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Anthologie permanente : François Montmaneix

Par Florence Trocmé

   il y a un travail du négatif à faire, une tâche 
     pour l’intellect au profit de l’élan du cœur 
        Yves Bonnefoy 
II 
Hier soir j’ai croisé les concepts 
pèlerins des lumières éteintes 
la bêche à l’épaule ils allaient 
creuser des courants d’air pour leurs taupes 
et chercher de quoi rebâtir 
à grand renfort d’à peu près 
la caserne des certitudes 
où l’uniforme à la parade 
tient toujours l’aventure en lisière 
la vraie l’unique celle 
qui prend de court les pensées 
quand le vent soulève les tuiles 
renverse les ombres dans l’âtre 
et hurle que le poème est précaire 
mais qu’il possède le pouvoir 
de faire et de défaire ce qui est 
sans pitié pour ce qui n’est pas 
et que les yeux clos il peut dire 
les mots écrits dessous la pierre 
dans une langue aux racines du feu 
• 
III 
Nul ne peut expliquer pourquoi 
le dernier arbre au bord du précipice 
a cette étrange forme double 
qui semble vouloir retenir quelqu’un 
de tomber dans la pente invisible 
or il n’y a personne 
absolument personne 
alentour ni à l’horizon 
aucun poids non plus pour jouer 
le rôle de la chute 
c’est dans le même silence 
au zénith à midi ou la nuit 
échevelé de tremblantes étoiles 
que l’arbre est là et qu’il paraît veiller 
sur quelqu’un qui ne viendra pas 
à qui peut-être on a dit : « prenez garde ! 
attendant depuis trop longtemps 
cet arbre mort ne saurait plus 
empêcher son seul fruit de tomber » 
• 
XIX
 
Le point du soir sert-il à autre chose 
qu’à réfuter la preuve du matin ? 
Je suis entraîné par le doute 
vers l’instant qui me manque 
je n’ai d’appui que sur le vide 
d’heure en heure un obstacle m’épie 
la nuit m’inocule des ombres 
désignant un pays là-bas 
mais l’exil va toujours plus vite 
et plus loin dans un paysage 
exposé à la soif de se perdre 
qu’en moi l’inaccompli regarde 
entonner la deuxième symphonie 
par le surnaturel hymne final 
et respirer ce que Mahler 
de son pas orchestrant les montagnes 
foula sur cette cime d’eaux vives 
qui donnaient une source à la pente 
François Montmaneix, « Peintures noires », L’Abîme horizontal, La Différence, 2008, pp. 32, 33 et 49  
Bio-bibliographie de François Montmaneix 
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