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Le spiritisme (Jacques Lantier) II

Par Hiram33

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Le surnaturel et l’au-delà

Le fonds commun à toute l’humanité archaïque est la croyance à l’existence d’un monde surnaturel dans lequel les morts mènent une autre vie. La hiérarchie sociale et familiale persiste dans l’invisible. C’est seulement après une très longue évolution que l’ancêtre fondateur d’une tribu est considéré comme dieu. Aucune religion, aucune science, aucune philosophie, si élevée soient-elles, n’échappent au surnaturel. Le spiritisme moderne n’est, parmi d’autres, qu’une interprétation de phénomènes échappant à l’entendement. Le spiritisme moderne reprend à son compte les théories les plus primitives et essaye de les étayer non seulement au moyen d’observations nouvelles de phénomènes surnaturels mais à l’aide d’arguments scientifiques. Les Kardéistes fondent leur doctrine à la fois sur la tradition celte et sur la tradition chrétienne. Les Anciens Egyptiens étaient déjà spirites. Ils croyaient à l’existence de trois principes dans l’homme : le corps mortel et putrescible, le Kâ, appelé ? double ? par les Egyptiens, qui veulent y voir un ? deuxième exemplaire ? du corps, mais de nature fantomatique, fluidique; le Bâ, l’âme ou principe divin, dont l’homme a la possession provisoire. Au moment du décès, l’âme quitte le corps et son double. Elle s’en va errer dans les mondes supérieurs durant un voyage de 3 000 ans puis l’âme revient sur Terre et s’incarne à nouveau dans un autre corps humain. Au cours de chaque vie, l’âme doit se purifier. Lorsqu’elle a atteint la connaissance totale, l’âme est enfin délivrée de ses épreuves. Elle est admise au séjour des dieux où elle participe à la nature d’Osiris.

Les Grecs croyaient aux esprits; ils accordaient aux devins et oracles leur confiance. Le christianisme trouve ses origines dans cet archaïsme et notre philosophie se s’en est jamais complètement dégagée.

Le spiritisme dans l’art et la littérature.

On peut dire que le rationalisme et le romantisme des XVIIIè et XIXè siècle, qui nous paraissent si profondément antagoniques, sont en réalité alliés contre le classicisme politique et religieux. Les mouvements  de pensée se rejoignent; une partie de l’élite se rassemble dans des sociétés secrètes, éprises de mystère. On étudie l’occultisme, on invoque les esprits. Un spiritisme romantique devient un moyen de combattre le conventionnel. Balzac a évoqué le spiritisme juste avant sa mort dans son livre ? Essai sur l’apparition des esprits et ce qui s’y rattache ?, Schopenhauer traite trois sujets : magnétisme animal et magie, le destin de l’individu, l’apparition des esprits. L’une des grandes égéries du spiritisme moderne se nomme Delphine de Girardin. C’est elle qui apporte à Hugo l’initiation au spiritisme. Hugo consacre bien des vieilles à invoquer les esprits. Il crut que les âmes d’hommes illustres se servaient de sa capacité de médium écrivain et lui dictaient parfois des vers dont il précisa qu’il n’était nullement l’auteur. Les spirites pensent que leur doctrine repose sur l’amour et ne peut se vérifier que dans l’amour. L’éditeur Leymarie a ainsi souhaité que l’on appelle le spiritisme " l’évocation des morts aimés ". Cette idée, qui exprime l’une des plus fortes tendances romantiques, se retrouve chez Michelet et Villiers-de-L’Isle-Adam. Conan Doyle écrit le 21 octobre 1916 dans la revue " Ligh " qu’il est possible de communiquer avec les esprits des morts. Il adhère à la théosophie puis au spiritisme. Il consacre plusieurs ouvrages au spiritisme. Il fut jusqu’à sa mort le président d’honneur de la Fédération spirite internationale. Le mouvement surréaliste tout entier a puisé une partie de son inspiration dans l’idée fantasque sur laquelle repose la doctrine spirite.

Le spiritisme et les savants

On appelle " spiritisme scientifique " l’école rattachée ou non à la théorie d’Allan Kardec qui, sous l’influence, en France, de Denis et surtout de Delanne, cherche à classer les phénomènes supranormaux, à les expliquer et à leur donner des lois. Allan Kardec affirme que le monde des esprits, comme le nôtre, était soumis aux lois de causalité. Pour lui, le spiritisme est à la fois une science d’observation et une doctrine philosophique. Les spirites font grand cas des travaux éminents d’un docteur de l’université, Charles Henry (1859-1926), professeur à l’Ecole des hautes études et recteur en Sorbonne du laboratoire de physiologie des sensations. Il passa une partie de son existence à étudier les questions de la survie. Henry appliqua au surnaturel la théorie des quanta de Max Planck. Il tint compte également de la théorie de la relativité d’Einstein qui laisse supposer l’existence, hors de l’échelle terrestre, d’univers différents de celui que nos sens nous révèlent. La science atomique permet maintenant de s’affranchir des lois de la macrophysique. Henry pense qu’elle peut donc déboucher un jour sur l’univers dans lequel les atomes psychiques, ou atomes de pensée, mènent leur existence. Aussi dresse-t-il les bases d’une psychophysique de l’avenir. Charles Hnery pense qu’il existe des " atomes de vie " qu’il appelle " psychome " dont il étudie les propriétés à la lueur de la physique quantique. Il affirme que la mort est un simple accident physicochimique qui affranchit les systèmes biologiques de toute relativité matérielle. La mort amène la séparation des éléments psychiques de ceux du corps. Ces éléments se fondent aussitôt dans cet " équilibre absolu " que Charles Henry appelle la " conscience universelle ". Ainsi Charles Henry arrive, par la physique quantique, à donner au spiritisme sinon les preuves dont la plupart de ses adeptes n’ont nullement besoin, du moins la justification de ses prétentions scientifiques. William Crookes s’intéressa lui aussi au spiritisme. A 20 ans, il était professeur au Collège royal de chimie à Londres; à 22, directeur de l’Institut météorologique; à 23, titulaire d’une chaire de chimie. A 30 ans, il découvrit le thellium; à 32, il entra à l’Académie des sciences. Il inventa le radiomètre. Crookes ne croyait pas aux fantômes, mais, au cours de ses travaux, il soupçonna l’existence d’une force mystérieuse, invisible, dont la physique et la chimie ne peuvent expliquer la présence et qui serait douée d’une certaine intelligence. Il participa à des expériences en 1874 et les rapporta dans le " Quaterly journal of science ". Crookes, intrigué, construisit alors un appareil spécial de mesure, destiné à prouver sans conteste que la Force psychique possède un poids spécifique. Bientôt, il annonça que les expériences étaient concluantes ! Le médium utilisé par Crookes, Home, était engagé par d’autres scientifiques. Le professeur Balfour Steward pensait que Home possédait une importante force " électrobiologique " avec laquelle il " influençait " les spectateurs ! Crookes dérangeait, on l’engagea ouvertement à démissionner de l’Académie des sciences mais Crookes tint bon et se convertit au spiritisme. Il fit des expériences avec une jeune fille, Florence Cook, qui parvint à une renommée mondiale grâce à ses talents de médium. Elle fit apparaître un fantôme nommée Katie Keig et des savants comme Flammarion ou Richet confirmèrent ses pouvoirs. Crookes fit apparaître le fantôme de Katie King et réalisa que celle-ci était aussi matérielle qu’un être vivant. Crookes fit bien la différence entre Kate et le médium Melle Cook. Pour lui le médium ne pouvait être Katie King. Crookes tomba amoureux de Katie King. Sa mission terminée, le fantôme de Katie King disparut à jamais. Il ne restait plus à Crookes que des photos et une mêche de cheveux.

Les phénomènes spirites

Crookes devint le plus grand savant de son époque. Il accéda à la présidence de l’Association britannique pour l’avancement des sciences. Il découvrit les rayons cathodiques. Il discerna les secrets de l’atome. Allan Kardec considéra que  la base du spiritisme scientifique était ce qu’il appela " le spiritisme pratique naturel ", c’est-à-dire l’étude des phénomènes élémentaires tel que bruits, coups frappés, ou raps. Les raps reproduisent plusieurs sortes de bruits. La science admet l’existence objective des raps. Plusieurs savants et chercheurs affirmèrent que des productions matérielles floues en étaient responsables. En 1919, Crawford, ayant employé des écrans phosphorescents au sulfure de calcium, fut le premier à pouvoir photographier des substances ectoplasmiques réelles, espèces de serpents fluidiques sortant du corps des médiums. D’autres phénomènes existent comme le " phénomène des apports ". Les bons esprits amènent des cadeaux, des fleurs, des bonbons. Il y a également les apparitions désignées en langage métapsychique sous les noms d’ectoplasme, de matérialisations et, plus vulgairement, de spectres ou de fantômes. Une quatrième catégorie de phénomènes concerne tous ceux qui ont trait à la bilocation, à l’apparition des esprits des vivants, à la transfiguration, à l’invisibilité. Enfin, il existe la télégraphie humaine et la voyance. La télégraphie humaine est appelée télépathie par les métapsychistes. Kardec pensait que la télépathie humaine serait un jour un moyen universel de correspondance. Les esprits s’intéressent beaucoup à la santé physique et mentale des vivants. Ils font des diagnostics, ils conseillent des thérapeutiques.

Constitution de la Fédération spirite internationale

La plupart des spirites sont persuadés que leur croyance, leur morale, conduisant à la paix intérieure, à la tranquillité, à l’équilibre psychique et constituent l’un des meilleurs moyens sur cette terre de parvenir au bonheur. Le premier congrès international spirite se tint à Paris du 9 au 16 septembre 1889. Il permet d’établir une certaine unité de vue entre des sectes jusqu’à alors dispersées. Le congrès international de Paris où se retrouvent toutes ces délégations a pour mission principale de montrer ce qui sépare les doctrines et de rechercher ce qui peut les unir. Les diverses écoles représentées sont d’accord sur deux postulats essentiels. L’un est la condamnation sans appel du matérialisme sous toutes ses formes. L’autre est la croyance en l’existence des phénomènes paranormaux. Le premier postulat éloigne d’emblée les métapsychistes ou parapsychogues. La divergence des opinions se produit à propos de l’explication des phénomènes. Deux écoles se distinguent : l’école spirite et l’école occultiste. Les spirites expliquent les phénomènes paranormaux uniquement par l’intervention des esprits. La doctrine de base est celle d’Allan Kardec. L’homme se compose de trois principes distincts : le corps matériel, l’esprit, le périsprit. Les écoles occultistes distinguent, elles aussi, trois principes : le corps matériel, le corps astral qui se confond avec la vie, l’âme. La doctrine occultiste aboutit à la croyance en l’inconscient. Le Congrès de 1889 place le spiritisme sous le signe du progrès social et moral. Le Congrès affirme que le spiritisme, associé à la théosophie, favorisera en particulier l’émancipation de la femme et modifiera ainsi la société du XIXè siècle. La création d’un mouvement spirite international fut cependant envisagé au Congrès international qui se tint à Paris en 1900. Ce congrès soutint la Société Magnétique de France de Henri Durville et le magnétisme comme thérapeutique. L’initiation de la constitution d’une organisation internationale du spiritisme est due à un Etats-unien, le docteur George B. Wane, président de l’Association spirite des Etats-Unis. Le Congrès de Liège, en 1923, parvint à jeter les bases de la Fédération spirite internationale. Il appartenait au Congrès international de Paris, en 1925, de fixer le rôle de la Fédération et de définir les mots d’ordre du spiritisme international. Ce congrès fut placé sous la présidence d’honneur de Conan Doyle.


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