pense souvent que la Russie est un pont avec l'Orient, avec l'Asie. Selon un axe est-ouest, donc. Or, l'axe fondamental est nord-sud, entre Moscou et Constantinople, entre la Baltique et la mer Noire. Ce qui explique l'annexion, pas inadvertance, de la Sibérie et la recherche constante d'accès à la mer Noire, obtenu très tardivement et après que l'empire a touché au Pacifique.

5/ Les deux dernières salles marquent le temps de Pierre le Grand : alors, le réalisme occidental triomphe, tout comme la réforme religieuse qui réussit à dominer les vieux-croyants. Enfin voit-on des portraits et surtout, des "ressemblances" : avec ce choix du réalisme la Russie, qui a enfin assumé ses racines, choisit l'Occident.

C'est cette lecture, à la fois picturale et géopolitique, que permet cette remarque exposition à laquelle il faut se précipiter.

Réf :

  • on consultera ce remarquable mini site mis en place par le Louvre, qui reprend les grandes articulations de l'exposition, avec quelques illustrations : splendidement fait.
  • De même deux sites sur l'histoire russe :www.histoire-russie.fr et www.studyrussian.com.
  • pour conclure l'expo qui se clôt sur Pierre le Grand, on lira Martin Malia, qui pose la question de la Russie face à l'Occident, depuis Pierre le Grand justement.
  • sur l'actualité toujours politique de cette exposition, lire ceci

O. Kempf


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