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Terre océane, de Daniel Danis, mise en scène de Véronique Bellegarde

Publié le 14 avril 2010 par Onarretetout

terreoc_ane1Antoine (Gérard Watkins) s’apprête à fêter ses 40 ans, un garçon âgé de 40 trimestres débarque chez lui. Il était allé le chercher il y a plusieurs années pour l’adopter avec sa compagne d’alors. Elle l’avait quitté très vite, gardant l’enfant. Et voilà, après plusieurs années à le soigner, elle n’en peut plus et envoie Gabriel (Géraldine Martineau) à Antoine : « c’est ton tour ». Gabriel va mourir d’une maladie incurable.

Commence l’aventure de la paternité. Antoine n’y est guère préparé, mais il sait que le temps est compté et décide de partir avec l’enfant chez celui qui l’a élevé, son oncle Dave (Michel Baumann), dans la campagne québécoise. Une course contre la montre s’engage.

La mise en scène propose un décor blanc (écrans, congélateur, glace). Quand Antoine réalise ce qui lui arrive avec cet enfant, il brise la glace prise dans un cadre suspendu au dessus d’un bassin où flotte un poisson et qui fait des effets de lumière, des ondes, des vibrations, un bassin qui aura aussi pour fonction celle d'un bac révélateur dans un laboratoire photographique. Un autre morceau de glace fond peu à peu dans le décor, le temps y  passe goutte à goutte et, bientôt, il n’en restera rien.

C’est contre ce rien que le combat se mène. Pas contre la mort elle-même, annoncée pour l’enfant, mais aussi pour l’oncle Dave, bûcheron costaud et chaman, à qui Gabriel révèle qu’il mourra dans moins d’un an. Il ne s’agit donc pas de nier la mort mais de s’y préparer, et le plus âgé et le plus jeune construisent une sorte de rampe de décollage pour ne pas rater le départ.

Antoine part avec un désavantage certain : il vit dans l’univers de la « cinémenterie » et se met à filmer Gabriel comme si c’était la seule façon de le sublimer jusqu’à ce que Dave lui ordonne de regarder avec ses yeux. Lâchée la vie professionnelle (Antoine est producteur de films), lâchée la caméra, les images ne disparaîtront pas pour autant, pour nous, spectateurs, puisque de nombreuses projections habilleront de couleurs et de formes les écrans blancs du décor, mais aussi pour l’enfant à qui l’oncle fait vivre des expériences hallucinantes.

Ce qui se joue dès que l’enfant apparaît au fond de la scène, c’est la question de la paternité et de la filiation. Etre père, dit l’auteur, Daniel Danis, c’est une histoire d’adoption réciproque. Ici, la femme (Cécile Bournay), dont le rôle est loin d'être négligeable, est narratrice, et parfois, soignante. L’essentiel réside dans la relation qui se noue entre les trois hommes, entre les trois âges, entre les trois caractères.

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Véronique Bellegarde, metteuse en scène, choisit de tenir les mots à une certaine distance, sans doute pour éviter le pathos que la situation risquerait de créer. Ses acteurs portent un texte où la tête et le corps s’articulent entre eux, ce corps souffrant, ces yeux s’ouvrant.

« La douleur, ça ne fait pas grandir, la douleur ça fait mal. » Et pourtant, nous ne sortons pas de la salle du Théâtre des Abbesses, à Paris, abattus, car, comme pour Antoine, « c’est la vie qui nous revient avec la mort. »

(photos Philippe Delacroix)


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