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Années 1980 Un parcours photographique (by Justine)

Publié le 01 avril 2010 par Lifeproof @CcilLifeproof

Je n'ai pas aimé le début. Arrivée à 18h50 à un vernissage qui était annoncé pour démarrer à 18h30, on me barre l'entrée de l'exposition: il faut écouter le discours en cours, Madame. Je déteste. Mais j'attends patiemment. Les gardes nous laissent passer. Et voilà le troupeau qui se dirige avidement vers les œuvres présentées. J'observe que le public garde ses distances avec les œuvres, il ne s'aventure pas à moins de 2,50 mètres... Est-ce la taille gigantesque des photographies présentées (plus de 2 mètres de hauteur pour certaines d'entre elles) ou bien la peur qui empêche le curieux de venir voir de plus prêt ce qu'il se trame, dans l'intimité de l'objet? Car à ce stade, peut-on réellement parler de photo? Ces grands formats rappellent instantanément des tableaux, évoquent des compositions abstraites, des paysages imaginaires. Un effort de vision permet de revenir à une certaine réalité. Si c'est de la photo, c'est que cela existe. Mais que qualifie-t-on au juste? L'aspect physique des choses? Le processus de la vie? Un jugement sur le monde?

Années 1980 Un parcours photographique (by Justine)

John Coplans, "Torso Front", 1984, coll.MAC, dimensions inconnues (mais gigantesques)

Un corps, celui de John Coplans, déformé par un cadrage qui le fait déborder de toute part, devient pour moi, un étrange masque funéraire.

Années 1980 Un parcours photographique (by Justine)
Patrick Tosani,"Talon Réf 408/38- 100/40-308/38", collection FRAC

Un talon de chaussure de femme, à cette mesure, évoque les grandes réalisations architecturales de notre époque, la tour CMA-CGM, Dubbaï.

Années 1980 Un parcours photographique (by Justine)
Patrick Tosani, légende inconnue

Cette cuillère rutilante m'agace:Sommes-nous face à nous mêmes, loin de nous-mêmes, simples observateurs du monde dans son objectivité? Youhou Justine, wake up, tu es en train d'essayer de communiquer avec une cuillère! Patrick Tosani t'a bien eue!

Ce qui me parait important, c'est l'expérience faite de regarder autrement, avec une curiosité renouvelée, un corps, une cuillère ou des talons. J'aime l'idée de documenter l'histoire de la chair qui vieillit "à vue d'oeil" ( John Coplans a passé 20 ans enfermé dans son studio à se photographier sous toutes les coutures, c'est poétique mais pas toujours ragoutant, sauf pour ceux qui s'aiment vraiment).

J'aime aussi la présence massive de ces photos qui inverse le mode de pensée sur la réalité: soudain ce qui est trés réel ce sont ces immenses choses lourdes et imposantes, je ne peux éviter de m'y confronter et de les trouver tantôt effrayantes tantôt rassurantes. Pour le reste, to be or not to be, fiction mise en scène par l'artiste, ou alors précision cinglante du moindre détail (tant la qualité des tirages est remarquable), libre à chacun d'apprécier la valeur de la photographie pour ce qu'elle n'est plus: une simple représentation du monde. Tout comme la peinture qui s'était émancipée du réel, le champ (hors champ) ouvert par ces artistes à la photographie contemporaine dépasse notre entendement. Médium à part entière, la photographie questionne déraisonne tâtonne et donne. Je prends!

Années 1980, un parcours photographique[...]

Dieter Appelt, Jean-Marc Bustamante, John Coplans, Gûnther förg, Craigie Horsfield, Suzanne Lafont, Jean-Luc Moulène, Patrick Tosani, William Wegman Jusqu'au 23 mai 2010

[MAC], 69 avenue d'Haïfa, 13008 Marseille. T 04 91 25 01 07, ouvert de 10h à 17h, fermé les lundis et jours fériés.


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