Magazine Cinéma

"Souffle" de Kim Ki-Duk, entre légèreté et noirceur

Par Alban Ravassard



Kim Ki-Duk signe avec « Souffle » un nouveau chef-d’œuvre et renoue avec la veine de « Locataires » même si ce dernier lui reste supérieur. Le réalisateur coréen retrouve, par l’intermédiaire de cette histoire d’amour entre une femme trompée et un condamné à mort, ses thèmes majeurs tels que les quatre saisons (mises en parallèle avec l’évolution d’une vie), le triangle amoureux, le minimalisme des dialogues et une certaine idée de la cruauté. 

Ainsi le film navigue imperceptiblement entre légèreté et noirceur, burlesque (les visites au prisonnier) et drame (les tentatives de suicide de Jang Jin), dans un étrange équilibre propre à cet auteur prolifique. Kim Ki-Duk reflète l’univers carcéral dans toute sa mise en scène à force de surcadrages et de grilles réelles ou mimétiques (les rideaux de l’appartement) qui se posent devant nos yeux comme pour nous rappeler que tout le monde est, à sa manière, prisonnier. Prisonnier de ce souffle nécessaire à la vie, prisonnier de sa cellule familiale qui implose, prisonnier de ses propres erreurs.

 

Subrepticement les rapports ne cessent de s’inverser entre les différents personnages. Les différentes tentatives de suicide de Jang Jin l’ont rendu muet, alors c’est Yeon qui lui parle. Une fois sorti du milieu carcéral, c’est elle qui se tait et son mari qui prend la parole jusqu’à l’oppresser avec cette dernière. De même, le directeur de la prison sera ensuite remplacé par le mari de Yeon dans la constitution d’un triangle amoureux. Au final, il s’agit bien aussi d’un échange de souffle : Yeon inspirera lorsque Jang Jin expirera, à l’instar de la formidable scène de cet échange de souffle où la violence des rapports prend le dessus.

 

Le directeur est d’ailleurs incarné par Kim Ki-Duk lui-même dans une habile mise en abyme, ce qui le place indéniablement en « maître » du film, contrôlant les images que l’on voit, par le biais de la vidéosurveillance, et retardant habilement les avancées dramatiques, empêchant ses personnages de brûler les étapes de son récit.

 

Souffle est un film somme, mais jamais assommant, restant captivant de part en part. En effet, sous ses airs de répétition se cache une lente progression dramatique mimétique de l’inexorable chemin qu’emprunte Jang Jin vers son dernier souffle qui surgira de manière inattendue mais finalement logique, comme résultante des différents souffles parcourant le récit : espoir, passion, pardon et jalousie.

 

Note : 4/5

 

« Souffle » vous laissera le souffle coupé. Une fable poétique et cruelle portée par un Kim Ki-Duk au sommet. Difficile de comprendre comment il a pu repartir de Cannes bredouille.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Alban Ravassard 39 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines