Magazine Culture

l'opium

Publié le 31 mars 2010 par Dubruel

 

L’OPIUM

 D’après Albert de Pouvourville (1906):

 

4459947395_d14c9049ff.jpg

Deux camarades se promènent à Toulon (1). Soudain l’un d’eux pâlit, devient livide. Il semblait en proie aux affres les plus hideuses de la faim et de la soif. Il balbutia et avoua  à son compagnon de marche : « je sens que je vais m’évanouir…Il faut que je te quitte, c’est l’heure de ma fumerie quotidienne. »

Deux heures après, cet homme, un officier de marine revenant d’Indochine arrivait au diner, pimpant, rajeuni, frais et rose, l’esprit en éveil.

Cette anecdote prouve que l’opium n’est pas une distraction mais un besoin.

 

En Indochine, l’opium est le dieu qui protège les faibles, calme les douleurs, procure aux misérables humains, aux plus prosaïques, aux plus abattus, les rêves exquis dont la perte les laisserait à jamais désemparés.

 

Il est intéressant d’indiquer comment on obtient cette substance féerique.

Des fentes longitudinales sont pratiquées sur les tiges des pavots ; la nuit, il en découle un suc blanchâtre et visqueux qui est recueilli dans de petites coupelles placées au pied de la plante.

Quand le suc à pris la consistance de la « gutta-percha », on le roule, avec tous les détritus végétaux qu’il contient, dans des feuilles de bananier.

De là, il passe dans des bouilleries particulières ou de l’Etat…car ce même Etat qui pourchasse les fumeries dans le Var, s’en est adjugé le monopole en Indochine.

 

La bouillerie doit rendre un opium de couleur brun foncé, ayant la consistance de la gomme arabique, et, à froid, l’odeur de la truffe. Chauffé, l’opium dégage un indéfinissable et merveilleux parfum.

 

Entrons dans une fumerie, dans un des temples où, selon des rites immuables, le culte du dieu opium est religieusement célébré. Le fumeur doit être couché, car il est nécessaire que la petite boule soit continuellement maintenue au-dessus de la petite flamme d’une lampe à huile.

La pipe se compose d’un tuyau de bambou creux de 60 cm environ. A l’aide d’une aiguille d’acier, le fumeur prend deux grosses gouttes d’opium et tourne rapidement entre ses doigts l’aiguille placée au-dessus de la lampe. L’opium grésille, se boursoufle, se dore. Le fumeur malaxe le résidu en le maintenant toujours au-dessus de la lampe de façon que la cuisson soit bien égale partout, puis il enfonce l’aiguille dans le trou du fourneau, la retire, porte la pipe à ses lèvres et aspire la drogue en deux ou trois bouffées lourdes et blanchâtres.

Le mécanisme semble très simple, mais pour savoir faire une pipe, il faut en avoir manqué plus de cinquante !

 

Le résidu de l’opération, traité par l’alcool et des cuissons successives au bain-marie, donne un « opium second », susceptible d’être fumé une deuxième fois. Dans certaines fumeries d’Extrême-Orient, on sert aux consommateurs peu fortunés de « l’opium quatrième » ; ils en font encore leurs délices !

 

Description franche et exacte des impressions ressenties :

Dans le flottement des vapeurs noires et opaques, un doux bien-être  envahit le corps et l’esprit. Aucun désir de sommeil. C’est, au contraire, la possession pleine et entière des facultés physiques et intellectuelles.

L’intelligence est lumineuse et se dirige, selon le désir préalable du fumeur, vers ce qui l’attire. Si le fumeur demande le repos d’esprit, il arrive complet, absolu. Le corps est oublié. Existe-t-il encore ? Que fait-il ? L’esprit n’y songe plus.

Dégagé de la matière, extériorisé sans secousse, il est dans un espace indéterminé, imprécis, étranger à ce qui l’entoure. Il est sans limite.

Les premières pipes du novice lui ont donné des nausées avec un vertige particulier, ascensionnel. Fumeur habitué, les vertiges disparaissent ; mais il se sent enlevé dans l’espace, libéré des contingences de la terre.

 

L’opium contient des stupéfiants mais aussi des excitants. Des docteurs le préconisèrent contre des épidémies. D’autres l’interdisent complètement. Ceux-ci sont les plus nombreux et forment la presque unanimité du corps médical européen.

En Chine, on fait absorber une forte dose d’opium aux condamnés à mort. Ils y trouvent, pour marcher au supplice, une résignation souriante qui n’est pas affectée.

Toutes les douleurs nerveuses cèdent à cet agent mystérieux.il n’est pas surprenant que 400 millions d’hommes (toute le race jaune, le quart de l’humanité) en aient fait la panacée universelle et presque un dieu.

 

 

 

(1) les autorités du Var font la chasse à l’opium et aux fumeries qui se multiplient à Toulon et aux environs.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Dubruel 73 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazine