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Quel public aujourd'hui pour la poésie ?

Par Clementso

Quel public pour la poésie, demande-t-on ? Mais il est extrêmement divers. Vous avez évidemment un public scolaire et universitaire qui est un peu captif, ce que j’appelle le public sur ordonnance : il y a des programmes qui sont publiés et les gens achètent les livres parce qu’ils sont au programme. Ainsi d’un livre d’Apollinaire ou d’un livre d’Hugo au programme du Bac, on sait que c’est entre 80 000 et 100 000 exemplaires. Jusqu’au programme d’agrégation qui peut être très sophistiqué, puisqu’il peut aussi s’agir de l’agrégation de russe où, par exemple, cette année Anna Akhmatova était à l’honneur : on sait qu’il s’agit de 3000 exemplaires.

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Une autre partie du public est celle des professeurs, des professions cultivées. Mais la Collection a aussi une sorte de magie, qui tient à sa maquette… Vous avez ainsi des gens qui ne sont pas dans ces catégories sociales qui la collectionnent. Je ne dis pas que c’est l’essentiel des ventes, mais ça existe.


Une autre catégorie de public est celle liée aux évènements. Prenons par exemple le cas de John Keats. Le dernier film de Jeanne Champion en fait son héros : les gens qui ont acheté ces deux derniers mois les poésies de Keats, sont tout le public qui va au cinéma. Ce genre de choses arrive assez souvent. Wystan Hugh Auden aussi, par exemple, avec le poème célébrissime qui a été lu dans le film 4 mariages et un enterrement. Vous avez encore un public indifférencié qui va acheter le Roman inachevé d’Aragon, parce que les poèmes qu’il contient ont été chantés par Ferré. Les entrées sont multiples. Cela étant, ce public n’est pas l’essentiel.


Et puis il y a aussi ceux, intéressants, qui achètent un livre parce qu’ils ont été mis en contact avec la Collection à l’occasion d’un examen à préparer, et qui vont voir ce qu’il y a à côté dans la Collection et commencent à acheter… Il y a une capillarité. Cela reste un pourcentage assez minime, mais qui joue. Ce n’est pas une collection où l’on communique et il n’y a pas beaucoup de publicité : elle se fait plus par le bouche-à-oreille, par quelques articles ici ou là… Et puis il y a de temps en temps des choses tout à fait imprévues.
Par exemple le cas d’Armand Robin. Ce n’est pas moi qui l’ai fait entrer dans la collection : il était déjà là avant moi. Le livre s’épuise très lentement et je décide qu’il faut réimprimer, parce que, même s’il s’épuise très lentement, il est à mon sens un poète important. Entre-temps je redécouvre un poème de lui peu connu, voire pas connu du tout, Le programme en quelques siècles, édité en 1946 sous la forme d’un fascicule par la Fédération Anarchiste de Paris. Je profite de la réimpression du livre pour ajouter ce poème en postface. Le livre paraît et on voit qu’il s’en vend d’un coup, pour la première semaine de la réimpression, mille exemplaires : c’était totalement énorme pour une réimpression.
Et on découvre que Michel Pollack avait fait une chronique dans Charlie Hebdo intitulée « Je suis un vieux con, je ne connaissais pas le plus beau texte du XXe siècle ». Il avait découvert «Le programme en quelques siècles » et avait consacré une page entière soit son papier entier, pour expliquer que ce texte était un chef-d'oeuvre et qu’il était vraiment le dernier des derniers de ne pas le connaître. Il n’était vraiment pas le seul. Mais, évidemment, ça met tout le monde dans la situation du vieux con, qui ne connaissait pas le plus beau poème du siècle. Donc, on a épuisé les 2000 ou 3000 qu’on avait retirés juste comme ça. C’est le genre de truc totalement imprévu et je ne l’avais pas fait en prévoyant que ça allait se faire. C’était notre conscience qui avait fait qu’on allait rééditer le bouquin, j’avais ajouté ça parce que je pensais que c’était un poème important…
Mais jamais je n’aurais pensé aux conséquences : ce genre de chose ne se suscite pas. Vous avez ça de temps en temps, un film qui sort qu’on n’attendait pas… L’imprévu représente peut-être 10 % : je n’ai pas d’IFOP à ma disposition.


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