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L'anarchie **/Elisée Reclus

Par Essel

Reclus

"La conquête du pouvoir fut presque toujours la grande préoccupation des révolutionnaires, même des mieux intentionnés. L'éducation reçue ne leur permettait pas de s'imaginer une société libre fonctionnant sans un gouvernement régulier, et, dès qu'ils avaient renversé des maîtres haïs, ils s'empressaient de les remplacer par d'autres maîtres, destinés, suivant la formule consacrée, à "faire le bonheur de leurs peuples". (p. 10)

Le 18 juin 1894, Elisée Reclus, géographe populaire et libertaire, ami de Bakounine et Kropotkine, donne à Bruxelles, devant un parterre de francs-maçons, une conférence intitulée L'Anarchie, exposant en quoi consiste cette théorie d'une "société sans chefs" pré-existant à Proudhon.

Les éditions Mille et une nuits nous permettent d'en prendre connaissance.

Chimère, diront les uns, générosité, s'exclame Elisée Reclus. Il s'agirait d'une liberté mondiale, d'une société où il n'y aurait plus de guerre, plus de chef, plus de gouvernement, plus de riches et de pauvres, plus d'autorités craintes par des sujets, d'une société reposant sur une nouvelle conception de la justice et de la bonté. Et Elisée Reclus trouve dans le contexte actuelle de solides raisons d'espérer un changement de mentalité qui aboutisse à cette société reposant non plus sur des principes d'assujettissement et de crainte, mais sur des principes égalitaires. En effet, force est de constater qu'en cette fin du 19e siècle les hommes ne vouent plus la même adoration ni le même respect pour la religion et l'Etat. Ils ne craignent plus Dieu. En eux germe donc une volonté de désobéissance, et par là une aspiration à davantage d'autonomie.

Elisée Reclus affirme que si le terme "anarchisme" est né il y a peu  sous la plume de quelques penseurs,  la théorie sur laquelle il repose lui préexiste et transcende l'Histoire. De tous temps des hommes, des savants, ont imaginé une société sans gouvernement, sans chef, où les hommes disposeraient de leur "vouloir et franc-arbitre" (allusion à Rabelais dans Gargantua) et subviendraient à leurs besoins de façon égalitaire. Il proclame sa "foi" en un avenir où cette société pourrait être mise en place. Ce discours d'Elisée Reclus, contrairement aux essais et pamphlets de Proudhon ou de Bakounine, est ici dénué de toute critique véhémente, preuves à l'appui, d'un contexte politique et religieux présent. Tout comme Martin Luther King a pu prononcer la célèbre phrase anaphotique "I have a dream", parlant de la fin de la ségrégation raciale, Elisée Reclus délivre un message d'espoir pour un monde égalitaire, où il n'y aurait plus de gouvernement ni de guerre.

La question est de savoir si la nature humaine peut rendre ce monde possible ? 

RECLUS, Elisée. L'Anarchie. Mille et une nuits, 2009. 53 p. (n°552). 2,50 €. 

En savoir plus : site personnel sur Elisée Reclus.


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