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Galettes à la bretonne

Par Ernestoviolin

Musique, littérature : au trou. Ces deux occupations, toutes parisiennes qu'elles soient, présentent quelques points d'intérêt quand on ne sait pas quoi faire de sa vie, admettons. Mais vient un moment où il faut se sortir les doigts et se lancer, contre vents et marées, dans la direction que Dieu nous a prescrite au sortir du couffin. L'affaire est entendue : c'est derrière les fourneaux qu'on s'illustrera à l'avenir.

Comment présenter les galettes bretonnes ? Comment éponger la salive qu'elles inspirent aux papilles exigeantes ? Peut-on seulement le faire ? Eh bien oui, jouons au buvard.

Tout commence dans l'anonymat, le banal : la pâte. Un alsacien pourrait le faire : un jaune d'oeuf, de la farine de sarrasin, et de l'eau. On mélange le tout au petit bonheur jusqu'à obtenir un magma épais. Vient ensuite l'épreuve délicate : battre un blanc en neige avec de l'huile, de la farine et du poivre. Le plus difficile, en vérité, est de ne pas boire comme un polonais la veille pour ne pas avoir la main qui tremble au moment de mélanger ces deux parties.

On arrive au coeur du cyclone : la garniture. Il y a mille ingrédients à incorporer dans une galette, certains plus judicieux que d'autres. La Genèse — le basse / guitare / batterie de la galette — c'est le mélange oeuf / jambon / fromage, qu'il faut apprendre à maîtriser avant d'aller plus loin (rappel : l'oeuf doit cuir sur le plat, les tranches de jambon se gangréner dans le gruyère.) Si la rusticité demeure un principe inaliénable, c'est à l'excentricité qu'on reconnait un grand chef : le génie se toise au rajout. Il faut donc mêler des sentiments à la graisse — imbriquer des saveurs fermières voire exotiques (blancs de poireaux baignés dans l'huile d'olive ; confis d'oignons au zeste d'orange ; tomates relevées au paprika) dans le schéma de base. Le tout en restant discret — c'est très important — car la qualité du plat dépend de sa subtilité : l'invité doit se dire "quel goût divin !" sans être capable d'identifier les ficelles qui lui secouent la mâchoire. L'arme principale d'un grand chef n'est pas son fouet mais son mystère.

A l'attention des timorés, on conseillera du bout des lèvres un cidre brut pour éponger le palais, mais tout bon vivant qui se respecte ne jure que par le blanc d'Alsace : ces galettes (qui, au fond, vous représentent, vous) méritent mieux, et le mieux, c'est un Gewürztraminer Vendanges Tardives, ou encore un Pinot Gris récent et primé, pour le coup de rein qu'il inflige à l'oesophage. Ne reste plus qu'à déguster un bon cigare pour digérer, en attendant que l'herbe repousse dans le ventre de bataille.

En espérant se faire signer le plus tôt possible par un guide culinaire, voilà tout ce qu'on peut apporter.


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