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Technique d’écriture

Par Richardtroubat

Cette question m'a été posée par un ami, lecteur du “Maître de manège“, qui me dit avoir été “happé” par l'histoire au point de ne pas l'avoir quitté avant d'en avoir connu la fin :

« Comment as-tu fait pour projeter l'imagination du lecteur dans le futur, par exemple à la fin d'un chapitre, pour le maintenir dans sa lecture, dans son désir de connaître la suite ? est-ce que ça vient naturellement parce que tu as déjà le découpage de ton histoire ou est-ce un travail d'allers-retours pour peaufiner, inciser les phrases qui ont ce rôle d'attracteur ? »

Je ne suis pas un grand écrivain et je ne suis pas du tout certain de la réponse que j'ai faite. A vrai dire, la construction de ce roman s'est faite  à tâton, et je ne peux qu'analyser a posteriori :

Il y a des recettes qui sont enseignées dans les ateliers d'écritures. La plus classique  -elle fonctionne à tous les coups -  impose les ingrédients suivants :

- Un héros

- Une quête, ou un objectif à poursuivre

- Un adversaire qui met des obstacles et qui empêche le héros d'atteindre son objectif.

- touche final : on introduit la notion de temps. C'est-à-dire que le héros a une contrainte de temps pour atteindre l'objectif. Exemple : le prince charmant a deux jours pour se marier sinon il perd son royaume, et son adversaire a kidnappé la fiancée, et peu à peu arrive la date au-delà de laquelle tout sera fichu.  A ce moment-là, le suspense est à son comble.
Le “Maître de manège” n'a pas exactement tous ces ingrédients. Ou bien ils existent à très faible dose. Je ne connaissais pas cette technique au moment où je l'ai écrit. Mais plusieurs personnes m'ont dit qu'il était très prenant. En fait, il doit y avoir une tension dans ce livre, une différence de potentiel entre le début et la fin qui est maintenue tout au long du récit. Elle est faible mais, même s'il n'y a pas un suspense insoutenable, elle doit exister. J'ai dû, comme dirait un électricien de ma connaissance, travailler en basse tension. Cette tension est soutenue, il me semble, par le seul fait que le lecteur devine que les situations décrites vont évoluer, au risque de rompre un équilibre. Ou encore, que le personnage lui-même doit vivre une évolution, on ne sait pas comment, alors on a envie de poursuivre, par curiosité et par sympathie pour ce héros auquel on s'identifie un peu.

Mais ce n'est pas suffisant.

Mon ami électricien dirait : «lorsqu'on travaille en basse tension, selon la loi d'Ohm, il faut une très faible résistance. Sinon il n'y a pas suffisamment d'intensité et l'on a peu de chance de chauffer le lecteur».

La résistance doit être probablement dans le style : dans tous  les accrochages, les lourdeurs ou les mal-dits, tout ce qui peut rendre la lecture pénible ; les répétitions, les trop longues digressions, les interminables descriptions, les dialogues mal-fichus, les personnages sans âme, etc…

Si c'est le cas, alors, il faut rendre la lecture la plus fluide possible. Il faut travailler la musicalité des phrases, le rythme et la cadence, la fluidité. Faire la chasse aux fautes d'orthographe, si irritantes ! Dessiner des images, peindre des paysages, ou des sentiments, mettre de la chair dans les personnages ! De l'émotion dans les situations ! être succulent ! Etc…

Il existe des auteurs qu'on lit pour le seul plaisir de la langue.
Ce n'est pas le cas dans les histoires à suspense, où le récit se suffit à lui-même parce que la tension y est forte, c'est pour cela qu'on se laisse facilement emmener par un bon polar même s'il n'est pas trop bien écrit.

Ce dernier travail, sur le style, a été pour moi le plus fastidieux parce que c'est celui qui réclame une maîtrise technique de l'écriture que je n'avais pas. Le fait que cet ami me dises qu'il a été happé tout au long du livre me laisse croire que j'ai su réduire la valeur ohmique de mon texte et y mettre suffisamment d'intensité par la fluidité du style. Même si je sais que ce n'est pas du Flaubert, ça me fait sacrément plaisir. (En revanche, ça ne prouve pas que le livre est bien construit et je crois qu'il a des défauts de ce côté-là)

Je pense être également parvenu à cette fluidité dans “La bousine“. Quoique j'ai monté un peu le curseur afin d'augmenter le voltage. Pour être plus sûr ! Il y a, entre autres, une petite affaire policière qui tient en haleine dans la première partie du livre.


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