Gaël Orieux, Mr Goodfish

Par Toinard

Chef du restaurant Auguste, breton de cœur et plongeur émérite, Gaël Orieux est devenu récemment le parrain d’une campagne européenne, « Mr Goodfish », visant à rendre le public acteur pour la préservation de la ressource marine parce que bien choisir son poisson, c’est bon pour la mer, c’est bon pour vous.

Des dizaines d’espèces de poissons vont disparaître

Selon les experts internationaux, les poissons risquent de disparaître des océans entre 2040 et 2050 et l’ONU admet que le potentiel maximal de pêche dans les océans a probablement été atteint. La situation est suffisamment alarmante pour que chacun change ses comportements en consommant responsable. Il y eut récemment une campagne de médiatisation autour du thon rouge dont 80% des ressources ont disparu au cours des vingt dernières années. Pour tenter d’alerter les consommateurs, de nombreux chefs des établissements Relais & Châteaux se sont engagés à ne plus servir d’espèces menacées et à les retirer progressivement de leurs cartes. Aujourd’hui, Nausicaa, le Centre National de la Mer de Boulogne-sur-Mer en association avec ses homologues italiens et espagnols lancent une campagne européenne, « Mr Goodfish », qui incite les pêcheurs, les restaurateurs, les poissonniers et donc les consommateurs à privilégier certaines espèces de poisson méconnues ou délaissées au profit d’espèces qu’il est vital de protéger pour les laisser se renouveler sous peine de les voir disparaître de la surface du globe.

Des espèces qui ne trouvent pas preneur

Chaque jour, les pêcheurs qui rentrent au port débarquent sur les quais des espèces de poissons qui malheureusement n’arrivent pas dans notre assiette ou peu malgré des qualités gustatives reconnues. Ils se nomment tacauds, vieilles, congres, sars ou chinchards pour ne citer qu’eux. La campagne « Mr Goodfish » vise à les mettre en avant selon les saisons et les zones de pêche. Sur Internet (www.mrgoodfish.com) et bientôt sur Iphone, les consommateurs peuvent suivre mois par mois, la liste des poissons à privilégier. Chez les poissonniers et les restaurateurs, des logos, des dépliants et des clips aimantés permettront aux clients de comprendre les objectifs de la campagne, de les sensibiliser et de les inciter à suivre les conseils des professionnels pour participer à leur niveau à une consommation responsable.

Gaël Orieux, un parrain légitime

Breton dans l’âme, Gaël Orieux aurait pu être plongeur professionnel, mais il a préféré la cuisine malgré une vocation tardive. Passé par le Toit de Passy, Paul Bocuse, le Lucas-Carton, Taillevent, le George V et le Meurice, il s’installe en 2005 dans le 7e arrondissement et impose une carte essentiellement marine même si la terre s’infiltre discrètement dans chacune de ses créations. Entre campagne, où il est né, et bord de mer, où il a grandi, ses assiettes se nomment « huîtres aux pieds de porc », « foie gras de canard au consommé de crevettes à la citronnelle » ou « agneau de lait aux algues ». Installé dans le quartier des ministères, Gaël n’a eu de cesse d’alerter les politiques qui poussent la porte de son établissement. Depuis plus de quatre ans, il alerte les pouvoirs publics et frappe aux portes des organismes scientifiques nationaux en leur rappelant que « la mer n’est pas un marché en libre-service ». Evidemment, il ne boycotte pas le cabillaud, la lotte, la raie ou la sole mais il tente d’imposer à ses convives des espèces méconnues pour faire changer les mentalités et faire évoluer les habitudes de consommation comme il a pu le faire par le passé avec les légumes, la volaille ou les arômes synthétiques qu’il a rayé de sa cuisine. En parrainant cette campagne, Gaël Orieux souhaite que ses confrères le suivent parce qu’ils ont une part de responsabilité. Ce sont eux les éducateurs du goût et de la nouveauté, ce sont eux qui doivent penser aux enfants et aux petits-enfants pour que ces derniers connaissent aussi plus tard le goût de certains poissons dont leurs aînés raffolaient. Et puis, cuisiner des espèces méconnues ou délaissées, c’est aussi se remettre en question, se lancer de nouveaux défis en cuisine, se renouveler constamment pour ne pas tomber dans l’ennui. En changeant sa carte tous les jours, Gaël le prouve car il n’est pas homme à se laisser bercer par la routine. Cuisiner un tacaud, c’est penser à la planète mais c’est aussi pour un chef, une source de création. C’est se poser les bonnes questions pour valoriser des espèces moins nobles que le Saint-Pierre ou le bar. Il n’y a rien de plus excitant que d’anoblir un parent pauvre de la mer, prouver qu’il peut être étincelant en bouche, ravissant pour les papilles, le tout englobé dans une démarche qui consiste à défendre la mer.

Gaël Orieux. Restaurant Auguste. 54, rue de Bourgogne. 75007 Paris. Tel. : 01 45 51 61 09. Menu : 35 € (au déjeuner). Carte : de 60 à 80 €. www.restaurantauguste.fr.