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La majorité prise au piège de la fiscalité

Publié le 07 avril 2010 par Hmoreigne

 Le temps a donné raison à François Hollande. En octobre dernier le député de Corrèze proposait une remise à plat de la fiscalité en France. Si les ambitions présidentielles de l’ex-premier secrétaire du PS, ont pris l’eau, son projet de réforme globale instituant une “politique fiscale lisible, juste, efficace et responsable” est plus que jamais d’actualité. Il pourrait même constituer le cœur du futur projet présidentiel socialiste.

Devant 500 fidèles réunis à Périgueux François Hollande, avait eu à l’automne dernier l’intuition juste en déclarant voir dans la fiscalité et la redistribution “un lieu de confrontation majeure pour 2012 avec un Nicolas Sarkozy“, qui “a totalement échoué dans sa stratégie fiscale“.

Le président du Conseil général de Corrèze avait esquissé l’angle d’attaque :”Il faut sortir de la caricature de l’impôt présenté comme une punition : l’impôt sert à préparer l’avenir“, et formulé une sérieuse recommandation: le “PS doit être clair sur ses idées en la matière“.

Égalité, justice sociale, redistribution, autant de marqueurs d’un gauche qui avait eu tendance ces dernières décennies à les oublier. En posant le principe d’égalité et de lisibilité de l’impôt,en proposant de “regrouper l’impôt sur le revenu actuel, la CSG, la prime pour l’emploi et la taxe d’habitation” afin de créer “un grand impôt sur le revenu prélevé à la source“, François Hollande ne dessinait rien de moins qu’une révolution fiscale.

La proposition n’avait alors que suscité à gauche comme à droite que des sourires narquois. Comme si on pouvait gagner des élections en parlant fiscalité, responsabilité budgétaire. Il serait une peu facile de caricaturer François Hollande en disant que, de toute façon, “il n’aime pas les riches“. Sa vision est plus complexe.Tout revenu, quel qu’il soit, qu’il provienne du patrimoine, de l’activité, voire des transferts, doit être soumis à l’impôt, selon un même taux modéré et progressif estime-t-il.

Mué en François Égalité, le député s’était fait railler par ses pairs qui lui avaient tous prédit qu’on n’arrive pas à l’Elysée en promettant une hausse des impôts.La question “n’est pas de savoir si on va ou non baisser les impôts, mais quels impôts vont devoir augmenter et quels sont ceux qui doivent baisser” rétorque le responsable socialiste. La polémique qui entoure le bouclier fiscal confirme aujourd’hui la justesse de cette approche.

L’Élysée tente bien une diversion en évoquant un pseudo complot construit autour de rumeurs malveillantes. La ficelle est un peu grosse : jouer le roman photo du château contre l’ennuyeuse question de la fiscalité. C’est sans compter sans la hargne des socialistes excités par le goût du sang des régionales. Tel un fox terrier dont les dents sont plantées dans l’arrière-train du sanglier, ils ne n’entendent pas lâcher pas prise.

Entre communistes etParti de Gauche au Sénat et socialistes à l’Assemblée c’est à celui qui déposera le premier sa proposition de loi pour réclamer l’abrogation du dispositif présenté comme inique…même si elle n’a aucune chance d’être adoptée.

Le contexte est porteur. Un rapport de l’INSEE rendu public la semaine dernière confirme l’accroissement des inégalités. Du pain béni pour le PS qui ne prend pas grand risque en faisant part de son objectif de rendre l’impôt plus progressif et efficace et de le faire payer par la quasi-totalité des Français quand une majorité d’entre eux sont exonérés de l’impôt sur le revenu mais payent la CSG.

Les socialistes veulent se servir du bouclier comme d’un marchepied pour aborder la question globale de la fiscalité. Pierre Moscovici qui est en charge de la convention nationale du 29 mai prochain présentait hier mardi à la direction du PS un projet proposant notamment la révision de la loi TEPA, la suppression de niches fiscales et la fusion de la contribution sociale généralisée (CSG) et de l’impôt sur le revenuafin de créer un “grand impôt citoyen“, basé sur la progressivitéNiplus ni moins que la reprise des suggestions de François Hollande avec un différence notoire. Pour le député du Doubs, la fiscalité doit être un outil et non une finalité.

Seule petite divergence, le sort à réserver à l’impôt sur la fortune (ISF), mesure emblématique prise par la gauche en 1981 et que même Nicolas Sarkozy, héraut d’une droite décomplexée n’a pas osé remettre en cause. Dans un souci de pragmatisme, le PS pourrait être prêt à l’abandonner au profit d’une réforme plus large de la fiscalité. A titre personnel, Pierre Moscovici souhaite le maintien d’un ISF revisité, plus efficace.

Le bouclier fiscal offre surtout à l’opposition l’opportunité d’enfoncer un coin entre le président et sa majorité. Attaqué par la gauche, Nicolas Sarkozy l’est aussi par une partie de la droite. Dans ce qui prend des allures au mieux de Bérézina au pire de Waterloo, François Hollande tape une nouvelle fois juste : “Le bouclier fiscal était déjà critiquable dans une période où la crise n’avait pas frappé. Il est devenu insupportable, y compris au sein de la majorité, à un moment où les déficits sont considérables, l’endettement atteint son point limite et où des efforts sont demandés pour les retraites ou la santé“.

Le doute étreint les parlementaires UMP, notamment au Sénat. Jean Arthuis le président centriste de la commission des Finances de la Haute assemblée répète à qui veut l’entendre que le bouclier fiscal est une mauvaise réponse à un mauvais impôt, l’ISF.

Reste à savoir pour Nicolas Sarkozy comment sortir de ce bourbier. Selon certains observateurs, le président pourrait profiter de la réforme des retraites pour aménager le dispositif du boulet fiscal. Son abandon en rase campagne est impossible. Mieux vaut avoir tort avec ses amis du Fouquet’s que raison avec une majorité de Français.

Question au Gouvernement de François Hollande (31/03/2010)
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L’invité de 8h15 - Pierre Moscovici - 6 Avril 2010
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