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Franquin (Pierre-Yves Bourdil) I

Par Hiram33

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Franquin (Pierre-Yves Bourdil)

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I Franquin sa vie, son oeuvre

Franquin est né à Bruxelles, le 3 janvier 1924. Il a fréquenté l’école d’art Saint-Luc en 1943 contre la volonté de son père qui l’aurait préféré ingénieur agronome. Il a appris le métier de dessinateur de BD avec Joseph Gillain. Il est entré au journal de Spirou en 1945. Il a traversé une longue dépression et a subi une opération à coeur ouvert. Certaines anecdotes illustrées dans on oeuvre trouvent leur inspiration dans sa vie privée. Il est l’auteur de 22 albums de Spirou et Fantasio, trois albums de Modeste et Pompon, deux tomes de Idées noires et 16 albums de Gaston Lagaffe. Il a dessiné près de cent couvertures du journal Spirou puis a collaboré au supplément " Le trombone illustré ". Spirou est né sous la plume de Robert Velter en 1938. Mobilisé en 1939, Velter confie la destinée de son groom à son épouse, jusqu’en 1944, date à laquelle Joseph Gillain di Jigé essaye de lui insuffler une ardeur nouvelle. Il lui adjoint Fantasio. Franquin reprend Spirou en 1946. Un beau jour de 1955, un malenttendu a poussé Franquin à passer à la concurrence. Nul ne connaît le motif de la dispute. Franquin, qui n’a jamais été à son aise dans le milieu très conformiste des éditions Dupuis et du journal Spirou, a eu soudain l’opportunité d’aller voir ailleurs. Il est prti au journal Tintin où le maître Hergé en est à l’Affaire Tournesol. Dessiner dans Tintin, c’est donc pour Franquin se mesurer à l’oeuvre d’Hergé; être comparé à lui. Modeste et Pompon, le gentil garçon et la sage fillette qu’il fréquente en tout bien tout honneur, vont se livrer, pendant près de 200 pages à 36 000 facéties. Le malentendu avec les éditions Dupuis est vite réglé alors que le contrat liant Franquin au journal Tintin est signé. Franquin doit donc travailler à la fois sur Modeste et Pompon et sur Spirou, ce qui ne sera pas sans incidence sur le dessin et la façon de travailler. De cette époque date le goût de Franquin pour les gags en une planche parce que la tension à soutenir est moins exigeante que lorsqu’il  s’agit de mener à terme une aventure de longue haleine. Puis arrive Gaston. Au départ, Gaston n’est rien qu’une plaisanterie qui devait être de courte durée. Gaston apparaît le 28 février 1957 au détour d’une page sans commentaire. " On " l’a embauché. Nul ne sait pour quelles raisons, ni pour quelle tâche. Au début ses gags tiennent sur une page, au bout de 400 gaffes, une page entière s’imposera. Héros prétendument sans emploi, Gaston est l’archétype du parasite. Mais l’importun est devenu important car renvoyé à la 150è gaffe pour avoir introduit une vache dans les bureaux de la rédaction de Spirou, son retour est plébiscité. En 1959, Modeste et Pompon sont confiés à d’autres dessinateurs. En 1968, Franquin arrête de dessiner Spirou. Une dépression a eu raison de l’intérêt de Franquin pour Spirou. Après 1985, Gaston ne donne plus beaucoup de nouvelles. De 1985 jusqu’à la fin de sa vie, Franquin ne dessine presque plus ou il cherche à dessiner autrement. En 1977, Franquin collabore au Trombone illustré résolument anticonformiste. Franquin s’amuse avec son personnage d’évêque ravi dont la crosse sera l’objet de multiples variations idéogrammatiques. Il invente les idées noires à cette époque qui continueront dans le Journal Fluide glacial. Noires, ces idées le sont graphiquement puisqu’elle sont obscurcies à l’encre de Chine mais elles le sont surtout par leur mentalité morbide salement drôle. Franquin a eu plusieurs collaborateurs comme Michel Greg qui a écrit le scénario du Prisonnier du bouddha, les deux volets de la saga Zorglub et QRN sur Bretzelburg. Goscinny a collaboré aux gags de Modeste et Pompon. En dessin aussi, Franquin a eu des complices. Il a formé un studio en 1957. Roba, Willy Maltaite et surtout Jidéhem ont concouru aux décors de Spirou. Jidéhem a dessiné les décors de Gaston. Mais c’est Franquin qui donne le ton à l’ensemble. Franquin trouvait sa vie insipide et son style " laid et banal ". Pourtant l’originalité de l’oeuvre de Franquin consiste en la manière exemplaire dont elle rend compte du siècle. Elle suit la mentalité populaire pendant plus de vingt ans, dans sa pulsion essentielle, l’attirance pour la modernité. Il y a chez Franquin une omniprésence d’innombrables parasites.

2 – Petit discours de la méthode

Nous ne relisons pas Franquin pour nous rappeler un quelconque passé, mais au contraire pour entretenir l’intérêt permanent que nous éprouvons pour des péripéties qui nous intéressent encore. Une fiction n’a pas d’actualité en dehors d’elle-même. Lorsque c’est le cas, elle se démode. Franquin n’a jamais ressenti le besoin de redessiner ou de réactualiser ses planches, comme par exemple Hergé s’y est acharné pour Tintin. Spirou n’est pas devenu intemporel, il est devenu typique d’une époque. Une modernité banalisée, n’est plus moderne parce qu’elle n’étonne plus. La voilà devenue impuissante. Elle appartient à l’espace où elle trouve place, et néglige l’époque qui l’a vue naître. Le travail du dessin consiste à maintenir la temporalité de cet étonnement plus encore qu’à en produire l’apparition spatiale. Zorglub est avide de nouveauté. Tout, pour lui, doit être à la pointe du progrès. Modeste ou Gaston sont moins obsédés : ils peuvent sans mal tolérer une automobile désuète, parce qu’ils ont des intérêts très diversifiés par ailleurs.

La bande dessinée comme genre culturel belge.

Spirou s’ébat plus souvent à Bruxelles ou à Champignac que par le vaste monde. Modeste et plus souvent chez lui que dehors; il ne dépasse guère les limites de son quartier. Gaston a transformé l’immeuble des éditions Dupuis en résidence principale. Grâce à eux, notre banalité s’est mise à acquérir valeur universelle. Les dessins de Franquin donnent forme à une petite mythologie qui place la Belgique au centre du siècle, si pas tout à fait au centre du onde, par la vertu d’un art ironiquement mineur : la bande dessinée.

La modernité fascine plutôt les gens ordinaires, Fantasio, Modeste, Gaston. Chacun d’entre nous. Gaston n’arrête pas d’entreprendre des bricoles qui pourraient fonctionner s’il avait mieux respecté les lois de la nature. Mais Gaston s’en fiche : ce qu’il veut, c’est l’apparence qui épate les copains. Il veut simplement voir ce qu’il a imaginé. Lorsque l’expérience ratera, il en tirera l’envie d’une nouvelle expérience, à croire que l’échec fait partie de son désir. Les personnages de Franquin évoluent dans un univers où il est scandaleux que n’existent pas des machines à ne plus entendre ronfler, des boîtes aux lettres aspirantes, de fusils lance-carottes. Il faut donc aménager le monde pour qu’il soit compatible en permanence avec l’énergie créatrice de formes inédites que tout un chacun est prié de stimuler. Pour Bergson : " les attitudes, gestes et mouvements du corps humain sont risibles dans l’exacte mesure où ce corps nous fait penser à une simple mécanique " Ce que Franquin dessine, c’est l’ensemble des variations autorisées par cette thèse. Le monde entier a tournure mécanique. Non seulement les hommes se conduisent comme des machines, mais encore les machines ont une irrépressible tendance à se conduire humainement. Or, c’est cette mécanisation cancéreuse qui constitue l’essentiel de notre existence depuis 1945. Voilà pourquoi Franquin réussit à nous séduire si fort : il donne forme culturelle à notre vie.

L’effet de drogue

Zorglub a encore plus besoin de montrer son génie par une profusion technologique de plus en plus impressionnante. Toujours plus pour le même résultat, c’est la drogue.

Le parasite

Ce qu’il faudrait, songe l’oeuvre de Franquin, c’est récupérer personnellement le bénéfice de ce que l’on fait. Pour cela, il faut rendre tous ses droits à l’individu. Puisque le monde est organisé au profit des puissances souveraines, il n’y a qu’à fomenter leur désagrégation, de telle sorte qu’on en tire le plus d’avantages possibles. La modernité n’est condamnable que lorsqu’elle interdit la fantaisie de l’individu. Il y a deux mondes parallèles contradictoires : le monde ? normal ?, collectif, bourgeois, imbibé de bonne conscience. Tout y trouve place et les rebelles doivent être amadoués. Que Gaston Lagaffe travaille sérieusement serait le modèle parfait de ce qu’on devrait y obtenir. D’un autre côté, il y a un monde susceptible d’être parasité. Toute l’oeuvre de Franquin est du côté du parasite. LE parasite intercepte et cherche à détourner à son profit les biens qui appartiennent à d’autres.  C’est ainsi que Gaston transforme les bureaux des Editions Dupuis en espace privé. Le parasite est d’abord seul. Au début, nul n’en veut mais, très vite, il prolifère. Zorglub veut avoir l’univers à sa botte, ni plus ni moins. Le parasite joue le rôle de dieu dans la religion. Dans l’univers de Franquin, les machines tiennent la place des dieux. Pourtant le parasite n’est pas mauvais. Il est surtout embarrassant. Le parasite désoriente. C’est bien pourquoi ce qu’il entreprend nous fait rire lorsque nous n’en pâtissons point. Fantasio aimait bien se moquer d’autrui. Il n’en va plus de même lorsque Gaston se montre plus audacieux que lui à ses dépends. Sans parasite, l’ordre serait pire que total : il serait totalitaire. Entièrement à la merci de ces industriels de la conformité sociale que sont pour Franquin les militaires qu’on ne contrarie point. Ce que le parasite nous montre, c’est à quel point rien ne se passerait sans lui; du moins, rien d’intéressant. Le récit commence sur le mode parasitaire : un rien étranger à l’ordinaire de l’existence vient peu à peu tout envahir. D’une manière générale, les récits se déroulent chez Franquin à partir d’une ambiance provinciale. La province c’est d’abord un monde qui dure, immémorial, équilibré par la force de l’habitude, propice, par conséquent, à la moindre variation. Ce qu’il importe de saisir, c’est à quel point la province échappe à l’histoire. Car on ne parasite pas l’Histoire. L’Histoire interdit la reconnaissance du parasite, parce qu’elle interdit la reconnaissance de l’individu. Les seuls individus qu’elle respecte sont les rois et les princes qui ont de l’ambition. Les drames que relate l’Histoire ont quelque chose de normal qui effraie. Franquin lutte de toutes ses forces pour que le règne de l’Histoire ne ressuscite pas. Les quelques armées qu’il peint, celle de Zantafio, celle de Zorglub, ont un relent nazi, dans leurs uniformes, dans leur goût pour la propagande, qui montrent clairement où est le danger. Ce danger frôle Spirou. La société de consommation traduit pour Franquin l’espoir d’échapper à la tragédie : la religion ou la politique y prennent la forme publicitaire. L’individu est une espèce à protéger. Il en constitue l’étalon. La turbotraction, le Marsupilami, eux-mêmes sont des individus, le comte de Champignac, Gaston Lagaffe sont des individualistes. Zorglub, rival de l’un, De Mesmaeker, rival de l’autre, seraient plutôt des universalistes. Les années Franquin -1947-1968 sont les années heureuses d’un monde qui a cru pouvoir jouir impunément de la modernité.

3 – Figures mythologiques d’un demi-siècle

L’aventure de Franquin commence en 1945; elle s’épuise aux alentours de 1968, faute d’un guide adéquat. Les Etats-Unis ont une influence sur les mentalités, car ils ont eu la chance de ne pas souffrir outre mesure de la guerre. Préservés socialement, ils ont pris de l’avance : les automobiles, le mobilier, les comportements, bref, les goûts états-uniens proposent un but admirable qu’il faut atteindre, dont la jeunesse raffole. Franquin, Hergé et leurs collègues, sont grands lecteurs de comcis. Les Européens entreprennent donc d’évoluer plus vite que les Etats-uniens, ils font comme s’ils étaient déjà Etats-uniens. L’épisode des Pirates du silence nous montre une ville entièrement fantasmée de la sorte : Incognito-city.

  • 1 Les premières aventures (1945-1950)

En 1945, Franquin est un petit jeune qui doit obéir à ce qu’on lui demande. Il est prié de respecter les règles établies par d’autres : règles de moralité, règles de composition. Pas question, en particulier, de sortir du " gaufrier ". Ce n’est qu’à partir de " Mystère à la frontière " que Franquin peut sortir du découpage de la planche en 5 bandeaux de 3 cases chacun. Le Tank est le premier récit de Franquin pour Spirou. Il marque ostensiblement la fin d’une triste époque. Le Tank, qui servait à faire la guerre, est sur le point d’être à son tour démobilisé. Il est le premier engin parasite d’une longue série. Il écrase tout car il n’est pas adapté à la paix. L’histoire du Tank est d’emblée mise de côté pour faire place à la vie quotidienne, celle que la société de consommation va commencer à envahir. Dès Le Tank, on voit fonctionner le système. Les militaires ont une façon si convenablement condescendante de fourguer leurs " vieux machins " aux gogos qui ne s’en rendent pas compte.

Du quartier à la campagne.

Le quartier est un monde sans mystères. La campagne est un monde où le mystère peut avoir lieu. Pour une raison simple. Le quartier est tout entier bâti. Pas de territoires inconnus, sinon les caves et les greniers. A la campagne, en revanche, demeurent de vastes espaces vides où peuvent se cacher des génies obscurs, ou des trafiquants en tous genres.

La conscience de la modernité naît lorsqu’on a conscience de sortir de la superstition pour accéder au plan de la technologie. Le comte de Champignac sera le héros le plus exemplaire de cette conversion. Gaston Lagaffe en bénéficiera d’autant plus que la crédulité magique aura largement disparu de son monde. Deux histoires de robot vont nous aider à comprendre la transition. L’héritage de Spirou et Radar le robot. Alors que tout va bien, puisque ce sont les vacances, quelque chose inquiète la population du patelin où par hasard nos héros ont décidé de se rendre. Dans les deux cas, les campagnards sont naïfs. Leurs valeurs sont impuissantes à embrasser la nouveauté. Incapables de  concevoir qu’un homme puisse par ses propres forces modifier le cours de la nature, ils invoquent des forces magiques lorsque cela arrive.

La figure du savant

Dans un monde qui se modernise, le savant est un avatar laïc des dieux. Il prend le commandement des lois de la nature. Mais le savant le plus génial n’est quand même pas divin. Le héros arrive toujours à le dominer. Il garde le complexe de sa condition humaine. Arrive inévitablement le moment où l’orgueil le saisit de maîtriser le monde. La tâche étant hélas impossible, il entreprend de tout détruire, ce qui est la forme négative de la puissance maximale. L’ultime perversion du savant est le militaire. Le savant souffre de méconnaissance. Il a besoin de prouver qu’il existe. La publicité sera pour Zorglub un équivalent innocent du grand jour. Il n’y aurait pas grand mal à ce que les inventeurs en restent au plan du farfelu. Pourtant, il y a dans la moindre invention une énergie automobile, qui le pousse trop loin. Une invention est en même temps bonne et mauvaise. L’agent Longtarin est constamment à l’affût des facéties qui troublent et menacent l’ordre public. Et il est vrai que Gaston ignore superbement tout ce qui pourrait concerner une quelconque obligation légale. Le savant ne fait qu’aller au bout de ce mépris. L’oeuvre de Franquin court en permanence le risque de dériver. Comment sait-on qu’on n’a pas fait un pas de trop ? Un gag, c’est bien souvent ce pas  de trop, et, s’il ne s’arrêtait au bas de la page, nul ne sait comment on pourrait contenir ses conséquences. Voilà sans doute pourquoi, malgré quelques essais, il est impossible de faire de Gaston Lagaffe le héros d’une longue aventure.

Les enfants parlent aux enfants

Au début, Franquin ne sait que faire des pantins dont il a hérité. Il n’a pas appris à les sortir du Journal Spirou. Fantasio va vers l’émancipation en collaborant au journal Moustique destinés aux adultes. Dans les premières histoires, les héros parlent aux enfants. Ce sont des gamins qui aident Fantasio dans l’épisode du Tank, dans Spirou sur le ring ou Spirou et les héritiers. Littéralement, Fantasio, Modeste et Gaston sont des figures d’adolescents. Quand Spirou se fait fort de découvrir comment des bandits passent de la drogue, le commissaire chargé de l’affaire le rembarre vertement. Le bon âge, c’est celui qui permet de décider de son sort.

2 – Les premiers grands récits (1950-1955)

A partir de cette époque, les personnages de Franquin sont campés. Leurs proportions deviennent compatibles avec le réalisme. Franquin se donne de l’espace. Fini, le gaufrier : huit cases par page lui suffiront désormais, deux par bande. Il y a une prétention de rigueur dans le trait qui se manifeste dans l’exactitude mise à dessiner les véhicules.

Le sorcier de Champignac

Le village de Champignac est un microcosme à la convenance de Spirou et Fantasio. Les habitants de Champignac y vivent au paradis sans avoir besoin de s’en préoccuper. Toutes les conditions sont réunies pour que rien ne se modifie, n’étaient quelques parasites qui vont obliger les champignaciens à prendre conscience que les temps changent. Le maire de Champignac est un élément parasite. Il est la figure sociale du père quand le comte sera celle de l’oncle. Le maire veut le respect de l’ordre. Il veut qu’on l’écoute; d’où l’attention qu’il porte à ses déclarations en tous genres. Mais il n’en veut pas moins un minimum d’adoption à l’époque Le maire n’a pas de nom, le comte porte celui de la commune. Le comte a priorité car ses ancêtres avaient pouvoir souverain de légiférer et c’est peut-être par complaisance que le comte a délégué son autorité de droit divin à un élu. A Champignac, il n’y a ni clans ni rivalités partisanes. Les allocutions du maire sont bizarres, tortillées à l’extrême, par peur d’être légères. Le maire de Champignac exalte au plan social l’idéal publicitaire.

Le comte de Champignac

Grand seigneur ruiné, il se moque de la société. Il y a du Gaston Lagaffe en lui. Il pense d’abord à satisfaire ses curiosités et ne se rend compte de l’existence d’autrui que lorsque ses expériences ont provoqué trop de catastrophes. Gaston n’ira jamais jusqu’à ce civisme; c’est pourquoi il est résolument du côté du peuple. Il ne s’occupe que de champignon. La dernière trouvaille du comte correspond à la difficulté que les héros ont à vaincre. Le champignon adéquat opère à la façon d’une potion magique. Le comte triche avec la légalité puisqu’il se permet de prendre les animaux de ses concitoyens comme cobayes. Il se dope pour gagner quelques épreuves sportives. La morale du comte de Champignac est aussi individualiste que sera celle de Gaston : moi d’abord; les autres ensuite. C’est cette même morale qui anime la société de consommation. En 1950, tout est trop neuf pour que le plaisir ne soit pas dominant et, avec lui, la mythologisation du savoir-faire. Nul doute que les années 1950 croyaient à cela. Il faut changer la vie, petite chose après petite chose, et il faut que cela se voie.


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